Douze pays de la région Asie-Pacifique se sont accordés sur un traité de libre-échange discuté depuis 2008. Sans la Chine. Autour de la table des négociations, ils étaient une douzaine de pays. A eux seuls, ils pèsent 40% du PIB mondial et un tiers du commerce planétaire. Voilà dix ans qu'ils en parlent. Une décennie de rencontres diplomatiques pour constituer la plus grande zone de libre-échange au monde. Cette fois, le deal est (presque) bouclé. Etats-Unis, Canada, Mexique, Chili, Pérou, Japon, Malaisie (1)… viennent de faire un premier pas vers un partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership, TPP). C'était lundi 5 octobre à Atlanta (Etats-Unis). Retour sur le plus important accord commercial régional de l'histoire économique. Certes, reste encore à ratifier au niveau de chacun des douze pays l'accord de principe d'Atlanta. Mais c'est le premier pas de la constitution d'un ensemble qui regroupe 800 millions de consommateurs. Le Japon et les Etats-Unis auront été les chefs d'orchestre de cette longue négociation. Une fois de plus, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) assiste impuissante à l'aboutissement d'un nouveau traité commercial multilatéral. "Cet accord confirme la volonté des Etats-Unis de multiplier des accords commerciaux sur mesure", analyse Michel Rainelli, professeur d'économie à l'université de Nice-Sophia-Antipolis. A terme, ce seront 18 000 droits de douane qui seront supprimés. Pour le grand bénéfice du Vietnam, par exemple, qui pourra exporter ses produits textiles aux Etats-Unis… Et à moindres frais douaniers. En contrepartie, la viande américaine pourra prendre la route d'une Asie qui, à mesure, qu'elle se développe, en consomme toujours plus. Une région jusqu'à présent relativement fermée aux importations bovine et porcine du Canada et des Etats-Unis. Des deals pas toujours gagnant-gagnant. La Nouvelle-Zélande qui lorgnait, par exemple, sur le marché canadien du lait, devra se contenter d'un petit 3%. Les bienfaits supposés du libre-échange ont, malgré tout, leurs limites.
Sans la Chine La Chine n'aura pas été conviée à la table des négociations. Pire encore: ses partenaires commerciaux traditionnels se sont rapprochés de l'oncle Sam. "Ces pays veulent s'éloigner de l'influence chinoise et participent, de fait, à la machine de guerre économique fabriquée contre elle", ajoute Michel Rainelli. Les propos de Philippe Waechter, le directeur de la recherche économique de Natixis, sont plus nuancés:"Certes, par ce traité, les Etats-Unis ont préparé leur cheval de Troie pour revenir en Asie. Mais si le TPP s'avère plus équilibré entre les pays signataires et permet une relance du commerce mondial, alors il faudra saluer cette initiative." Mais selon Marc Lautier, maître de conférences à l'université Paris XIII spécialiste des pays émergents asiatiques, d'autres critères doivent être considérés: "les tensions frontalières que connaissent certains pays asiatiques, comme par exemple entre la Chine et Vietnam, expliquent cet attrait pour les Etats-Unis. Grâce au TPP, le rapport de force entre les petits pays d'Asie et la puissance chinoise sera moins inégal". Les plus optimistes vont même jusqu'à prévoir un alignement des normes environnementales et salariales sur des standards américains. Pourtant, Michel Rainelli affirme de son côté que le traité Transpacifique ne serait pas sans risque pour certaines économies du Pacifique: "Un marché de libre-échange, avec une disparition quasi totale des barrières tarifaires, comporte un risque de disparition totale ou partielle de certains secteurs agricoles traditionnels. Face aux gros agrobusiness américains, les petits producteurs ne feront pas le poids…"
Multinationales Le traité Transpacifique signe-t-il la mort du traité Transatlantique? Ce dernier n'aura pas eu besoin du premier pour être remis en question. Depuis 2013, l'Union européenne et les Etats-Unis tentent (en catimini) de constituer un marché commun Etats-Unis/Europe. TTIP, TAFTA ou encore Traité transatlantique: ces trois noms pour un même projet, devraient (en cas d'aboutissement) abolir tous les obstacles entre les échanges de chaque côté de l'Atlantique. Mais il ne cesse de susciter de plus en plus de protestations en Europe, notamment en France. Washington et Bruxelles ont beau prétendre depuis le début des discussions que ce traité est fait pour le bien de tous. Rien n'y fait. Ces opposants craignent une augmentation du pouvoir des multinationales face aux Etats européens et dénoncent le caractère non démocratique des négociations. Il reste que si accord il devait y avoir un jour, il faudra qu'il soit ratifié par le Parlement européen et les gouvernements nationaux des pays de l'UE. L'Europe en est loin, tant les divergences sont nombreuses…