La Réserve fédérale américaine (Fed) va-t-elle toujours se montrer "patiente" avant d'envisager de relever ses taux d'intérêt ? Les marchés auront les yeux braqués sur la réponse demain. Le Comité de politique monétaire de la Banque centrale (FOMC) se réunit mardi et mercredi et va tenter d'ajuster sa position entre un marché du travail solide mais une inflation qui ne veut pas décoller. L'abandon du terme "patient" serait le signal que la banque centrale est désormais prête pour une hausse des taux, la première depuis près de dix ans. Les taux d'intérêt au jour le jour sont maintenus proches de zéro depuis fin 2008 et n'ont pas été relevés depuis 2006. La présidente de la Fed Janet Yellen a redit devant le Congrès fin février qu'un premier resserrement du crédit n'interviendrait en tout cas pas avant juin. Elle aura l'occasion de préciser sa pensée lors d'une conférence de presse mercredi à 14H30 locales (18H30 GMT). "Nous nous attendons à ce que la Fed change son message d'orientation monétaire de façon à donner le signal qu'une hausse des taux va intervenir au cours des prochaines réunions", ont estimé dans une note les économistes de IHS Global Insight, Paul Edelstein et Doug Handler. Le FOMC devrait, selon eux, "abandonner sa promesse d'être patient (...). Cela ouvrirait la voie à une hausse en juin, bien que la Fed ait encore le choix d'attendre plus longtemps". En modifiant ses indications quant à ses intentions en matière de politique monétaire, la banque centrale "se donnera la possibilité de relever les taux vers le milieu de l'année", assurait aussi Joseph LaVorgna de Deutsche Bank. Une enquête du Wall Street Journal auprès d'une soixantaine d'économistes montre des avis partagés sur le calendrier: 29 pensent que la Fed enclenchera sa première hausse des taux en juin, 23 parient sur septembre tandis que 4 misent sur juillet, date à laquelle n'est pas prévue de conférence de presse. Interrogée sur la chaîne économique CNBC, Ellen Zentner, senior économiste de Morgan Stanley, croit, elle, que la Fed va patienter jusqu'en 2016. Les minutes de la précédente réunion de fin janvier ont montré combien les membres du FOMC étaient inquiets qu'une hausse prématurée des taux puisse "éteindre l'apparente solide reprise de l'activité et du marché de l'emploi", rappelle-t-elle.
Nouvelles prévisions La rapide amélioration du marché du travail avec un taux de chômage qui se rapproche du plein emploi (5,5% en février) plaide certes pour une hausse des taux dès l'été avant qu'une augmentation des salaires --qui accompagne traditionnellement un marché de l'emploi tendu-- ne fasse s'emballer l'inflation. Pour l'anecdote historique, en 2004, la Fed avait commencé à remonter ses taux lorsque le taux de chômage était à 5,6%... Mais la situation est bien différente aujourd'hui. L'augmentation des salaires ne se manifeste toujours pas et surtout, l'inflation est très basse (0,2% sur un an, selon l'indice PCE), très loin de l'objectif de la Fed de 2% en raison, principalement, de la chute des prix de l'énergie. Les responsables de la Fed ont d'ailleurs prévenu à plusieurs reprises que l'inflation pourrait encore baisser avant de remonter. La banque centrale divulguera mercredi de nouvelles prévisions économiques. Selon les économistes de Deutsche Bank, elle pourrait très légèrement abaisser sa prévision de croissance mais surtout fortement réduire sa projection d'inflation. Les représentants de la Fed seront aussi attentifs à la conjoncture extérieure. La remontée du dollar, qui a gagné 13% par rapport à l'euro depuis le début de l'année, reflète à la fois la meilleure santé de l'économie américaine mais aussi la politique ultra-accommodante dans laquelle s'est lancée la Banque centrale européenne (BCE) pour doper l'économie. Certains craignent que l'appréciation du billet vert ne ralentisse la croissance en handicapant les exportations américaines rendues plus chères. Mais, selon Douglas Porter de BMO Capital Markets, "bien que ce soit défavorable pour l'économie américaine", la montée du dollar "n'empêchera pas une hausse des taux" alors que les exportations ne comptent que pour 13% du PIB américain.