L'histoire à la fois mythique et mystique d'une femme, Isabelle Eberhardt, a été récemment publiée aux éditions Alpha, sous le titre, Si Mahmoud ou la renaissance d'Isabelle Eberhardt . Le livre qui remet les événements dans leur contexte précis, précisément au XIXème siècle, est signé Catherine Stoll-Simon. Tout ce que la mémoire algérienne retient, de prime àbord, de cette femme littéraire qu'est Isabelle Eberhardt, c'est qu'elle a renoncé comme les ermites au “ luxe ” de l'Europe pour s'établir dans le désert algérien qui l'a, durant toute sa vie, fascinée. Ce n'est pas la Georges Sand, mais la comparaison peut se faire du moment où cette femme, native de Genève, s'habillait, une fois dans notre Sud, en homme pour pouvoir explorer le cercle fermé des hommes. C'est ainsi que se comportait la Georges Sand, pour se former et s'informer auprès des milieux bourgeois exclusivement masculins, avec cela de plus, qu'elle, “ Georges ” fumait le cigare et pas “ Si Mahmoud ” ou encore Isabelle. “ je ne pourrai rester à Tunis que dix, quinze jours, car je suis attendue, à Batna, pour le 1er juillet, si possible avant. Au commencement de septembre je rentrerai à Tunis où je me fixerai définitivement…. ” c'est par ce courrier daté du 1 er juin 1899, que l'auteur introduit son ouvrage de 133 pages. Un ouvrage basé sur une riche documentation, ainsi que des questionnements autour de cette femme vagabonde, qui fait et qui va inlassablement vers ses passions. “Je me suis souvenue de ce soir de septembre, il y a deux ans, où, accoudée avec Aly à la petite fenêtre du beuglant juif de la Goulette, à la veille du lugubre départ, quand je sentais tout s'effondrer autour de moi et en moi, et où seule la mort me semblait une issue possible, j'écoutais d'un coté, bruire doucement la mer calme et de l'autre, la voix claire et pure de la petite Noucha de Sidi Béyène moduler la triste cantilène andalouse : Ma raison a fui, ma raison a fui ! La voix chaude, passionnée et sonore d'Aly reprenait, comme en rêve, le refrain mélancolique et moi j'écoutais ” écrit encore l'auteur qui reprend bien sûr les notes de “son personnage” qui, ici, datent de février 1901, exactement au moment où Isabelle est hospitalisée à El Oued après une tentative d'attentat perpétré par un membre de la Tidjania se disant inspiré par Allah. Si Mahmoud ou la renaissance d'Isabelle Eberhardt, fonctionne, en fait, sur des documents écrits, ou encore sur un courrier soit reçu soit envoyé, sur des photographies se rapportant à différentes périodes de la vie de cette femme. De façon chronologique, Catherine Stoll-Simon rapporte des faits réels, les commentant parfois, se questionnent surtout et rapportant, égalemant, un ensemble de détails sur la vie mais aussi sur l'œuvre de ce troubadour qui a toujours préféré l'authenticité au faste de l'amour de Dieu à celui des choses….Enfance marginale et libertaire, très tôt Isabelle vivra hors de toute contrainte sociale. A 20 ans, Isabelle quitte Genève pour Böne, dans l'est constantinois. Elle découvre un pays, une culture, une religion, l'Islam, qui vont l'imprégner totalement. A El Oued, elle rencontre Slimène. L'union de l'Européenne et du saphi indigène fait scandale. En 1903 elle croisera Lyautey, un moment apôtre d'une colonisation “différente”. Très jeune, elle signe un grand nombre de nouvelles, un roman inachevé, des articles, des récits de voyage et sa correspondance qu'elle considérait comme une partie de son œuvre. Le désert la fascine et elle adopte une vie errante. Elle devient un étonnant témoin de la réalité algérienne. Son œuvre d'écrivain comporte de nombreux articles, nouvelles, récits, romans, centrés sur l'Islam. Dans son approche du Maghreb, elle rompt complètement avec l'orientalisme et le pittoresque des écrits d'alors. Le 25 octobre 1904, elle trouve la mort dans l'inondation d'Aïn-Sefra, elle avait 27 ans.