Après cinq ans de croissance exceptionnelle, l'année 2008 s'annonce difficile pour la gestion d'actifs, dans un climat de concurrence accrue et de confiance dégradée par la crise du crédit et par une évolution incertaine de la croissance mondiale, estime le Boston Consulting Group (BCG). Dans sa dernière étude mondiale consacrée à la gestion d'actifs, publiée vendredi, le cabinet de conseil affirme que "malgré des perspectives de long terme positives, l'environnement devient de plus en plus difficile". "2008 sera une année délicate", a déclaré à Reuters Philippe Morel, directeur associé senior du BCG à Paris. "Je pense que le mouvement de décollecte qui a principalement touché les fonds monétaires s'inscrit dans une tendance de fond, qui peut durer 18 à 24 mois", a-t-il précisé, faisant allusion aux rachats massifs intervenus, en France depuis l'été, sur les fonds de trésorerie. "Les banques ont besoin de liquidités et demandent aux réseaux de collecter des produits de bilan, comme des comptes à terme, des comptes sur livrets, des certificats de dépôt", qui viennent concurrencer les produits de gestion d'actifs, a-t-il expliqué. Par ailleurs, la crise des marchés du crédit a installé un climat de défiance chez les investisseurs particuliers comme institutionnels et le ralentissement économique prévisible n'est guère favorable à l'investissement en actions, tandis que les perspectives restent très floues pour l'obligataire, selon le BCG. "Les ménages et les entreprises n'ont donc pas d'objectifs d'investissement très évidents", estime Philippe Morel. Par ailleurs, les gérants d'actifs doivent faire face à la concurrence accrue des banques d'investissement, en particulier sur le créneau des produits structurés. "Les banques ne sont pas soumises aux mêmes contraintes réglementaires que les sociétés de gestion, ce qui leur donne un avantage concurrentiel important", a souligné Philippe Morel. Elles sont innovantes et constituent, selon lui, une menace sérieuse pour les sociétés de gestion. "Les gérants devront se battre pour avoir une part de l'innovation et de la rémunération qui y est liée", a-t-il dit. La concurrence vient aussi des hedge funds, dont la croissance exceptionnelle a atteint en moyenne 28% par an entre 1996 et 2006, et, dans une moindre mesure, du capital investissement et de l'immobilier. Dans ce contexte, l'innovation continue d'être fondamentale et constitue un enjeu important pour le secteur, tout comme sa capacité à attirer les talents. Le contrôle des risques, remis brutalement au goût du jour avec la crise du crédit, sera également fondamental. "Il faudra revoir les modèles de valorisation, qui ne fonctionnent plus en période de 'stress test', ainsi que les comités de suivi des risques", a indiqué Philippe Morel. Le BCG estime aussi que les gérants devront construire leurs positions concurrentielles sur des expertises ciblées répondant bien aux besoins spécifiques de leurs clients. Ils devront aussi poursuivre leur développement sur les marchés à fort potentiel de croissance. Ainsi, l'écart va-t-il continuer de se creuser entre "les meilleurs et les moins bons". En France, les écarts peuvent être très significatifs en terme de collecte, à acteurs comparables, ainsi qu'en terme de marge opérationnelle, celle-ci pouvant aller de 30% (résultat opérationnel rapporté aux revenus) à 60%. En matière d'acquisitions, le BCG met en garde contre des opérations qui peuvent paraître attrayantes et moins chères, en raison de la crise du crédit. "Les gérants d'actifs doivent être extrêmement sélectifs dans le choix de leur cible", compte tenu des difficultés d'exécution inhérentes à ce type de rapprochement", écrivent les auteurs de l'étude. Sur le long terme, le BCG dit rester "extrêmement positif" pour un secteur qui a la capacité de croître de plus de 10% par an grâce aux besoins d'épargne liés aux retraites et à l'accélération du mouvement d'externalisation de leur gestion d'actifs par les investisseurs institutionnels. Le marché mondial de la gestion d'actifs a progressé de 13% en 2006 à 53.400 milliards de dollars. Le marché américain (48% des encours mondiaux) a cru de 15,2% et le marché européen (36% des actifs) de 10,9%, l'Asie-Pacifique (hors Japon) de 10,2%, le Japon de près de 11% et les pays émergents de 20% à 50% selon les régions.