Les Etats-Unis doivent extrader le prédicateur Fethullah Gülen accusé par la Turquie d'avoir ourdi le putsch manqué du 15 juillet, a déclaré hier le maire d'Ankara Melih Gokcek. Ainsi, selon lui, les Etats-Unis pourront prouver leur innocence. "Comment saurons-nous si l'Amérique a été ou pas impliquée dans cette affaire ? Si les Etats-Unis nous livrent Gülen, il n'y aura pas de problème. Mais s'ils ne le font pas, ils n'échapperont pas au banc des accusés", a déclaré le maire dans une interview. "Il n'y a qu'une manière pour l'Amérique de prouver qu'elle n'est pas derrière le putsch: livrer Gülen à la Turquie", a insisté celui qui dirige Ankara depuis 22 ans tout en étant un des plus hauts responsables du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir. Des responsables turcs ont accusé Washington d'avoir été impliqué dans la tentative de coup d'Etat qui a fait vaciller le pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan. Washington dément catégoriquement. Le maire d'Ankara soutient avoir été sixième sur une liste de personnes à assassiner par les putschistes. Il a raconté à la presse turque s'être caché dans un bidonville pour gérer la situation. Selon lui, les risques d'assassinat d'hommes politiques existent actuellement en Turquie. Il s'est également dit totalement en faveur de la peine capitale pour les putschistes.
Militaires limogés Un décret officiel publié dimanche indique par ailleurs que près de 1 400 militaires ont été limogés en Turquie à la suite du putsch raté, dont le conseiller militaire le plus proche de M. Erdogan. Ali Yazici, l'aide de camp du président, avait été interpellé cinq jours après la tentative de coup d'Etat. Dans le passé, cet homme qui occupait ce poste depuis 2015 avait été photographié à côté du président Erdogan dans toutes les grandes manifestations en Turquie. Hier, des milliers de partisans de Recep Tayyip Erdogan comptent manifester à Cologne, en Allemagne, où les tensions au sein de l'importante diaspora turque sont vives suite à la tentative de putsch. Depuis le 15 juillet, 18.699 personnes ont été placées en garde à vue et 10.137 d'entre elles ont été inculpées et placées en détention préventive, selon M. Erdogan.
Contrôler le renseignement et l'état-major Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré samedi vouloir faire passer sous son contrôle direct les services de renseignement et les chefs d'état-major de l'armée, deux semaines après un coup d'Etat militaire raté. Nous allons introduire une petite réforme constitutionnelle (au Parlement) qui, si elle est approuvée, fera passer le service national de renseignement (MIT) et les chefs d'état-major (de l'armée) sous le contrôle de la présidence, a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision A-Haber. Pour être adoptée, cette réforme qui renforcerait les pouvoirs du président doit être approuvée par une majorité des deux-tiers au Parlement. Le gouvernement islamo-conservateur de l'AKP aura donc besoin du soutien de certains partis d'opposition. Le 26 juillet, le Premier ministre Binali Yildirim avait affirmé que les principales formations d'opposition étaient prêtes à travailler avec lui pour élaborer une nouvelle Constitution. Le président turc a par ailleurs annoncé samedi son intention de fermer toutes les écoles militaires et de les remplacer par une université nationale chargée de former les forces armées. Ces déclarations interviennent alors qu'Ankara a procédé cette semaine à un important remaniement de l'armée, dont près de la moitié des généraux (149) ont été limogés après la tentative de putsch de la nuit du 15 au 16 juillet. Une petite partie de l'armée, dont de hauts gradés, s'étaient emparés de chars, avions de chasse et hélicoptères pour renverser le pouvoir. Instauré peu après l'état d'urgence pourrait être prolongé, comme l'a ait la France après les attentats djihadistes, a déclaré M. Erdogan. Si les choses ne reviennent pas à la normale durant cette période d'état d'urgence (trois mois), nous pourrons le prolonger, a-t-il expliqué.
Effondrement de l'accord UE-Turquie Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, redoute que l'accord conclu en mars dernier entre l'UE et la Turquie pour freiner les arrivées de migrants et réfugiés en Europe ne s'effondre. Il craint un nouvel afflux aux portes de l'Europe. "Le risque est grand. Le succès de ce pacte est fragile pour l'instant. Le président turc Erdogan a plusieurs fois laissé entendre qu'il voulait y mettre un terme", déclare le patron de l'exécutif bruxellois dans une interview au journal autrichien Kurier. Si cela devait se produire, ajoute-t-il, "on pourrait s'attendre à nouveau à ce que les réfugiés se pressent aux portes de l'Europe". La Turquie a jusqu'ici appliqué les termes de l'accord. Il consiste à empêcher les candidats à l'exil de gagner les rives de la Grèce en échange d'une aide financière et de la promesse d'un assouplissement du régime des visas pour les Turcs dans l'UE. Mais le pouvoir turc estime que l'UE n'applique pas sa part de l'accord. Dans son interview, Jean-Claude Juncker réitère son inquiétude à propos des mesures de répression prises en Turquie à la suite du coup d'Etat manqué du 15 juillet. Mais il critique également la Pologne, où "l'état de droit est mis à mal par l'approche du gouvernement", et dit suivre avec inquiétude les préparatifs d'un référendum sur l'immigration en Hongrie.