Wall Street, déstabilisée par la chute imprévue du nombre de créations d'emploi en septembre, pourrait encore tester ses planchers la semaine prochaine en cas d'autres indications de la contagion aux Etats-Unis du ralentissement mondial. Grâce à un rebond technique inattendu vendredi, l'indice vedette Dow Jones Industrial Average a gagné 0,97% sur la semaine à 16 472,37 points et le Nasdaq, à dominante technologique, 0,45% à 4 707,78 points. Particulièrement regardé par les investisseurs, l'indice élargi S&P 500 a quant à lui progressé de 1,04% à 1 951,36 points sur les cinq dernières semaines. Néanmoins, "c'est la première semaine où on a vu la contagion du ralentissement global de l'économie" aux Etats-Unis, a relevé Gregori Volokhine, président de Meeschaert Financial Services: outre les chiffres de l'emploi, les investisseurs ont dû encaisser le ralentissement de l'activité manufacturière, calculé par l'indice ISM, et la baisse des commandes industrielles. Avec 142 000 nouveaux emplois en septembre, au lieu des quelque 205 000 escomptés, "on crée des emplois, mais il y a un ralentissement dont on voit de premiers signes", a ajouté M. Volokhine. "Les gens espéraient que les chiffres de l'emploi apporteraient un peu de clarté sur les intentions de la Réserve fédérale (américaine), mais cela les a rendu encore plus confuses", a déclaré pour sa part Tom Cahill, chez Ventura Wealth Management. Selon lui, la perspective d'un éventuel relèvement des taux d'intérêt "est repoussée à mars, donc cela veut dire six mois à se demander si la Fed va ou non relever les taux d'intérêt, et cela ne met pas à l'aise", a-t-il ajouté. "La réunion de la Fed de septembre n'a donné aucune confiance et, sans confiance, les rebonds (du marché) ne peuvent être que techniques et de courte durée", a souligné pour sa part M. Volokhine, car il est difficile de se motiver pour acheter des actions dans ces conditions. Certes, la progression de vendredi en dépit de la déception sur l'emploi et le fait que le marché ait rebondi après avoir frôlé ses planchers du 25 août, "c'est de bon augure", a estimé Hugh Johnson, chez Hugh Johnson Advisors. RALENTISSEMENT DANS LES SERVICES "Mais je ne suis pas très confiant qu'on puisse garder ce plancher s'il apparaît que l'économie américaine ralentit plus nettement qu'on ne s'y attendait", a-t-il ajouté. A cet égard, plusieurs indicateurs de la semaine prochaine seront suivis de près, à commencer par celui de l'activité dans les services, lundi. "On peut comprendre que le secteur manufacturier souffre de plein fouet (du ralentissement en Chine et en Europe) puisque c'est un secteur relativement exportateur, par contre les services sont très domestiques et si on a aussi des signes négatifs au niveau des services, on va tout de suite avoir la conclusion qu'on va avoir un ralentissement de la consommation, or les services et la consommation repré- sentent 90% de l'économie amé- ricaine", a souligné M. Volokhine. Jusqu'à présent, l'ISM des services a été assez bon, "mais il est censé baisser de 59 à 57", s'inquiète M. Cahill. Le lendemain, les chiffres du commerce extérieur seront scrutés à leur tour. M. Johnson y cherchera les chiffres des exportations, "qui donneront une assez bonne impression de ce qui se passe dans l'économie mondiale. C'est là qu'on verra" si les entreprises américaines sont vulnérables, a-t-il dit. M. Volokhine, lui, regardera surtout les chiffres des importations, craignant qu'une éventuelle diminution ne soit de mauvais augure pour la consommation. Enfin, la saison des résultats d'entreprises va débuter en douceur, avec notamment Pepsico, Monsanto et Alcoa, au moment où "beaucoup de responsables de stratégie d'investissements et d'économistes pensent que nous sommes en phase de récession des bénéfices, même si peu pensent que nous sommes en récession économique", a dit M. Johnson. "Ce qui pourrait encore faire baisser le marché, ce sont de mauvais résultats d'entreprises", a noté M. Cahill: "s'ils restent en deçà d'attentes déjà médiocres, alors le marché pourrait faire un pas plus bas". FIN DE SEMAINE EN HAUSSE Soutenue par une embellie du secteur de la santé, Wall Street a nettement monté vendredi à l'issue d'une séance particulièrement incertaine après des chiffres décevants sur l'emploi amé- ricain: le Dow Jones a pris 1,23% et le Nasdaq 1,74%. Après une ouverture en nette baisse juste après la publication des chiffres mensuels du gouvernement américain sur l'emploi, le Dow Jones perdant plus de 1,5%, les principaux indices n'ont cessé de regagner du terrain pour conclure la journée en franche hausse. "C'était une séance plut ôt déroutante", a reconnu Mace Blicksilver, de Marblehead Asset Management. Les mouvements "ont été en grande partie techniques et je ne pense pas qu'il faille y accorder trop d'importance". "Les chiffres sur l'emploi ne sont franchement pas bons et ce n'est pas ce genre d'indicateur sur l'économie dont les investisseurs ont envie de prendre connaissance", a jugé Michael James, de Wedbush Securities. En plus de la déception concernant les embauches, certains observateurs mettent l'accent sur une nouvelle baisse du taux de participation, qui montre donc que de plus en plus de personnes ont renoncé à chercher un emploi. Toutefois, Wall Street a vite repris de l'allant grâce à "un rebond significatif de presque toutes les valeurs de la santé et des biotechnologies", a noté M. James. "Je ne sais pas vraiment quelle en est la raison, mais c'est le secteur qui relance le marché (...) alors qu'il baissait de façon probablement excessive depuis deux semaines". Vu la faiblesse des chiffres de l'emploi, certains experts mettaient en doute la pérennité du rebond de vendredi, estimant, comme M. Blicksilver, qu'il était largement dû à des raisons techniques liées aux spéculations des investisseurs. "Tant que rien ne prouve que l'économie se renforce, cela sera difficile de poursuivre sur la lancée de cette hausse, mais cela ne veut pas dire qu'on va forcément chuter", a-t-il conclu. AMD AVANCE Parmi les valeurs, le fabricant de semiconducteurs Micron a bondi de 7,72% à 15,91 dollars, malgré une baisse de son chiffre d'affaires et de son bénéfice trimestriel, les investisseurs les jugeant meilleurs que prévu. Egalement dans le secteur, le fabricant de microprocesseurs AMD, confronté à un déclin de son activité, a pris 5,17% à 1,83 dollar après avoir annoncé une réduction de 5% de ses effectifs dans le monde. L'opérateur télé- coms T-Mobile US, filiale américaine de l'allemand Deutsche Telekom, a gagné 1,42% à 40,70 dollars, peu affecté par le vol de données personnelles de 15 millions de ses abonnés au cours d'une cyber-attaque chez un de ses sous-traitants. Son concurrent Sprint a pris 4,94% à 4,25 dollars après un article du Wall Street Journal selon lequel l'opé- rateur prévoit un plan d'économies allant jusqu'à 2,5 milliards de dollars au cours des prochains mois. Le géant de la distribution Wal-Mart a avancé de 1,10% à 64,98 dollars sans vraiment réagir à un plan de suppression de 450 postes aux Etats-Unis, face à la montée en puissance du commerce en ligne symbolisée par Amazon (+2,27% à 532,54 dollars).