Un tanker a quitté mercredi dernier le principal port pétrolier de Libye, début d'une reprise graduelle des exportations d'or noir dont ce pays divisé a grandement besoin pour relever son économie sinistrée. Le "Seadelta" est parti du terminal pétrolier de Ras Lanouf (nord-est) pour l'Italie avec 776 000 barils de pétrole libyen à son bord alors que le "Syra" devait y charger mercredi 580 000 autres barils et mettre ensuite le cap sur l'Espagne. Il s'agit du "premier tanker à quitter Ras Lanouf depuis novembre 2014", a déclaré Omran el-Fitouri, le coordinateur des exportations de ce port pétrolier, le plus important de Libye. Fin 2014, des combats avaient en effet éclaté pour le contrôle des terminaux du "Croissant pétrolier" et aucune goutte de pétrole n'avait depuis pu sortir de Ras Lanouf. Quelques livraisons sporadiques avaient toutefois eu lieu ces derniers mois de cette zone, qui est au cœur de luttes de pouvoir dans un pays qui dispose des plus grosses réserves pétrolières d'Afrique et où les exportations de brut représentent la principale ressource économique. Il s'agit aussi de la première cargaison de pétrole à quitter les installations du Croissant pétrolier depuis que les forces fidèles au maréchal Khalifa Haftar s'en sont emparées la semaine dernière et en ont remis l'exploitation à la Compagnie nationale du pétrole(NOC). Ces militaires soutiennent les autorités libyennes basées dans l'est du pays, qui sont hostiles au gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale et installé à Tripoli. Basée dans la capitale, la Compagnie nationale du pétrole a indiqué récemment qu'elle restait loyale au GNA mais qu'elle appliquait les instructions du Parlement élu, basé dans l'est, concernant la gestion des infrastructures du Croissant pétrolier, qui comprend aussi les terminaux d'al-Sedra, de Brega (qui fonctionne sporadiquement) et de Zoueitina (fermé). Les recettes tirées de ces exportations pétrolières doivent être versées à la Banque centrale, placée sous l'autorité du GNA, disait récemment l'émissaire américain en Libye, Jonathan Winer. Portées très positives Par l'intermédiaire d'un de ses vice-Premiers ministres désignés, le gouvernement d'union a favorablement accueilli la reprise des exportations pétrolières libyennes. Elle ne peut avoir "que des portées très positives pour les citoyens et l'économie de la Libye", s'est félicité Ahmed Meitig, dans un enregistrement audio mis en ligne par le GNA sur Facebook après un entretien à Tripoli avec Mustafa Sanallah, le patron de la NOC. "La production pétrolière et le rétablissement des niveaux de production sont indispensables pour la stabilité des taux de change et de l'économie", a dit Meitig, qui a félicité la Compagnie nationale du pétrole pour son "professionnalisme". Cinq ans après la révolte populaire qui a renversé le dictateur Mouammar Kadhafi, la Libye est toujours en proie au chaos et son secteur pétrolier -autrefois florissant- est exsangue, affecté par les rivalités politiques et des attaques du groupe djihadiste Etat islamique (EI). A cause de l'instabilité politique et de l'insécurité, les Libyens ne peuvent plus compter sur la manne pétrolière, la production de brut ayant été divisée par cinq depuis 2010. Le patron de la NOC a toutefois affirmé mercredi que sa compagnie avait pu augmenter la production de 100 000 barils par jour (b/j) en moins une semaine, à 390 000 b/j, et visait à porter rapidement le niveau de production à 600 000 b/j. Cet objectif nécessite "de l'argent et de la sécurité", a indiqué Mustafa Sanallah, qui a assuré que le gouvernement d'union venait de verser 310 millions de dollars (environ 278 millions d'euros) à la Compagnie nationale du pétrole pour l'aider dans cette tâche. Si ses réserves sont estimées à 48,3 milliards de barils de pétrole et 1,5 milliard de m3 de gaz, la Libye est le membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole qui produit le moins. Elle a un besoin pressant de relancer son secteur des hydrocarbures afin de redresser son économie chancelante. Dans ce pays qui importe près de 90% de ses besoins en nourriture et équipements, le prix des marchandises de base augmente de jour en jour, les banques sont plongées dans une grave crise de liquidités et le taux des devises au marché parallèle a été multiplié par quatre depuis deux ans. Rassembler les Libyens Le pétrole peut et doit être le ferment de la réconciliation et de l'unité des Libyens, a déclaré le directeur de la compagnie nationale de pétrole (NOC), au lendemain d'une reprise des exportations. Le pétrole peut et doit être un moteur de l'unité nationale, affirme Mustafa Sanalla, dont la compagnie génère les principales recettes de ce pays qui possède les réserves pétrolières les plus importantes d'Afrique. Profondément affectée par les crises successives depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la compagnie nationale a la lourde charge de relancer la production, qui a été divisée par cinq depuis 2010, et les exportations. La première mission de la NOC est d'accroître la production et les revenus pour le bénéfice de tous les Libyens, souligne M. Sanalla. Surmonter nos différends politiques a déjà pris du temps et pourrait en prendre encore davantage. Mais nous ne devons pas négliger ce dont ont besoin nos compatriotes: la nourriture, la santé, l'essence, l'électricité.... Sans la reprise des exportations, nous pourrions ne plus avoir de ressources l'an prochain, avertit M. Sanalla. Car ce n'est pas un secret que le pays va droit vers l'effondrement financier avec un énorme déficit budgétaire. Un signal positif a été donné avec le départ d'un tanker du terminal pétrolier de Ras Lanouf (nord-est) pour l'Italie avec 776 000 barils de pétrole à son bord, le premier de ce port depuis novembre 2014. A cette date, des combats avaient éclaté pour le contrôle des terminaux du Croissant pétrolier et aucune goutte de pétrole n'avait depuis pu sortir de Ras Lanouf. Ces terminaux sont passés depuis dix jours sous le contrôle des forces du maréchal controversé Khalifa Haftar allié des autorités rivales au gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale. Néanmoins, la NOC, basée à Tripoli comme le GNA, en a gardé la gestion. Selon M. Sanalla, la question délicate des recettes des exportations pétrolières ne devrait pas poser problème. Car selon un mécanisme mis en place bien avant la révolte de 2011 et des restrictions imposées par l'ONU, toutes les recettes doivent être directement versées à la Banque centrale, explique-t-il. Depuis début 2013, les pertes en termes de recettes pétrolières sont estimées à plus de 100 milliards de dollars, a indiqué M. Sanalla.