La société TransCanada a annoncé mercredi qu'elle allait réclamer, en vertu de l'accord de libre-échange nord-américain (Aléna), 15 milliards de dollars en dommages et intérêts au gouvernement des Etats-Unis. En cause, le rejet du projet d'oléoduc Keystone XL. TransCanada compte faire valoir auprès d'un organe de règlement des litiges prévu par l'Aléna que la décision du président Barack Obama de rejeter le projet d'oléoduc transfrontalier en novembre était "arbitraire" et "injustifiée" et qu'elle violait l'article 11 de cet accord, a-t-elle indiqué dans un communiqué. L'article en question protège les investissements étrangers. La société basée à Calgary, dans l'Ouest canadien, a aussi déposé une poursuite devant la Cour fédérale de Houston, au Texas. Elle a allégué que la décision du président Obama de refuser la construction de l'oléoduc excédait ses pouvoirs en vertu de la constitution des Etats-Unis. A la suite de cette décision, TransCanada revoit par ailleurs la valeur de ses investissements dans ce projet. L'entreprise prévoit de radier de 2,5 à 2,9 milliards de dollars d'actifs s'y rapportant dans ses prochains résultats du quatrième trimestre. Long de 1 900 kilomètres, dont 1 400 aux Etats-Unis, Keystone XL visait à transporter le pétrole canadien des sables bitumineux de l'Alberta (ouest) jusqu'au Nebraska (au centre des Etats-Unis), d'où il aurait pu rejoindre les raffineries américaines du golfe du Mexique.
Discrimination évoquée En s'opposant au projet, sept ans après la première demande de permis de construire de l'opérateur TransCanada, M. Obama avait marqué les esprits et provoqué la colère de ses adversaires républicains avant la conférence de Paris sur le climat (COP 21). Dans son avis de plainte auprès de l'Aléna, TransCanada estime avoir été victime de discrimination du gouvernement américain. La firme souligne que trois autres sociétés ont obtenu ces dernières années de l'exécutif américain des permis pour la construction d'oléoducs transfrontaliers. "TransCanada avait toutes les raisons de s'attendre à ce que sa demande de permis soit acceptée puisqu'elle respectait les mêmes critères que le département d'Etat américain avait appliqués pour approuver la construction d'oléoducs transfrontaliers similaires", a-t-elle précisé. Pour TransCanada, le gouvernement américain a tout simplement cédé aux pressions des groupes écologistes, "même si l'administration avait conclu à six reprises que l'oléoduc n'aurait aucun impact significatif sur le changement climatique".
Tentatives d'"extorsion" TransCanada a dit s'attendre à une longue bataille judiciaire et a réaffirmé sa disposition à présenter une nouvelle demande pour la construction de l'oléoduc Keystone XL. Le département d'Etat américain a brièvement réagi: "Nous venons de voir l'annonce. Nous ne commentons pas les litiges en cours", a déclaré un porte-parole dans un courriel. Des groupes écologistes ont vertement dénoncé pour leur part l'attitude de l'entreprise. "Keystone XL est mort et ces manoeuvres juridiques n'y changeront rien", a déclaré le directeur de l'organisation Sierra Club, Michael Brune. "TransCanada", a-t-il ajouté, "devrait avoir honte de tenter d'extorquer des milliards de dollars aux contribuables américains pour augmenter ses profits".