Prises de bec sur Apple et Deutsche Bank, dispute autour d'Airbus et négociations commerciales en panne: les relations économiques entre les Etats-Unis et l'Europe traversent une phase de turbulences à l'heure d'échéances électorales majeures de part et d'autre de l'Atlantique. Le contentieux autour de la marque à la pomme est, de loin, le plus emblématique. La décision européenne, fin août, de contraindre le géant américain à rembourser 13 milliards d'euros à l'Irlande a ulcéré les autorités de Washington et continue de faire des vagues. A plusieurs reprises, le secrétaire au Trésor Jacob Lew a fait part de son incompréhension et accusé sans ménagement les Européens de s'en prendre aux multinationales américaines de "façon disproportionnée". Parallèlement, la lourde amende de 14 milliards de dollars qui menace aujourd'hui l'allemande Deutsche Bank aux Etats-Unis pour des litiges sur des crédits immobiliers a fait froncer des sourcils en Europe, où certains accusent les Américains d'avoir la main lourde avec les banques étrangères. A cela s'est ajoutée cette semaine la victoire américaine à l'OMC dans sa bataille pour faire reconnaître l'illégalité de subventions publiques versées à Airbus en Europe. Le dossier n'est pas encore clos mais les Etats-Unis pourraient en théorie réclamer aux Européens des dizaines de milliards de dollars de compensation. Enfin, les négociations sur l'accord de libre-échange TTIP, qui doivent reprendre dans une semaine à New York, continuent de patiner du fait de divergences de fond mais également de calendrier. Les Américains continuent ainsi de marteler que cet accord peut être signé d'ici à la fin de l'année, avant le départ du président Barack Obama de la Maison Blanche, même si cette hypothèse est désormais jugée "pas réaliste" par les Européens. Frictions Les frictions entre les deux blocs alliés ont toujours existé mais elles sont cette fois aggravées par l'incertitude liée aux présidentielles à venir aux Etats-Unis (le 8 novembre), en France (en avril) et aux élections générales en Allemagne à la fin de l'été prochain. "En temps normal, les deux parties trouveraient aisément un terrain d'entente mais le problème c'est que cela arrive à un moment incroyablement incertain", assure Edward Alden du Council on Foreign Relations, un centre de réflexion américain. Le regain de popularité des thèses protectionnistes aux Etats-Unis, avec le candidat républicain Donald Trump, mais également en Europe, avec le vote en faveur du Brexit, complique la réponse des autorités et électrise les débats. "Le danger c'est que ces querelles routinières deviennent de plus en plus compliquées à démêler", indique M. Alden, selon qui l'Europe comme les Etats-Unis sont "désorientés" face au rejet croissant de la libéralisation économique. S'en prendre à ses partenaires commerciaux est dès lors tentant. La France a ainsi lâché ses coups en dénonçant l'intransigeance supposée des Etats-Unis dans les négociations commerciales. "Les Américains ne donnent rien ou alors des miettes (...) ce n'est pas comme ça qu'entre alliés on doit négocier", a fustigé le secrétaire français au Commerce extérieur, Matthias Fekl, fin août. Il a enfoncé le clou en jugeant "inconcevable" de poursuivre les discussions commerciales tant que les Américains continueraient d'user de lois extraterritoriales pour poursuivre des entreprises européennes. La banque française BNP Paribas en avait fait les frais en écopant d'une amende américaine de 8,9 milliards de dollars en 2014 pour des violations d'embargo. Cette stratégie frontale laisse toutefois certains experts sceptiques. "Je ne pense pas que l'on puisse vraiment gagner des points aux prochaines élections aux Etats-Unis ou en Europe en tapant sur ses partenaires commerciaux" même si "certains populistes peuvent le penser", affirme ainsi Sebastian Dullien, de l'European Council on Foreign Relations, à Berlin. D'autres soutiennent surtout que de précédents épisodes de tensions transatlantiques ont été surmontés sans peine. L'amende infligée à BNP Paribas par les Etats-Unis avait ainsi créé de fortes dissensions. "Mais aujourd'hui", note Jacob Kirkegaard du Peterson Institute de Washington, "qui peut vraiment soutenir que cette affaire a réellement endommagé les relations économiques entre les Etats-Unis et l'Europe ?"