Le président de l'Opep a déclaré hier souhaiter une réunion extraordinaire du cartel début mars pour examiner la dégringolade des prix du pétrole. Lors d'une conférence à Abou Dhabi, Emmanuel Ibe Kachikwu, également ministre d'Etat nigérian pour les Ressources pétrolières, a estimé nécessaire une réunion extraordinaire du cartel sur les cours qui ont atteint leur plus bas niveau en 12 ans. Nous avions dit que si le (prix) atteignait 35 (dollars le baril), nous commencerions à examiner la convocation d'une réunion extraordinaire, a-t-il dit. Mais le président de l'Opep a souligné qu'il fallait encore vérifier la disposition de tous les Etats membres, parmi lesquels figurent les exportateurs menés par l'Arabie saoudite, qui ont refusé jusqu'ici de réduire la production afin de conserver leurs parts du marché. Hier dans les échanges matinaux, le cours du baril de "light sweet crude" (WTI) est tombé sous les 31 dollars, un plus bas de 12 ans, en raison de l'excès d'offre, de l'appréciation du dollar et de la demande morose. Le baril WTI pour livraison en février reculait mardi matin de 45 cents à 30,96 dollars vers 03H00 GMT dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne du brut, également pour livraison en février, cédait 47 cents à 31,08 dollars. Le WTI n'avait plus été si bas depuis décembre 2003, le Brent depuis avril 2004. Les cours de l'or noir ont plongé de 10% la semaine dernière alors que les investisseurs s'inquiètent de l'excès d'offre et de la faiblesse de l'économie chinoise, première consommatrice de pétrole. Le brut étant libellé en dollar, la montée du billet vert rend l'or noir plus cher pour les investisseurs munis de devises plus faibles, ce qui tend à limiter la demande. "Cette chute des cours est essentiellement due à la montée du dollar", estime Daniel Ang, expert chez Phillip Futures, qui ne croit toutefois pas que le pétrole tombera sous la barrière psychologique des 30 dollars. Les investisseurs attendent en outre l'arrivée sur le marché du brut iranien, consécutif à la levée des sanctions décidée dans le cadre de l'accord de l'an dernier sur le nucléaire. Cela pourrait ajouter un million de barils par jour dans un marché déjà saturé. "Les investisseurs anticipent plusieurs mois compliqués pour le pétrole, avec l'augmentation des exportations iraniennes", a déclaré de son côté à Bloomberg News Ric Spooner, analyste chez CMC Markets à Sydney. "A ce niveau de prix, il y aura probablement des baisses de production, mais pas avant plusieurs mois."
Son plus bas niveau depuis fin 2003 La veille, les cours du pétrole ont chuté, poursuivant un très mauvais début d'année, et sont tombés à leur plus bas niveau depuis décembre 2003 à New York, dans un pessimisme général accentué par les craintes sur la demande chinoise. Le cours du baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en février a perdu 1,75 dollar à 31,41 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), soit son plus bas niveau de clôture depuis plus de douze ans, après avoir déjà chuté de plus de 10% la semaine précédente. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison à même échéance, qui avait connu un déclin semblable la semaine précédente, a reculé de 1,61 dollars à 31,55 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE), soit son plus bas niveau depuis le printemps 2004. "C'est la même histoire qui continue", a résumé John Kilduff d'Again Capital. "Ce récent déclin est avant tout lié aux inquiétudes sur la Chine." Après un plongeon la semaine précédente, la Bourse de Shanghai a encore dégringolé de plus de 5%, lundi, dans un contexte d'inquiétudes sur la morosité de l'économie chinoise, première importatrice mondiale de pétrole, et de doutes sur l'efficacité des politiques menées par Pékin. "Cela va d'une baisse des estimations sur la croissance", dont la presse officielle du pays se fait l'écho, "aux opérations menées sur la devise chinoise", dont la banque centrale (PBOC) a récemment organisé une nouvelle glissade avant d'inverser un peu la tendance vendredi et lundi, a cité M. Kilduff. "On dit même que les autorités s'apprêtent à ne plus acheter de pétrole pour leurs réserves stratégiques", a-t-il rapporté. "Même si ce n'est un vrai témoin de la demande, cela compte quand même un peu."
Retrait des investisseurs Les inquiétudes sur la Chine et, plus généralement, sur les pays émergents font ainsi plonger le marché depuis le début 2016, après une fin d'année déjà mauvaise face à la surabondance générale. "La demande chinoise est peut-être le sujet d'inquiétude du jour, mais le marché pétrolier a d'autres problèmes, en premier lieu la perspective d'une hausse de l'offre iranienne" dans la perspective de la levée de sanctions contre Téhéran, a prévenu Tim Evans, de Citi. "Selon Fatih Birol, directeur de l'Agence internationale de l'Energie (AIE), les prix du pétrole pourraient commencer à monter fin 2016 ou début 2017", a-t-il rapporté. "On peut aussi considérer que c'est une façon de dire qu'il faudra des mois pour atteindre un plancher." La banque d'investissement Morgan Stanley a estimé lundi que le cours du baril pourrait tomber à 20 dollars, rejoignant ainsi une estimation faite à l'automne dernier par sa concurrente Goldman Sachs. "Je ne suis pas aussi pessimiste que certains observateurs qui vont jusqu'à évoquer un baril à dix dollars, mais le marché a encore de la marge pour baisser", a estimé Gene McGillian de Tradition Energy, tablant sur une stabilisation autour de 30 dollars. Au-delà de la situation physique du marché du pétrole, les observateurs notent que la baisse des cours est accentuée par un mouvement massif de retrait des investisseurs, dont les paris à la hausse sont tombés à leur plus bas niveau depuis 2009 à New York. "Il n'y a pas d'information nouvelle concernant le marché pétrolier", a, à ce titre, expliqué Christopher Dembik de Saxo Banque. "La seule différence qu'on constate depuis quelques séances a trait aux prises de position des investisseurs. Ils se sont massivement portés vendeurs ce qui indique qu'ils ne croient pas à un retour des cours à la hausse à court terme."