Les exportations chinoises ont plongé en octobre pour le septième mois consécutif, pénalisées par une conjoncture internationale sans éclat et par la détérioration de la compétitivité du pays --un signal alarmant pour la deuxième économie mondiale. Le géant asiatique, principale puissance commerciale de la planète, a vu ses exportations fondre le mois dernier de 7,3% sur un an à 178,2 milliards de dollars, a annoncé mardi l'administration des Douanes. Elles s'étaient déjà effondrées de 10% en septembre, et les experts sondés par l'agence financière Bloomberg s'attendaient à une baisse plus modérée en octobre (-6%). Aucune embellie non plus du côté des importations, qui ont reculé de 1,4% sur un an, à 129,1 milliards de dollars, plus fortement qu'escompté: signe que la demande intérieure demeure précaire, sur fond de ralentissement de l'activité manufacturière. Leur remontée en août, après presque deux ans de reculs consécutifs, se sera donc avérée éphémère. Les statistiques des Douanes sont attentivement scrutées pour jauger la santé de la deuxième économie mondiale: le commerce extérieur reste un pilier du PIB de la Chine et un moteur traditionnel de sa croissance. Or, ce moteur semble se gripper, face à une croissance économique fragile voire atone chez les principaux partenaires commerciaux du pays (Etats-Unis et Union européenne). "Comme il est improbable que la croissance économique mondiale accélère beaucoup davantage (...) la marge pour une amélioration significative de la demande mondiale --et par conséquent des exportations chinoises-- est probablement très limitée", commente Julian Evans-Pritchard, analyste du cabinet Capital Economics. L'affaiblissement du yuan à ses plus bas niveaux depuis six ans n'a pas suffi à inverser la tendance: les exportations souffrent également du renchérissement des coûts de production et des salaires en Chine même, qui font apparaître les nations d'Asie du sud-est plus compétitives. Ce à quoi s'ajoutent les multiples sanctions antidumping adoptées à l'encontre de Pékin. "Les élections américaines sont un autre facteur d'incertitude: si (le candidat républicain Donald) Trump l'emporte, les échanges commerciaux seront sévèrement pénalisés, et pas seulement ceux de la Chine", avertit Iris Pang, analyste de Natixis citée par Bloomberg. Délicat rééquilibrage Lesté par le repli des exportations, l'excédent commercial chinois s'est établi à 49,1 milliards de dollars en octobre, en petit recul sur un an, mais mieux que les 42 milliards enregistrés en septembre. Dans le détail, l'ogre asiatique semble avoir un peu perdu de son appétit pour les matières premières: reflet d'une activité défaillante comme du renchérissement des cours, "les importations de matières premières ont reculé très fortement en volume", observe Yang Zhao, expert de Nomura. Les importations de cuivre ont dégringolé de 15% par rapport à septembre, tandis que celles de minerai de fer et de pétrole s'enfonçaient de 13%. Certes, le gonflement des investissements dans les infrastructures --dans le cadre des mesures de relance adoptées par Pékin-- pourrait contribuer à enrayer ce déclin des importations "sur encore un trimestre ou deux", souligne M. Evans-Pritchard. "Mais cela ne devrait pas durer bien longtemps, étant donné que l'effet sur la croissance devrait s'estomper rapidement", tempère-t-il. La Chine, engagée dans une douloureuse transition vers un modèle de croissance privilégiant les services et la consommation intérieure, est confrontée à une conjoncture terne. Son industrie est plombée par de colossales surcapacités et un essoufflement de la production; l'envolée de l'endettement inquiète; et sa croissance n'a résisté au troisième trimestre que grâce à une bulle alarmante du secteur immobilier. Or, avec l'effondrement persistant de son commerce extérieur, en particulier des exportations à faible valeur ajoutée, "l'économie du pays est de plus en plus suspendue à la demande intérieure", prévient Zhu Qibing, analyste du cabinet BOCI, cité par Bloomberg. De quoi conforter Pékin dans le délicat rééquilibrage de son modèle économique. Chute des réserve de changes Les réserves de devises étrangères de la Chine ont chuté de presque 46 milliards de dollars en octobre, selon des chiffres officiels, face à un dollar renchéri qui encourage les fuites de capitaux et incite Pékin à intervenir sur le marché. Les colossales réserves de changes chinoises, les plus importantes du monde, sont tombées à 3.120 milliards de dollars fin octobre, a indiqué la banque centrale (PBOC) sur son site internet. Ces réserves avaient déjà plongé de 16 milliards de dollars en août, puis de nouveau de 19 milliards en septembre --glissant à leur plus bas niveau depuis cinq ans. La valorisation de ces réserves pâtit des effets de changes et du récent renforcement du dollar --qui diminue mathématiquement la valeur de la partie des réserves constituée d'autres monnaies--, soulignaient les experts de Capital Economics. Mais pour d'autres analystes, cette chute est surtout le signe que la banque centrale intensifie ses interventions sur le marché, en rachetant des yuans avec ses dollars pour renforcer le cours vacillant de la monnaie chinoise. Le yuan n'est pas pleinement convertible, ne pouvant fluctuer face au dollar que dans une fourchette de 2% autour d'un cours-pivot fixé par la PBOC. Mais celle-ci n'en subit pas moins les pressions du marché et des fluctuations du dollar. Le yuan a ainsi récemment glissé à son plus bas niveau depuis six ans face au billet vert. "Le yuan se précipitait en octobre vers la barre des 6,8 yuans pour un dollar, ce qui a pu inciter la PBOC à vendre encore davantage (de dollars) pour stabiliser le marché", a expliqué Gao Qi, un analyste changes de Scotiabank, cité par Bloomberg. Une question d'image, après l'intégration en septembre du renminbi (autre nom du yuan) aux droits de tirage spéciaux, l'unité de compte du Fonds monétaire international. Par ailleurs, l'appréciation du dollar et la perspective de hausses de taux imminentes aux Etats-Unis encouragent les fortunes chinoises à transférer leurs fonds à l'étranger, vers des placements plus rémunérateurs. En dépit des restrictions drastiques mises en place par Pékin, les fuites de capitaux hors de Chine s'accélèrent depuis l'an dernier, accentuant encore la pression à la baisse sur le cours du yuan. "Ces fuites de capitaux vont continuer, inévitablement. L'unique question est de savoir à quelle vitesse, et cela dépend de l'évolution du dollar", confirme M. Gao. Les réserves de changes de la Chine, qui ont plafonné à quelque 4.000 milliards de dollars en 2014, s'étaient fortement repliées fin 2015 et début 2016 en raison des efforts de la PBOC pour enrayer la dépréciation du renminbi.