Le chef du parti conservateur au pouvoir en Pologne Jaroslaw Kaczynski a tenté dimanche à discréditer le Tribunal constitutionnel, avec lequel il est en conflit ouvert depuis près d'un mois, en l'accusant de couvrir de gigantesques abus. Il a parlé de détournements de dizaines de milliards de zlotys (milliards d'euros), pour en accuser une partie de la classe politique, composée, selon lui, d'ex-communistes et de leurs alliés. Selon lui, le Tribunal a l'intention de les protéger. M. Kaczynski n'occupe que le poste de président de Droit et Justice (PiS), mais tant le président Andrzej Duda que la Première ministre Beata Szydlo reconnaissent volontiers qu'il est leur maître à penser. La crise autour du Tribunal constitutionnel est née de tentatives maladroites et légalement douteuses des deux principaux partis polonais, la Plateforme civique (PO, centriste), au pouvoir jusqu'aux législatives, et le PiS, au pouvoir depuis un mois, d'introduire dans cette institution des juges proches de leurs positions. Le Tribunal a condamné ces manoeuvres dans les deux cas, et la PO a reconnu son erreur. Mais le PiS, appuyé par le président Duda, ne veut pas renoncer à ses juges, et aucune solution n'est en vue. M. Kaczynski a prononcé sa violente diatribe devant le siège du Tribunal, à l'issue d'une marche d'au moins 20 000 de ses partisans, organisée à l'occasion du 34e anniversaire du coup de force communiste contre Solidarité, mais censée surtout montrer le soutien populaire au PiS et au président Andrzej Duda, qui en est issu. La veille, une manifestation de l'opposition de droite et de gauche avait réuni à Varsovie quelque cinquante mille personnes, selon la mairie. Affirmant que le Tribunal avait l'intention d'empêcher le PiS de tenir ses promesses électorales sur les allocations familiales, la baisse de l'âge de la retraite et les médicaments gratuits pour les plus de 75 ans, le dirigeant conservateur a dit vouloir disperser cette bande de copains qui s'y est installée. Auparavant, dans une allocution faite au début de la marche de la liberté et de la solidarité, M. Kaczynski a rappelé que les législatives du 25 octobre avaient donné à son parti la majorité absolue au parlement. Nous avons gagné les élections et on nous refuse le droit de faire des lois, a-t-il dit, dans une allusion aux décisions du Tribunal constitutionnel qui a condamné certaines résolutions du parlement. Côté opposition, quelques centaines de personnes se sont rassemblées dans la soirée devant le domicile de M. Kaczynski. Sous forte surveillance policière, ils ont scandé des slogans à la défense de la Constitution et de l'Etat de droit et chanté l'hymne national. Ils ont aussi lancé à M. Kaczynski quelques piques personnelles. Rentre à la maison, fais des câlins au chat, ont-ils répété, dans une allusion au grand attachement que l'homme politique porte à son animal domestique. Des veillées similaires étaient organisées sous le communisme devant la maison du général Wojciech Jaruzelski, auteur du coup de force contre Solidarité.