L'opposition au président Mauricio Macri a fait adopter jeudi une loi anti-licenciements en Argentine, un texte promis au veto présidentiel mais qui sonne comme un désaveu pour le dirigeant de la troisième économie d'Amérique latine en crise. Bien qu'en minorité dans les deux chambres du parlement, le président de centre droit était parvenu jusqu'ici à s'assurer une majorité dans les moments-clés, comme fin mars, quand il avait rallié des suffrages de l'opposition pour solder un contentieux sur la dette du pays remontant à la crise économique de 2001. Cette fois, la chambre des députés, avec 145 voix pour, 3 contre et 90 abstentions, a approuvé jeudi un texte déjà voté par le sénat le 27 avril, qui était présenté par le Front pour la victoire (FPV, gauche) de l'ex-présidente Cristina Kirchner (2007-2015). Le président argentin devrait lui utiliser son droit de veto, au nom du maintien de la compétitivité de l'Argentine pour attirer des investisseurs étrangers. Dans ce cas, le texte sera définitivement écarté, car l'opposition ne dispose pas des deux tiers des voix nécessaires au parlement pour imposer le texte. Ce veto devrait intervenir jeudi ou vendredi, a affirmé Nicolas Massot, le chef de file des députés du PRO, le mouvement de M. Macri. Nous sommes convaincus que ce n'est pas une solution, et que (la loi) peut porter préjudice l'Argentine, a-t-il dit. Depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2015, Mauricio Macri a engagé une politique économique de rigueur pour redresser l'économie argentine en perte de vitesse. Nous avons toujours fait preuve de cohérence, nous ne croyons pas que cet outil légal aide les travailleurs, a déclaré le chef du gouvernement, Marcos Peña. Le texte adopté prévoit que, dans les six prochains mois, un salarié congédié peut exiger sa réintégration immédiate ou percevoir une double indemnisation. Depuis le début de l'année, des dizaines de milliers d'Argentins ont perdu leur travail, l'Etat a réduit sa politique de subventions aux factures d'eau, électricité, gaz, et l'inflation pourrait dépasser 30% en 2016. La loi adoptée est soutenue par les cinq centrales syndicales et certains ont averti qu'ils convoqueront une grève nationale si le président s'oppose à la loi. Ils affirment que 155 000 licenciements sont intervenus depuis le début du mandat de M. Macri, à la fois dans l'administration publique et dans les entreprises. Selon une étude de l'Université catholique, le pays compte un million de pauvres de plus depuis décembre et la pauvreté touche désormais 34,5% de la population. Pour le président de la Centrale des travailleurs de l'Argentine (CTA), Hugo Yasky, le texte de loi est un acte de résistance et il voit dans un éventuel veto une gifle au mouvement syndical. Le président du groupe FPV, Hector Recalde, a lui demandé à Mauricio Macri de ne pas torpiller une loi destinée à protéger l'emploi, sous peine de s'exposer au veto des travailleurs. Un veto de la loi serait une erreur politique grossière de la part de Mauricio Macri, qui ignorerait ainsi les travailleurs et une situation créée par la politique d'ajustements du gouvernement, a réagi pour sa part le député Jorge Taboada, du Front rénovateur, un parti péroniste de l'opposition mais qui avait globalement soutenu jusqu'ici l'action du gouvernement. Pour le député Sergio Massa, également du Front rénovateur et figure montante de la politique argentine, le président devrait écouter ceux qui ont peur de perdre leur travail. Une crainte partagée par 48,3% des Argentins, selon une enquête publiée le 8 mai.