Sept cents enfants réfugiés arrivent chaque semaine sans leurs parents en Suède. Beaucoup ont été blessés dans des accidents, certains portent les marques des mauvais traitements que leur ont fait subir les passeurs. Ces mineurs, principalement de jeunes garçons adolescents, franchissent généralement le pont d'Øresund, qui relie le Danemark à la Suède, et viennent chercher de l'aide dans la première ville qu'ils rejoignent, Malmö. Venus d'Afrique, d'Asie et du Moyen-Orient, ils ont des plaies à la tête, des os fracturés. Certains sont tombés des camions sur lesquels ils voyageaient clandestinement. Mais ces blessures peuvent aussi leur avoir été infligées par ces trafiquants que leurs parents ont payés pour les conduire en sûreté dans le nord de l'Europe. Des enfants souffrent par exemple de perte de l'audition à force d'avoir été frappés sur les oreilles pendant leur périple. "Nous en avons aussi accueilli beaucoup en provenance de Libye, y compris certains qui se sont trouvés sur des bateaux en perdition", raconte Kristina Rosen, qui gère un centre de transit à Malmö. Un mineur dit avoir vu son frère se noyer en Méditerranée. Le personnel du centre estime que plus de la moitié des enfants auront besoin d'un soutien psychologique à un moment ou un autre. Le centre se veut chaleureux, on y trouve une salle où les jeunes peuvent jouer à des jeux vidéo ou surfer sur Facebook.
Un départ par famille Proportionnellement à sa population, la Suède reçoit plus de demandeurs d'asile que tout autre pays européen et le nombre d'arrivants augmente fortement, alimenté par le flot de Syriens fuyant la guerre dans leur pays. Le pays scandinave, qui accueille des réfugiés depuis les années 1970, prend en charge environ un tiers de tous les mineurs non accompagnés qui arrivent dans l'Union européenne. Cette année, leur nombre devrait doubler pour atteindre 12.000. Les responsables du centre expliquent que les familles ne peuvent souvent payer le voyage qu'à un seul de leurs membres et choisissent un enfant pour éviter qu'il soit recruté par les groupes armés. Moins d'un tiers de ces enfants non accompagnés revoient un jour leurs parents. Malmö, à seulement 35 minutes de train de Copenhague, est le principal port d'entrée pour les mineurs en Suède. Certains sont retrouvés errant dans les rues par des habitants qui les conduisent jusqu'aux autorités. D'autres cherchent à contacter directement la police ou les travailleurs sociaux. Parfois, les passeurs les déposent près du siège de l'Agence des migrations. Cette année, jusqu'au mois d'août, 9.383 enfants non accompagnés ont déposé une demande d'asile en Suède, contre 7.049 pour l'ensemble de l'année 2014. Ils venaient principalement d'Afghanistan, de Syrie, d'Erythrée et de Somalie, selon les données de l'Agence des migrations. La plupart sont des garçons. La Suède évalue le coût de leur prise en charge à 9,1 milliards de couronnes (1 milliard d'euros environ).
Nouvelle vie Ces mineurs ne restent que quelques jours dans le centre de transit de Malmö avant d'être installés dans d'autres centres du pays, ou des familles d'accueil lorsqu'ils sont très jeunes. Mais 92% de ces enfants ont entre 13 et 17 ans. Beaucoup s'adaptent avec succès à leur nouvelle vie. Une étude de l'université de Stockholm portant sur des jeunes demandeurs d'asile arrivés entre 2003 et 2013 montre que ces enfants non accompagnés trouvent davantage de travail que les mineurs arrivés avec leurs parents. Aref Karami, un jeune Afghan âgé de 21 ans, est arrivé seul en Suède lorsqu'il avait 16 ans. Il a traversé la Turquie, la Grèce, l'Italie, la France, l'Allemagne et le Danemark. Entre la Grèce et l'Italie, il a passé sept heures avec 35 autres personnes sur un bateau pneumatique. "J'ai entendu parler de la Suède, c'est le meilleur pays pour étudier, et je rêvais de faire des études", dit le jeune homme, qui aspire à devenir architecte.