L'inflation en Chine s'est stabilisée en mars, un répit inattendu sur fond de tensions déflationnistes persistantes, ce qui laisse à Pékin de larges marges de manœuvre pour atténuer le vif ralentissement de la deuxième économie mondiale. La hausse des prix à la consommation mesurée sur un an, principale jauge de l'inflation en Chine, s'est établie le mois dernier à 1,4%, a indiqué vendredi le Bureau national des statistiques (BNS). Il s'agit exactement du même niveau qu'en février, alors que le panel des 39 experts interrogés par l'agence Bloomberg Newswires tablait en moyenne sur un ralentissement (à 1,3%). L'inflation avait glissé sous 1% en janvier pour la première fois depuis cinq ans. Dans tous les cas, on reste toujours très loin du niveau-cible que s'est fixé le gouvernement pour l'année (+3%). En glissement mensuel, les prix à la consommation ont même reculé de 0,5% en mars par rapport à février, en raison d'un repli de la demande de produits alimentaires après les festivités du Nouvel an lunaire, selon la BNS. Sur un an, les prix alimentaires s'affichaient néanmoins en hausse de 2,3% en mars, non loin du bond de 2,4% enregistré en février --"le renchérissement du porc (+2%), qui pèse lourd dans les calculs, ayant éclipsé la modération des prix des légumes", tempérait Julien Evans-Pritchard, analyste du cabinet Capital Economics. De l'avis général, après l'accélération de l'inflation en février --due au sursaut de la consommation avant le Nouvel--, le répit de mars pourrait s'avérer très momentané et ne suffira pas à désamorcer les craintes d'une spirale déflationniste. "De faibles prix alimentaires devraient continuer de tirer l'indice vers le bas dans les mois qui viennent", assurait ainsi M. Evans-Pritchard. Et surtout, la consommation intérieure chinoise demeure terne sur fond de conjoncture morose, alors que l'activité manufacturière oscille entre stagnation et contraction, minée par les surcapacités. Le BNS en a fourni une nouvelle illustration vendredi: l'indice mesurant l'évolution des prix à la vente à la sortie d'usine (PPI) a reculé en mars pour le 37e mois consécutif, de 4,6% sur un an. C'est certes légèrement mieux que le repli de 4,8% en février, sa plus forte contraction depuis octobre 2009, mais difficile de parler d'embellie. "Le plongeon continu des cours des matières premières tire toujours l'indice vers le bas", relevaient les analystes de la banque ANZ, notant que le prix du minerai de fer "était tombé sous 50 dollars par tonne, au plus bas depuis le début de la crise financière" il y a six ans, "sur fond de surproduction et de marché immobilier atone".
La PBOC toujours attendue au tournant Baromètre d'une demande sans éclat, "le maintien de l'inflation à un niveau faible montre que de nouvelles mesures d'assouplissement de la politique monétaire chinoise restent indispensables" pour stimuler l'activité, soulignait-on chez ANZ. Certes, soucieuse à la fois de soutenir l'économie et de contrer les risques déflationnistes, la banque centrale (PBOC) a déjà réagi ces derniers mois, baissant notamment à deux reprises ses taux d'intérêt et procédant à de multiples injections de liquidités à court terme dans le système financier. Avec des effets encore trop limités, jugent les experts. La Chine a vu sa croissance économique ralentir fortement en 2014, à 7,4%, un niveau plus vu depuis près d'un quart de siècle, et a abaissé à 7% son objectif officiel pour 2015. Pour y parvenir, la PBOC devra se montrer encore plus accommodante. Rien ne l'en empêche: "La nette modération de toute pression inflationniste laisse d'importantes marges de manœuvre à la banque centrale pour de nouvelles mesures d'assouplissement", insistaient les experts de la banque Nomura. Ces derniers continuent donc de s'attendre à "trois nouvelles baisses des taux d'intérêt et à trois abaissements supplémentaires des ratios de réserves obligatoires des banques" d'ici fin 2015.