Le soufisme a eu, tardivement, son corollaire, la musique élabore, par des confréries du monde oriental et maghrébin, sous une forme que l'on appelle, généralement, diwan. Ces ensembles musicaux par excellence, traditionnels, explosent en ce moment. Au Maroc, en Tunisie, et surtout dans notre Sud, des groupes se forment autour de ce style musical traditionnel qui provoque " l'ivresse " et favorise la communion, l'unification, "l'extinction " du pratiquant en la divinité. Et les confréries, ces institutions particulières au soufisme, utilisent la musique, le chant et la danse comme pratiques religieuses à part entière. C'est une pratique religieuse! C'est ainsi que durant les spectacles de ces formations, l'on évoque soit Dieu, (El Ilah), le prophète Mohamed, (Si Rasoul Elah) et les saints comme Sidi Abdelkader El Djilali, dans une ambiance parfumée de musk et inondée de djaoui, comme pour chasser les démons et les mauvais esprits. Cette évocation est tellement forte, tellement soutenue et répétée, que les artistes sur scène sont en transe comme s'ils étaient en parfaite communion avec les saints qu'ils louent. Le diwan est, en fait, une musique aux origines gnaoua. Gnaoua est ce parfait mélange tout aussi harmonieux que fraternel entre l'Afrique noire et l'Afrique blanche. Citons l'exemple des diwans qui existent, par exemple, à Biskra, cette ville des palmeraies qui a séduit les Etienne Dinet et les Oscar Wilde. Prenons le Dian de Biskra, connu par son " chef d'orchestre", Camel Zekri, ou encore le Marzoug de Biskra. Le Marzoug, un style musical qui est resté à 100% local puisqu'utilisant les instruments traditionnels, tels, chekwa (cornemuse), qarqabou (crotales), tablas. Elle s'appelle, ainsi, en référence à l'une de ces nombreuses branches de la grande confrérie de Sidna Bilal. Sidi Bilal, le nom du premier muezzin noir de l'islam, nommé par le prophète Mohamed. Au Maroc, ces populations venues de l'ancien Soudan occidental, avant d'essaimer dans tout le Maghreb, sont désignées sous le terme " gnawa " mais, dans le Sud algérien, ils sont connus sous la dénomination de " abid ", " bousaâdia " ou "Ouled Baba Merzoug ". Et autour du nom de Marzoug, il y a tout une sémantique, puisque à Biskra comme dans d'autres lieux, on dit que l'adoption d'un tel nom était une façon de se placer sous une bonne augure, "Marzoug " signifiant chanceux. D'autres disent qu'il s'agirait plutôt d'un esprit, ainsi dénommé, parce qu'il procure la fortune à ceux qui se mettent sous sa protection. Mais ce qu'il faut retenir c'est, surtout, le " diwân ", veillées nocturnes, des adeptes, perpétuées par la troupe Marzoug. Les chants vibrent au son des percussions, des " qraqeb " (crotales en métal) et surtout des "chakwa ", un instrument de la famille des cornemuses propre à la région de Biskra. Autrefois appelé Zorna ou Karkabou, Diwan de Biskra, le groupe le plus célèbre de la ville a réussi à internationaliser cet art rituel. En témoignent, d'ailleurs, les nombreuses tournées de ce groupe, né en 1996 dans la banlieue parisienne, autour de soirées entre émigrés maghrébins.