Pour dénoncer cette grave violation des droits des demandeurs d'asile et des mineurs, Amnesty International (AI) a présenté, à Rome, un rapport alarmant sous le titre éloquent : « Invisibles : Mineurs détenus à leur arrivée en Italie ». Les experts de l'ONG qui ont rédigé le rapport ont choisi d'appeler ces immigrés clandestins mineurs « les invisibles », car ils ont découvert que toutes les statistiques relatives aux flux des migrants les ignorent et que ces derniers ne figurent nulle part dans les données recueillies par le ministère de l'Intérieur. Dans le cadre d'une enquête menée dans les centres de détention des immigrés en situation irrégulière dans plusieurs pays (USA, Australie, Grande-Bretagne, Espagne, Grèce et Italie), Amnesty International a décidé de porter à la connaissance de l'opinion internationale le traitement inhumain réservé à des mineurs qui ont pour seul tort d'avoir débarqué dans un pays, sans être en possession d'un visa. L'Italie avec ses côtes longues de plus de 3700 km est souvent le port d'arrivée de dizaines de milliers d'Africains et d'Asiatiques, qui entrent illégalement dans la péninsule, espérant obtenir le statut de réfugié politique. Durant les 5 dernières années, environ 80 000 migrants et demandeurs d'asile ont débarqué en Italie, par voie maritime. Parmi eux des enfants en bas âge, des nouveaux-nés et des adolescents, provenant surtout d'Erythrée, d'Ethiopie, de Somalie et de Turquie, mais aussi des pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. La section italienne d'Amnesty International a établi un rapport alarmant sur la situation des mineurs, accompagnés ou pas, qui se retrouvent enfermés dans les centres de détention, tout comme les adultes. « Les mineurs sont les premières victimes de l'échec des politiques italiennes en matière d'asile et d'immigration. Ils sont rendus invisibles à cause de l'absence de statistiques et de la diffuse absence de transparence dans la gestion des centres de détention et obligés à vivre, parfois durant de longues périodes, dans des conditions inappropriées, sans la possibilité de contester l'illégalité de leur détention. » Si l'enfermement des immigrés arrivés illégalement en Italie est dénoncé depuis des années par les associations de défense des droits de l'homme, qui rappellent que ces personnes à la recherche d'une vie meilleure n'ont commis aucun crime et qu'il est inacceptable de les traiter comme des délinquants, la détention des mineurs rend la situation encore plus intenable. Amnesty International, dans le cadre de son enquête sur les conditions d'accueil des mineurs, a recueilli 890 plaintes qui font état de la détention et du mauvais traitement de mineurs dans les différents établissements appelés cyniquement par les autorités italiennes « centres de premier accueil » ou « centres d'accueil temporaire ». En fait, dès que les forces de sécurité interceptent des voyageurs à bord d'embarcations de fortune, au large des côtes siciliennes, ils les escortent manu militari dans un premier centre, où ils sont identifiés. Pour déterminer l'âge d'un clandestin qui tait ou ignore son état civil, les agents italiens se fient à une simple radiographie du poignet. Les responsables de AI s'insurgent contre cette pratique sommaire, car la marge d'erreur est très grande, ce qui compromet le sort de plusieurs adolescents, voire enfants, qui se retrouvent soumis au même régime que les adultes. Les femmes enceintes n'échappent pas non plus à cette détention pénible et arbitraire. Les plaintes reçues par les experts de AI parlent de mauvais traitements des mineurs par des agents des forces de sécurité chargés de leur surveillance, de conditions d'hébergement et de nutrition lamentables. Ils sont contraints, lors de leur transfert d'un centre à un autre, à de longs voyages (qui peuvent durer plus de 12 heures) en autobus. Les responsables de l'organisation internationale craignent que la situation n'empire, car le gouvernement italien interdit aux ONG l'accès à ces structures surpeuplées. Les seules fois où des parlementaires européens ont été autorisés à les inspecter, les responsables avaient opéré une véritable mise en scène pour vider les centres de leurs occupants et simuler des conditions d'accueil plus décentes. Amnesty International dénonce également le caractère secret et expéditif avec lequel plus de 2800 immigrés ont été renvoyés par le ministère de l'Intérieur italien vers les côtes libyennes, l'année dernière. Il est fort probable que des femmes enceintes et des mineurs se soient trouvés parmi les passagers forcés des vols charters lors de ces opérations d'expulsion que plusieurs députés italiens de gauche ont qualifiées de « déportation massive », en parfaite violation des normes internationales en matière d'accueil et d'asile.