La Chine a de nouveau abaissé le ratio de réserves obligatoires imposé aux banques, leur permettant ainsi d'accorder davantage de crédits: un moyen de soutenir une activité économique à la peine, mais aussi d'éviter l'assèchement du système financier face aux fuites de capitaux. La banque centrale chinoise (PBOC) a annoncé lundi que le taux des réserves obligatoires, c'est-à-dire la part de leurs dépôts que les banques sont tenues de garder dans leurs coffres, allait diminuer de 0,5 point de pourcentage. La mesure, en augmentant mécaniquement le volume de prêts que les banques peuvent accorder, doit contribuer à "maintenir le niveau de la liquidité" disponible, a expliqu é la PBOC. Et donc favoriser l'accès des entreprises à des financements. L'institution n'avait guère de choix, commentaient les analystes de Bank of America Merrill- Lynch: "Etant donné les fuites massives et continues de capitaux hors de Chine (...) il est nécessaire pour la PBOC d'injecter de nouvelles liquidités en permanence" pour éviter que le système financier ne se retrouve à sec. En effet, la forte dépréciation du yuan et la détérioration de l'économie chinoise poussent de nombreux investisseurs affolés à acheter des dollars: les flux de capitaux hors du pays ont atteint selon certaines études 1 000 milliards de dollars l'an dernier. Or, l'assèchement des liquidités disponibles peut rendre les banques réticentes à se prêter des fonds entre elles, provoquant un net renchérissement du crédit: ce que Pékin veut absolument éviter en plein ralentissement économique. A travers ses opérations de marché régulières, la PBOC a par ailleurs injecté 230 millions de yuans (35 millions de dollars) lundi dans le système financier, et plus de 1 000 milliards de yuans en l'espace d'une semaine. AFFICHER SA DETERMINATION Alors que la conjoncture ne cesse de s'assombrir dans la deuxième économie mondiale, ce énième coup de pouce monétaire était largement attendu. "La PBOC illustre le message que les dirigeants chinois ont répété tous azimuts ces derniers jours: il reste des marges de manoeuvre pour soutenir l'économie" et ils sont déterminés à agir, rappelle Mark Williams, du cabinet Capital Economics. Zhou Xiaochuan, gouverneur de la PBOC, avait préparé le terrain dès vendredi: la banque centrale "conserve les outils de politique monétaire nécessaires pour faire face aux risques potentiels", avait-il martelé en marge d'une réunion des ministres des Finances du G20. La PBOC ne ménage pas ses efforts, à l'heure où calent les traditionnels moteurs de croissance chinois. Depuis fin 2014, elle a abaissé par six fois ses taux d'intérêt pour diminuer le coût du crédit, et réduit à de multiples reprises les ratios de réserves obligatoires. Le dernier assouplissement de ce type remontait à octobre. Avec des effets mitigés: la croissance du géant asiatique a ralenti en 2015 au plus bas depuis un quart de siècle et devrait encore s'enfoncer cette année. Et ces assouplissements à répétition ont entraîné une alarmante envolée de l'endettement, lourde de menaces. RASSURER LES MARCHES Mais la PBOC se devait de répondre à "un nouvel accès de faiblesse de la dynamique économique", sur fond de demande terne, relève Yang Zhao, expert de la banque Nomura. L'activité manufacturi ère n'en finit pas de se contracter, les exportations s'effondrent, le marché immobilier est atone, et l'industrie est ravagée par les surcapacit és: la transition vers un modèle axé sur la consommation intérieure et les services s'accomplit dans la douleur. De l'avis général, Pékin n'a pas d'autre choix que d'assouplir encore sa politique monétaire s'il veut éviter un atterrissage économique brutal: Nomura anticipe, d'ici fin 2016, trois nouvelles baisses des ratios de réserves obligatoires et deux réductions supplémentaires des taux d'intérêts. Cela pourrait ne pas suffire: "D'autres mesures de relance budgétaire --investissements accrus dans les infrastructures, rabais d'imp ôts-- seront nécessaires pour doper la demande", insiste Yang Zhao. Enfin, l'annonce de la PBOC pourrait viser à rassurer les marchés chinois, juste avant l'ouverture samedi de la réunion annuelle de l'Assemblée nationale populaire (ANP), chambre d'enregistrement législative du régime. Un rendez-vous crucial où sera dévoilée la feuille de route économique de Pékin pour les cinq prochaines années... un message qui serait brouillé en cas de violentes turbulences boursières, au grand dam du gouvernement. Alors que la Bourse de Shanghai s'est effondrée de quelques 6% jeudi et a lâché plus de 4% lundi en cours de séance, reste à voir si le geste de la banque centrale suffira à ramener le calme. NOUVELLE BAISSE DE LA CONSOMMATION DE CHARBON La consommation chinoise de charbon a de nouveau reculé en 2015, sous la pression d'un vif ralentissement économique et des efforts environnementaux de Pékin, a indiqué le gouvernement lundi, mettant en garde contre la probable disparition d'environ 1,3 million d'emplois dans le secteur. La quantité de charbon brûlé par la Chine a baissé de 3,7% l'an dernier, selon des chiffres publiés par le Bureau national des Statistiques (BNS), après un repli de 2,9% en 2014. Le BNS n'a toutefois pas précisé le volume consommé en 2015. Le charbon, dont la Chine est le premier consommateur mondial, reste l'indispensable carburant de la croissance du géant asiatique, fournissant en 2015 quelque 64% de l'énergie du pays, selon le BNS, contre 66% en 2014. La consommation du pays a doublé sur la décennie 2004-2014, jusqu'à dépasser 4 milliards de tonnes par an. Pékin avait même reconnu en novembre avoir massivement sous-évalué sa consommation des dernières années, révisant ses statistiques en nette hausse. Le coût environnemental est lourd: une explosion des émissions de gaz à effet de serre et une pollution atmosphérique endémique dans les grandes métropoles. Sur 366 grandes villes chinoises examinées par l'organisation Greenpeace, quelque 80% ne respectaient pas en 2015 les normes nationales de qualité de l'air, pourtant peu sévères. Mais le net essoufflement de la croissance économique chinoise, au plus bas depuis un quart de siècle, accompagné d'un violent ralentissement de la production industrielle, plombe désormais la demande. Les grands groupes miniers (majoritairement publics), qui ont gonflé toujours davantage leur production pour compenser l'effondrement des prix, se débattent désormais avec de sévères surcapacités et ne survivent que grâce à l'endettement et aux subsides gouvernementales. Comme les acié- ries, le secteur minier taille déjà brutalement dans les salaires des employés et devrait connaître sur les prochaines années de massives suppressions de postes, a averti lundi lors d'une conférence le minist ère des Ressources humaines et de la Sécurité sociale. Environ 1,3 million d'emploi liés au charbon devraient dispara ître, a estimé le ministère, faisant également état de 500 000 postes supprimés dans le secteur de l'acier. Le recul de la demande de charbon reste cependant une bonne nouvelle pour l'environnement, observaient lundi plusieurs spécialistes. Ces chiffres du BNS montrent que la Chine est en bonne voie de dépasser les objectifs climatiques fixés à Paris durant la COP 21, a estimé Lauri Myllyvirta de Greenpeace. Même si la tendance ne s'accélère pas aussi vite qu'il serait possible. Pékin s'est engagé à stabiliser ses émissions de CO2 autour de 2030. La Chine a par ailleurs promis de moderniser d'ici 2020 ses centrales au charbon afin de diminuer de 60% les émissions des principaux élé- ments polluants.