Le géant pétrolier russe Rosneft a soldé plus de dix ans de coûteuses poursuites héritées du démantèlement de Ioukos, le groupe de l'ex-oligarque russe et opposant au Kremlin, Mikhaïl Khodorkovski, dont il avait repris les principaux actifs. Le producteur de pétrole (40% de la production de la Russie), mis en difficulté actuellement par les sanctions occidentales et la chute des cours, a annoncé un accord avec les ex-actionnaires mettant fin à toutes les poursuites sans payer de dédommagement mais en renonçant définitivement à certains actifs disputés. A l'issue d'une procédure de fraude fiscale au début des années 2000 pour des raisons politiques selon M. Khodorkovski et plusieurs instances européennes, Ioukos a été vendu à la découpe en grande partie à Rosneft, société alors modeste devenue depuis un des premiers producteurs d'hydrocarbures au monde. A ce titre, le groupe public russe, dirigé par Igor Setchine, un proche de Vladimir Poutine, est visé par de nombreuses procédures à New York, Paris et Amsterdam et a été condamné à payer des dédommagements de centaines de millions d'euros qu'il refusait la plupart du temps de régler. Dans un communiqué, Rosneft indique avoir, avec plusieurs filiales, conclu un accord de règlement de tous les litiges avec les sociétés représentant les actionnaires de Ioukos, notamment Yukos Finance et Yukos Capital. En vertu de cet accord, les parties renoncent à toutes leurs réclamations et mettent fin à toutes les procédures devant des tribunaux, est-il ajouté, précisant que le document ne prévoit aucun paiement de la part de Rosneft et ses filiales. Les investisseurs ont montré leur soulagement puisque l'action Rosneft prenait 2,86% à la Bourse de Moscou vers 14H45 GMT.
Pénalités historiques Les deux fondations de droits néerlandais regroupant les anciens actionnaires de Ioukos ont confirmé l'accord. Ses termes sont confidentiels et il s'applique à toutes les juridictions, ont-elles précisé dans un communiqué. Ce n'est pas un accord financier, a confirmé leur porte-parole Claire Davidson. Il fournit une certitude quant à la propriété de structures et actifs importants aux entités néerlandaises dirigées par l'ancienne direction de Ioukos, a-t-elle expliqué, évaluant ces actifs à 400 millions de livres (550 millions d'euros). Dans le même temps, les actionnaires s'évitent de nouvelles procédures coûteuses en frais de justice. En revanche, cet accord ne couvre pas les procédures qui concernent l'Etat russe et non Rosneft et qui ont débouché sur des dédommagements historiques. En juillet 2014, la Russie avait été condamnée par la cour permanente d'arbitrage de La Haye à verser 50 milliards de dollars d'indemnités aux ex-actionnaires de Ioukos pour avoir orchestré le démantèlement du groupe pétrolier pour des raisons politiques. Le tribunal de La Haye a jugé en substance que l'offensive lancée il y a dix ans par Moscou contre Ioukos avait pour objectif principal non de récupérer des impôts impayés mais de provoquer sa banqueroute. Quelques jours plus tard, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) ordonnait à Moscou de leur verser près de 1,9 milliard d'euros. Sommée par le Conseil de l'Europe de présenter un calendrier pour le paiement, la Russie, par la voix du ministre de la Justice Alexandre Konovalov, a répliqué qu'elle agirait comme elle le jugerait nécessaire. Emprisonné pendant dix ans en Russie et aujourd'hui vivant à l'étranger, M. Khodorkovski a indiqué qu'il ne comptait pas demander réparation.