Les ministres européens des Affaires étrangères ont exhorté hier la Turquie à respecter les droits de l'Homme et l'Etat de droit, quelques jours après le putsch manqué qui a provoqué une vague d'arrestations de la part des autorités turques. «L'Etat de droit doit être protégé dans l'intérêt de la Turquie», a déclaré à la presse la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, à son arrivée au Conseil de l'UE des Affaires étrangères, soutenant qu'«il n'y a aucune excuse pour que la Turquie prenne des mesures pour s'en éloigner». Le Britannique Boris Johnson, fraîchement désigné à la tête du Foreign Office, a exhorté Ankara à faire preuve de «retenue» et de «modération», à son arrivée à son premier Conseil des Affaires étrangères de l'UE. S'inquiétant particulièrement de l'éventualité évoquée par le président turc de rétablir la peine de mort après l'échec du coup d'Etat de vendredi soir, le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, a appelé, de son côté, les autorités turques à avoir une réaction «proportionnée». Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a estimé que l'UE doit être «vigilante», afin que les autorités turques ne profitent pas de la situation pour «mettre en place un système politique qui se détourne de la démocratie». Les ministres européens des Affaires étrangères devraient ainsi, débattre lors de ce Conseil auquel assiste le secrétaire d'Etat américain John Kerry de la réaction des autorités turques après le putsch manqué et adopter une position commune à l'issue d'un petit déjeuner de travail. Le coup d'Etat militaire manqué de vendredi soir en Turquie a donné lieu à une vaste opération d'arrestations dans les rangs de l'armée et du système judiciaire avec 6 000 militaires placés en garde à vue et 3 000 mandats d'arrêt délivrés à l'encontre de juges et de procureurs. «On a au moins l'impression que quelque chose avait été préparé. Les listes sont disponibles, ce qui laisse penser que cela était préparé pour servir à un moment ou un autre», a déclaré le commissaire à l'élargissement Johannes Hahn qui, de par ses attributions, s'occupe de la candidature de la Turquie à l'UE. «Je suis très préoccupé. C'est exactement ce que nous redoutions», a-t-il ajouté. L'attaché militaire turc au Koweït arrêté en Arabie Saoudite L'attaché militaire de l'ambassade de Turquie au Koweït a été arrêté en Arabie saoudite où il a tenté d'embarquer à bord d'un vol pour l'Europe après le putsch avorté en Turquie, a rapporté hier la presse saoudienne. Citant une source diplomatique, le quotidien saoudien Asharq Al-Awsat précise que ce diplomate a été interpellé dimanche peu après son arrivée à l'aéroport de Dammam (est), et ce à la demande d'Ankara. «Il est actuellement détenu par les autorités saoudiennes» qui l'avaient arrêté alors qu'il «tentait de s'enfuir probablement pour son implication dans la tentative de putsch» dans son pays, a ajouté le journal, indiquant que le diplomate devrait être remis aux autorités turques. Celles-ci mènent une campagne d'arrestations en chaîne après le putsch avorté en Turquie. L'attaché militaire, identifié comme étant Mikail Gullu, devait se rendre à Dusseldorf, en Allemagne, via Amsterdam, a indiqué pour sa part Al-Arabiya, la chaîne de télévision à capitaux saoudiens basée à Dubaï. A Koweït, l'ambassadeur de Turquie, Salih Morad Tamer, cité par le quotidien koweïtien Al-Qabas, a indiqué qu'une implication de son attaché militaire dans le putsch raté était «une simple accusation». «Il sera interrogé par les autorités compétentes dès son extradition vers la Turquie», a-t-il ajouté. Quelque 6 000 militaires sont en garde à vue après le coup d'Etat manqué en Turquie qui a fait au moins 290 morts, selon un dernier bilan officiel. Les militaires turcs qui ont fui en Grèce seront jugés jeudi Les huit militaires turcs qui ont fui par hélicoptère après le coup d'Etat manqué en Turquie seront jugés jeudi en comparution immédiate pour entrée illégale en Grèce et violation de son espace aérien, ont rapporté des agences. Les prévenus --deux commandants, quatre capitaines et deux sergents-- ont obtenu un délai de trois jours avant leur procès, lors d'une comparution hier devant le tribunal d'Alexandroupolis (nord-est), a indiqué une source judiciaire, citée par les agences. Les huit militaires sont arrivés par hélicoptère samedi à l'aéroport d'Alexandroupolis après avoir envoyé un signal de détresse à l'intention des autorités aéroportuaires de cette ville située près de la frontière gréco-turque dans le nord-est, à 300 km d'Istanbul. Ils ont été aussitôt arrêtés et placés en détention provisoire. Selon leur avocate, Me Ilia Marinaki, ils vont demander l'asile en Grèce car ils insistent sur le fait qu'ils n'ont pas pris part à la tentative de putsch et ont fui vers la Grèce voisine «lorsque des policiers ont commencé à leur tirer dessus». Les militaires -tous mariés et âgés d'une quarantaine d'années- étaient inquiets pour leur vie et celle de leur famille, selon Me Marinaki. Le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlut Cavusoglu, a annoncé qu'Ankara demandait l'extradition des huit hommes, après la tentative de renversement du président Receep Tayyip Erdogan lancée tard vendredi, qui a fait au moins 265 morts à Ankara et Istanbul. Selon des sources gouvernementales grecques, le président Erdogan a parlé par téléphone samedi soir avec le Premier ministre grec, Alexis Tsipras. Il l'a remercié de sa position pendant la tentative de coup d'Etat, Tsipras ayant exprimé tôt samedi son soutien pour le gouvernement turc «démocratiquement élu». Selon l'agence grecque ANA, le Premier ministre grec a dit à Erdogan que la procédure pour les demandeurs d'asile serait rapide, mais en accord avec le droit international et les droits de l'Homme. Dimanche matin, les forces aériennes turques ont récupéré l'hélicoptère Black Hawk utilisé par les militaires pour rejoindre la Grèce. Plus de 290 personnes tuées Plus de 290 personnes dont 190 civils et 100 putschistes ont été tuées lors de la tentative de coup d'Etat en Turquie, a annoncé dimanche le ministère turc des Affaires étrangères dans un nouveau bilan. Au moins 1.400 personnes ont été blessées, selon le nouveau bilan. Le bilan précédent faisait état de 265 morts dont 161 civils. Les autorités ont arrêté plus de 6 000 personnes qui seraient impliquées dans la tentative de coup d'Etat. Un groupe de militaires a entrepris le 15 juillet une tentative de coup d'Etat en Turquie. L'armée a annoncé avoir pris le contrôle du pouvoir et publié une nouvelle constitution. Mais samedi les militaires rebelles ont commencé à se rendre. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que la tentative de coup d'Etat avait échoué. Le président Erdogan a accusé le prédicateur Fethullah Gülen, son ennemi juré, d'avoir organisé cette tentative de putsch. M. Gülen vit reclus dans une petite ville des Etats-Unis depuis 1999. Un possible rétablissement de la peine de mort Le président Recep Tayyip Erdogan a évoqué dimanche un possible rétablissement en Turquie de la peine capitale, officiellement abolie en 2004 dans le cadre de la candidature d'adéion d'Ankara à l'Union européenne, afin de lutter contre le «virus" factieux». «En tant que gouvernement et en tant qu'Etat, nous connaissons et entendons cette demande qui est la vôtre. Nous ne pouvons pas ignorer votre demande», a répondu le chef de l'Etat à des sympathisants qui réclamaient l'exécution des putschistes. «Je pense que notre gouvernement va en discuter avec l'opposition et qu'une décision sera sans aucun doute prise», a-t-il ajouté dans un discours à Istanbul. Il répondait à une foule qui scandait : «Nous voulons la peine de mort», après des obsèques de victimes du putsch raté de la nuit de vendredi à samedi, sur la rive asiatique d'Istanbul. «En démocratie, la décision, c'est ce que veut le peuple», a ajouté le chef de l'Etat turc. «Nous ne pouvons pas trop retarder cette décision car dans ce pays ceux qui mènent un coup contre l'Etat sont dans l'obligation d'en payer le prix». Un rétablissement de la peine de mort en Turquie serait contraire aux critères d'adhésion d'Ankara à l'UE. Les discussions entre Ankara et Bruxelles sur une adhésion sont enlisées depuis des années. L'aide de camp d'Erdogan en garde à vue L'aide de camp du président turc Recep Tayyip Erdogan a été placé en garde à vue dimanche dans le cadre de l'enquête sur la tentative de coup d'Etat qui s'est déroulée dans la nuit de vendredi à samedi, a rapporté l'agence de presse Anadolu. Le colonel Ali Yazici, aide de camp de Erdogan depuis le 12 août 2015 et à ce titre un proche du président, faisait l'objet d'une demande de placement en garde à vue émise par le parquet d'Ankara, a indiqué Anadolu sans autre détail. Selon la chaîne d'information CNN-Türk, M. Yazici se trouvait à Ankara au moment de la tentative de putsch alors que M. Erdogan était en vacances à Marmaris, dans le sud-ouest, d'où il s'était ensuite rendu à Istanbul. Les autorités turques multiplient les coups de filet dans les rangs de l'armée et de la justice dans la foulée de la tentative de coup d'Etat, attribuée par M. Erdogan à son ancien allié devenu ennemi juré, le prédicateur Fethullah Gülen. Le ministre turc de la Justice, Bekir Bozdag, a indiqué dimanche matin qu'environ 6 000 personnes étaient en garde à vue. Affrontements entre forces de sécurité et putschistes sur une base aérienne Des affrontements ont éclaté dimanche entre les forces de sécurité turques et des soldats putschistes sur une base aérienne du centre de la Turquie où une opération de police était en cours, a indiqué un responsable. L'agence de presse Anatolie a rapporté pour sa part que l'opération était terminée, ajoutant que sept militaires avaient été placés en garde à vue. «Des affrontements sont en cours sur la base aérienne de Konya entre les forces de sécurité et des putschistes résistant à leur arrestation», avait indiqué auparavant un responsable, cité par des médias Selon ce responsable, des policiers ont par ailleurs effectué des tirs de sommation à l'aéroport Sabiha Gokçen, le deuxième d'Istanbul, au cours d'une opération visant à interpeller d'autres putschistes, qui se sont finalement rendus. Les autorités turques multiplient les coups de filet dans les rangs de l'armée et de la justice dans la foulée de la tentative de coup d'Etat, attribuée par le président Recep Tayyip Erdogan à son ancien allié devenu ennemi juré, le prédicateur Fethullah Gülen.