Les cours du pétrole ont légèrement avancé jeudi, grâce à un nouvel affaiblissement du dollar, dans un marché qui continuait par ailleurs à s'interroger sur les chances d'une résorption de l'offre. Le cours du baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en mai a gagné deux cents à 38,34 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison à la même échéance a pris 34 cents à 39,60 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE). Au cours de la séance, "on a évolué autour de l'équilibre, en hausse ou en baisse d'une trentaine de cents suivant les moments", a résumé Bob Yawger, de Mizuho Securities, notant que des facteurs contrastés étaient à l'œuvre. D'un côté, la résistance des cours "est largement liée à un affaiblissement du dollar", a-t-il jugé. "Le dollar est tombé au plus bas depuis cinq mois, ce qui a permis aux prix du pétrole de passer dans le vert." Comme ils sont libellés en monnaie américaine, les cours de l'or noir ont tendance à profiter des coups de mou du billet vert, qui continue à souffrir de la prudence affichée par la Réserve fédérale (Fed), la banque centrale américaine, sur les conditions économiques et le rythme à venir de son processus de normalisation monétaire. Par ailleurs, "des facteurs techniques, liés à l'expiration du contrat pour mai sur le Brent, ont le plus largement soutenu le marché aujourd'hui", a estimé dans une note Tim Evans de Citi, remarquant que le cours du WTI en avait logiquement peu profité. D'un autre côté, "on a aussi pris connaissance de chiffres selon lesquels la production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) est en hausse", a noté M. Yawger. Les agences Bloomberg et Reuters, dont les estimations sur l'offre du cartel sont chaque mois très suivies, ont toutes deux fait état d'une légère hausse pour mars. "C'est une actualité négative car elle est de mauvais augure pour la réunion du 17 avril", a jugé M. Yawger.
Prudence Les investisseurs se demandent ce qu'ils peuvent espérer de ce sommet entre une quinzaine de producteurs, dont la majorité des membres de l'Opep et d'autres gros producteurs comme la Russie. Celle-ci a conclu début février un accord avec l'Arabie saoudite, membre dominant de l'Opep, ainsi que le Qatar et le Venezuela, deux plus petits acteurs du cartel, pour geler leurs productions respectives, ce qui avait permis un rebond massif des cours après une chute au plus bas depuis 2003, mais le doute règne désormais sur la possibilité d'aller plus loin. Chez certains investisseurs, "on se remet à croire à l'idée que l'on va assister à une réduction de l'offre lors des prochaines années", a tout de même rapporté Gene McGillian de Tradition Energy, restant prudent à titre personnel. Dans l'ensemble, les observateurs restent particulièrement timorés, d'autant qu'ils ont pris connaissance mercredi d'une nouveau record hebdomadaire des réserves de brut aux Etats-Unis, qui restent en marge des discussions entre grands producteurs. "On se rend compte qu'elles sont à un niveau gigantesque et que le marché aura du mal à se redresser avec de tels chiffres", les stocks américains dépassant nettement 500 millions de barils, a expliqué M. Yawger.
Baisse en Asie Les cours du pétrole étaient de nouveau orientés à la baisse en Asie dans les échanges matinaux, les inquiétudes des investisseurs quant à l'excès d'offre compensant largement la hausse moins forte que prévue des réserves américaines. Le département américain de l'Energie (DoE) a annoncé mercredi une nouvelle hausse des réserves de brut la semaine dernière de 2,3 millions de barils, moins importante que ce qu'avaient envisagé les analystes. Mais elles n'en constituent pas moins une hausse, ce qui est mal accueilli à l'heure où les cours souffrent d'une offre excédentaire. Vers 03H30, le cours du baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en mai reculait de 51 cents à 37,81 dollars dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne du brut, pour livraison en mai cédait 40 cents à 38,86 dollars. Les cours du brut ont plongé depuis juin 2014, quand le baril se négociait 100 dollars, à cause d'une offre excessive que ne parviennent plus à absorber des économies mondiales en plein ralentissement. L'or noir, qui avait touché en février des plus bas en 13 ans, a repris des couleurs ces dernières semaines, porté par les espoirs de voir la Russie, l'Arabie saoudite et les grands producteurs se mettre d'accord pour limiter l'offre.
Les stocks américains montent moins que prévu Les stocks de pétrole brut ont moins monté que prévu la semaine dernière aux Etats-Unis, même s'ils ont de nouveau battu un record, et la production a baissé, selon des chiffres publiés mercredi par le département américain de l'Energie (DoE). Lors de la semaine achevée le 25 mars, les réserves commerciales de brut ont progressé de 2,3 millions de barils pour atteindre 534,8 millions de barils, alors que les experts interrogés par l'agence Bloomberg tablaient sur une progression de 3,1 millions de barils. La hausse annoncée par le DoE est, de plus, légèrement moins marquée que ce qu'avait anticipé la fédération professionnelle American Petroleum Institute (API), qui avait dit mardi soir tabler sur une progression de 2,6 millions de barils. A ce palier, les réserves commerciales américaines de brut restent néanmoins à un niveau sans précédent depuis le début des statistiques hebdomadaires du DoE, en 1982. En ce qui concerne ses chiffres mensuels, il faut remonter à 1930 pour retrouver un niveau aussi élevé aux Etats-Unis. Elles ont avancé de 13,4% par rapport à la même période de 2015 et sont à "des niveaux historiquement élevés à cette époque de l'année", comme l'a une nouvelle fois noté le DoE. De leur côté, les stocks d'essence ont baissé de 2,5 millions de barils, comme prévu par les experts de Bloomberg. L'API s'était montrée un peu plus timide en n'annonçant qu'un déclin de 1,9 million. Ils restent tout de même bien au-dessus de la limite supérieure de la fourchette moyenne en cette époque de l'année, et s'affichent en hausse de 5,9% par rapport à la même période en 2015. Les réserves de produits distillés (gazole, fioul de chauffage, kérosène, etc.) ont, elles, nettement plus reculé que prévu, puisqu'elles ont baissé de 1,1 million de barils, alors que les experts de Bloomberg ne comptaient que sur un déclin de 300 000 barils tandis que l'API prévoyait un minime reflux de 100 000 barils. Malgré ce déclin hebdomadaire, elles progressent encore de 26,7% par rapport à l'an dernier et restent au-dessus de la limite supérieure de la fourchette moyenne à cette période de l'année.
Les raffineries accélèrent La production américaine, très surveillée par les analystes, a baissé de 16 000 barils par jour, se rapprochant encore par le haut du seuil psychologique des 9 millions de barils par jour (mbj), à 9,022 mbj. Egalement suivies de près, les réserves du terminal pétrolier de Cushing (Oklahoma, sud), qui servent de référence au pétrole échangé à New York et sont proches de leur capacité maximum, ont observé une petite baisse de 200 000 barils à 66,0 millions. L'API avait anticipé un déclin semblable, de 300 000 barils. Toutes catégories confondues, les stocks pétroliers américains ont augmenté de 1,5 million de barils. Du côté de la demande, sur les quatre dernières semaines, les Etats-Unis ont consommé en moyenne 19,5 mbj de produits pétroliers, soit 2,2% de plus que l'année précédente à la même époque. Durant la même période, la demande de produits distillés a baissé de 3,4% mais celle d'essence a monté de 5,0%, dans les deux cas sur un an. Les raffineries américaines ont nettement accéléré la cadence, fonctionnant à 90,4% de leurs capacités contre 88,4% la semaine précédente.