La fronde sociale en France s'arrêtera-t-elle avant le début de l'Euro-2016 de football' Après trois mois de manifestations et à dix jours du coup d'envoi de la compétition, l'annonce de nouvelles grèves dans les transports a renforcé lundi les inquiétudes. La grogne porte sur une réforme du droit du travail que le gouvernement socialiste, englué dans une impopularité record, veut mener à bout malgré l'opposition d'une partie de son camp. Des revendications sectorielles se sont greffées à ce mouvement social, avec des grèves prévues à partir de mardi dans les chemins de fer, à partir de jeudi dans le métro parisien, et bientôt chez les pilotes de la compagnie Air France. Dégradations en marge des manifestations, affrontements entre les forces de l'ordre et des militants, stations-service à sec...: le comité du tourisme de Paris et sa région s'est alarmé lundi des conséquences de ces événements sociaux pour l'image du pays. Les scènes de guérilla en plein Paris, relayées dans le monde entier, renforcent le sentiment de crainte et d'incompréhension des visiteurs dans un contexte déjà anxiogène, a souligné son président Frédéric Valletoux. Pour lui, après un début d'année plombé par les attentats de novembre à Paris, il est encore temps de sauver la saison touristique en mettant fin à ces blocages avant l'Euro-2016 (10 juin-10 juillet). Après une série de manifestations dans toute la France, la contestation a gagné récemment le secteur pétrolier. Pour éviter la pénurie de carburant, le gouvernement a ordonné le déblocage des dépôts et puisé dans les réserves stratégiques. Malgré ces efforts, six des huit raffineries du pays étaient toujours à l'arrêt ou au ralenti lundi, selon l'Union française des industries pétrolières (Ufip). Et le secteur des matériaux de construction a indiqué souffrir de ruptures d'approvisionnement. La fronde menaçait aussi de gagner le secteur des transports, stratégique pour les centaines de milliers de fans de foot attendus pendant la compétition. Dans les chemins de fer, où des négociations sur le temps de travail entrent dans leur phase finale, une grève reconductible est prévue à partir de mardi soir. De leur côté, les pilotes du syndicat majoritaire d'Air France ont voté lundi le principe d'une grève d'au moins six jours pour contester la baisse prochaine de leur rémunération. Si aucune date n'a été fixée, il y aura forcément des actions en juin, selon un porte-parole.
'Le bazar' Nous sommes le seul pays à pratiquer ce phénomène franco-français qui consiste à mettre le bazar au moment où on a envie de faire venir les gens, a déploré le député d'opposition Luc Chatel (droite). Plus polémique, le chef de l'organisation patronale Medef, Pierre Gattaz, a accusé les leaders du syndicat contestataire CGT de se comporter un peu comme des voyous, comme des terroristes. Je ne peux pas croire une seule seconde qu'ils prennent en otage la France, a estimé le responsable du parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, se disant sûr que les métros rouleront pendant l'Euro. En pointe de la fronde, le numéro un du syndicat CGT, Philippe Martinez, a renvoyé la balle au gouvernement. On ne va pas empêcher les gens d'aller voir les matchs de foot mais il faut que le gouvernement aussi veuille discuter. Tout est entre ses mains. Après avoir revu sa copie initiale pour obtenir le soutien des syndicats réformateurs, le gouvernement n'a pas souhaité faire davantage de concessions et a eu recours à une possibilité prévue à titre exceptionnel dans la Constitution pour faire passer sa réforme au Parlement sans vote des députés. La réforme est un bon texte, a répété lundi le Premier ministre Manuel Valls qui, avec le président François Hollande, se dit déterminé à aller jusqu'au bout malgré la fronde de parlementaires socialistes. Pour l'exécutif, elle doit permettre d'adapter les règles du travail à la réalité de l'entreprise et de favoriser ainsi la lutte contre un chômage endémique (10%). Mais ses détracteurs estiment qu'elle accroîtra au contraire la précarité de la situation des salariés.
Le projet ne sera pas retiré, avertit Hollande Le projet de loi française sur le travail "ne sera pas retiré", a assuré hier le président français François Hollande dans le quotidien Sud-Ouest. Le socialiste réaffirme également sa détermination à préserver les "principes" de l'article 2, socle du texte controversé. "La philosophie et les principes de l'article 2 seront maintenus", affirme le président de la République. L'article 2 consacre la primauté de l'accord d'entreprise sur la convention de branche en matière d'aménagement du temps de travail. Il "prévoit que l'accord d'entreprise, pour être valide, devra être approuvé par les syndicats qui représentent une majorité de salariés. C'est un verrou très sérieux", estime le chef de l'Etat. Quant au projet de loi, "ce texte assure de meilleures performances pour les entreprises et offre des droits nouveaux aux salariés. C'est parce que c'est une loi de progrès utile à notre pays que je considère qu'il est nécessaire de le mener jusqu'à son terme", souligne-t-il.
Recours au 49.3 Pour le président, "le débat qui va s'ouvrir la semaine prochaine au Sénat sera intéressant. Nous verrons ce que la droite proposera en matière de droit du travail puisqu'elle y est majoritaire. La comparaison fera sans doute progresser la raison". A l'instar du premier ministre, Manuel Valls, le président n'exclut pas, en seconde lecture, un nouveau recours au 49.3 de la constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote à l'Assemblée nationale. Il dit toutefois "préférer que le texte soit adopté sans y avoir recours, mais pas au prix d'un renoncement". "Après six ou sept mois de débats, qui osera dire que le gouvernement sera passé en force? Ensuite, le texte s'appliquera et les Français pourront alors juger. Il restera neuf mois jusqu'à l'élection présidentielle; ils verront concrètement s'il aura permis des progrès et se prononceront en conséquence", ajoute-t-il. Le chef de l'Etat ne dit en revanche mot des biais possibles pour sortir de la crise sociale, qui perdure contre la loi au terme d'une semaine marquée par divers mouvements sociaux, dans les transports notamment.
Grève dans les transports La fronde sociale, à laquelle est confronté depuis trois mois le président socialiste français François Hollande, prend la forme mardi soir d'une nouvelle grève dans les transports, cette fois illimitée, avec des conséquences imprévisibles à l'approche de l'Euro de foot dans onze jours. Il s'agit de la 8e journée de grève depuis début mars au sein de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF). Elle vise à peser dans des négociations sur le temps de travail des cheminots mais s'inscrit dans le fil de la vaste contestation d'un projet de loi réformant le code du Travail. Il faut sortir de cette France en mode panne, s'alarme mardi la presse française. Le duel entre le Premier ministre Manuel Valls et le dirigeant du syndicat CGT Philippe Martinez, ne facilite pas les choses, abondent plusieurs journaux. Martinez doit sortir en vainqueur et Valls doit sortir invaincu. Un difficile équilibre à trouver, résume le quotidien régional Le Midi libre. Pendant ce temps, la France est en mode panne, attend et subit, ajoute le journal La Nouvelle République du Centre Ouest. Selon un communiqué de la SNCF, les perturbations dans les transports qui se feront sentir mercredi seront significatives mais pas paralysantes. 60% des TGV, 30 à 40% des trains régionaux circuleront. Du côté des métros à Paris, il n'y aura pas de perturbation majeure, a assuré le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies. A l'international, la SNCF prévoit un trafic normal sur Eurostar et Alleo (Allemagne), 75% des Lyria (Suisse) et Thalys et seulement 40% des Ellipsos (Espagne) et un tiers des trains SVI (Italie). Hier matin, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, a indiqué attendre de la CGT des propositions concernant la loi réformant le code du travail, tout en réaffirmant la fermeté du gouvernement à ne pas renoncer à son projet. Nous n'avons eu de cesse de discuter, dialoguer. Je voudrais maintenant savoir quel est le préalable de la CGT, a déclaré la ministre sur la radio RTL. Si c'est le démantèlement du texte et notamment de l'article 2 qui fait passer les accords d'entreprise avant les accords de branche, nous n'arriverons pas à trouver un compromis, a-t-elle prévenu. Le projet ne sera pas retiré, a réaffirmé François Hollande mardi dans le quotidien régional Sud-Ouest.
Grève reconduite à la CIM La grève contre la loi réformant le droit du travail du personnel des terminaux pétroliers havrais (CIM), qui interrompt l'approvisionnement en brut des raffineries et en kérosène des aéroports parisiens, a été reconduite lundi, a annoncé la CGT. Au cours d'une assemblée générale organisée par la centrale de Philippe Martinez, syndicat unique de la Compagnie industrielle maritime (CIM), la grève a été reconduite jusqu'à mercredi midi par un vote à 85% des 150 salariés présents. Le mouvement dure depuis une semaine. Il avait débuté mardi soir. Vendredi, il avait été reconduit, mais le pompage dans deux des réservoirs de stockage, l'un pour le brut, l'autre pour le kérosène, a été exigé par le gouvernement. Les salariés restent déterminés et mobilisés comme ils le sont depuis le début du conflit, a déclaré à la presse Franck Barbay, secrétaire du comité central d'entreprise de la CIM. Les pompages par les dix-sept salariés non-grévistes qui se trouvent à l'intérieur de l'entreprise se poursuivent sur deux bacs, a-t-il précisé. Si les deux bacs sont terminés, probablement qu'ils continueront sur deux autres bacs. L'injonction de Manuel Valls est faite pour que le pompage perdure, a-t-il ajouté. L'AG du personnel a été précédée d'une longue réunion entre les délégués CGT et la direction, le syndicat, soulevant la question de la sécurité alors que, selon lui, les 17 cadres accomplissent plus d'heures que les horaires légaux et qu'ils font le travail d'un nombre normalement plus important de salariés. On mettra tout en œuvre pour montrer que ce pompage ne peut pas durer pour la sécurité du site et la santé des salariés à l'intérieur, a poursuivi M. Barbay. Si les gens à l'intérieur sont fatigués, s'ils veulent rentrer chez eux, on assurera la sécurité du site... si le pompage s'arrête, a-t-il proposé. La CIM, société peu connue, mais d'un intérêt stratégique primordial, dont le siège est à Paris, compte 284 salariés au total. Elle alimente en brut les deux premières raffineries de France, situées dans la région havraise, à savoir la raffinerie Total de Gonfreville-l'Orcher (à l'arrêt) et celle d'ExxonMobil de Port-Jérôme, ainsi que celle de Grandpuits (Seine-et-Marne), de Total également. 40% du brut importé par la France passent par les terminaux de la CIM.