La présidente de la Réserve fédérale (Fed) Janet Yellen a reconnu jeudi que l'appréciation du dollar ces derniers mois avait rendu la Fed "plus prudente" dans son intention de relever les taux d'intérêt. "La combinaison de la faible croissance à l'étranger et de la force du dollar ont déprimé les exportations (...) et ont constitué un frein pour l'économie des Etats-Unis", a expliqué Mme Yellen lors d'une audition au Congrès. "Cela nous rend plus prudents bien sûr pour ce qui est [de relever] les taux d'intérêt", a-t-elle ajouté. La Fed a clairement signalé que, sauf coup de théâtre, elle s'attendait à relever les taux pour la première fois en près de dix ans lors de sa prochaine réunion monétaire des 15 et 16 décembre. Mais de nombreux acteurs sur les marchés avaient anticipé que la banque centrale américaine franchirait ce pas dès septembre, voire juin. Mme Yellen a souligné que "les attentes des marchés" sur les politiques monétaires divergentes entre la zone euro et les Etats-Unis avaient dopé le dollar. Interrogée sur le fait de savoir si le billet vert allait encore s'apprécier vu les perspectives de hausse des taux aux Etats-Unis tandis que la Banque centrale européenne (BCE) promet au contraire un élargissement des mesures accommodantes, Mme Yellen a répondu: "il s'est beaucoup apprécié depuis un an et demi" (+14% sur la période). "Beaucoup de ces attentes sont déjà incluses dans les taux de change. Je ne veux pas prédire le cours du dollar", a-t-elle ajouté. Alors que l'euro est paradoxalement parti à la hausse face au dollar jeudi après l'annonce de nouvelles mesures de soutien monétaire par la BCE, mais qui n'étaient pas aussi généreuses que ne l'espéraient les marchés, Mme Yellen a juste noté: "je crois comprendre que les marchés attendaient des mesures qui ne se sont pas matérialisées". Un peu plus tôt dans son audition, la patronne de la Fed a laissé entendre que le dollar pourrait "se stabiliser" à son niveau actuel. "Si le dollar se stabilise à son nouveau niveau plus haut, alors l'inflation ne sera plus bridée. Une simple stabilisation va diminuer" l'effet de l'appréciation du billet vert sur les prix à l'importation et donc sur l'inflation. La Fed aimerait voir l'inflation, proche de zéro actuellement aux Etats-Unis, remonter vers un objectif de 2% qu'elle estime sain pour l'économie. Croissance "modeste" L'activité économique aux Etats-Unis a poursuivi sa croissance "modeste" dans la plupart des régions, selon le Livre beige de la Réserve fédérale (Fed) rendu public qui commence à signaler un resserrement du marché de l'emploi dans certaines parties du pays. Les dépenses de consommation ont continué d'augmenter, particulièrement les ventes automobiles, dopées par les bas prix de l'essence. Pourtant les conditions du secteur manufacturier sont "mitigées", du fait "du dollar fort, des bas prix des matières premières et de la faiblesse de la demande mondiale", indique le rapport. Dans certaines régions, il devient difficile de pourvoir des emplois, même de premier niveau. Le Livre beige, qui tient son nom de la couleur de sa couverture, est traditionnellement publié par la banque centrale deux semaines avant une réunion de son Comité de politique monétaire (FOMC). Ses informations ayant été collectées entre le 5 octobre et le 20 novembre, il constitue le rapport de conjoncture le plus frais avant la réunion du FOMC des 15 et 16 décembre prochains. Sauf coup de théâtre, les marchés s'attendent à ce que la Fed opère à une modeste hausse des taux, la première en près de dix ans, alors que ceux-ci sont proches de zéro depuis fin 2008. Comme dans sa précédente édition, le Livre beige souligne plus d'une vingtaine de fois l'impact du "dollar fort" sur certains secteurs manufacturiers, sur les exportations et par conséquence dans les ports notamment. Toutefois, dans la plupart des régions, les industriels s'attendent à une "légère amélioration des conditions d'affaires au cours des six prochains mois". Sur le plan de l'inflation, les prix demeurent "stables", malgré quelques baisses, aussi attribuées à la force du billet vert et aux bas prix pétroliers. Le marché du travail "continue de se resserrer modestement", dit le rapport qui ajoute que des régions comme Atlanta, Minneapolis, Kansas City et San Francisco ont noté que les difficultés à pourvoir des postes ne s'arrêtaient plus désormais aux emplois hautement qualifiés. Les salaires sont demeurés stables, voire en modeste hausse. Des augmentations plus fortes étaient relevées pour les postes qualifiés, quoique sur Atlanta, on remarquait aussi des hausses pour les postes requérant peu de qualifications. Plus tôt mercredi, la présidente de la Réserve fédérale américaine (Fed) Janet Yellen avait dressé un état relativement optimiste de l'économie des Etats-Unis dans un discours à Washington, anticipant "une croissance modérée" dans les années à venir, suffisante pour générer de nouveaux emplois. Sans annoncer assurément un relèvement des taux mi-décembre, elle a averti que, vu le "délai" d'efficacité de toute politique monétaire, il ne fallait pas attendre trop longtemps avant de relever les taux sous peine de devoir ensuite "les resserrer plus abruptement" ce qui risquerait d'avoir des répercussions négatives sur les marchés financiers. La croissance du Produit intérieur brut aux Etats-Unis s'est établie à 2,1% au 3e trimestre en rythme annualisé. La majorité des économistes s'attendent à une expansion du même ordre autour de 2,25% au dernier trimestre, a rappelé Mme Yellen.