Au moment où George W. Bush et d'autres responsables des grands pays consommateurs de pétrole demandent à l'Organisation de pays producteurs de pétrole (Opep) de produire plus, le "danger" existe que ses membres se tournent dans la direction opposée et réduisent la production. C'est du moins l'avis des analystes du cabinet Centre for Global Energy Studies (CGES). Dans son rapport mensuel, publié lundi, le cabinet CGES estime que l'Opep pourrait être tentée de réduire son offre pour préserver les revenus pétroliers de ses pays membres. Selon le CGES, les ministres du cartel pétrolier seraient "hantés par le spectre de Jakarta". En novembre 1997, l'organisation, réunie dans la capitale indonésienne, avait augmenté massivement (de 10%) et inopportunément son offre. Frappée par la crise asiatique, l'économie mondiale avait réduit sa consommation de brut, et les prix s'étaient effondrés pour atteindre 8 dollars le baril début 1999. "Les pays membres de l'Opep sont devenus dépendants de revenus pétroliers ayant fortement augmenté ces dernières années et ils pourraient chercher à les préserver (...) en réduisant la production pour maintenir les prix", expliquent les analystes du cabinet londonien. Les prix ont déjà perdu plus de 10% depuis leur record de début janvier car le marché pétrolier craint qu'une entrée en récession de l'économie américaine, premier consommateur mondial d'or noir, ne se répercute sur la demande pétrolière. Contrairement à l'analyse faite par l'Opep qui note que plusieurs facteurs ont contribué à la spirale des prix du brut lors du second semestre 2007 incluant la faiblesse du dollar, les spéculations accrues sur les marchés financiers et les développements géopolitiques, le CGES explique que cette flambée "au cours des douze derniers mois peut être en grande partie expliquée par les fondamentaux du marché". Dans son analyse, le CGES semble omettre donc le rôle croissant des spéculateurs, en particulier depuis le mois de septembre. En se détournant massivement d'un secteur immobilier et de marchés financiers américains déprimés, ces investisseurs ont engendré une forte volatilité et des prix du pétrole élevés qui ne reflètent pas la réalité du marché du pétrole. Pour preuve, la hausse de production de 500 000 b/j décidée par l'organisation en novembre dernier n'a eu aucun impact sur les prix. Pis encore, les cours ont augmenté au lieu de baisser à l'issu de cette hausse de la production. D'un autre côté, les cours du pétrole sont tombés hier à un plus bas de six semaines, affectés essentiellement par la chute des marchés actions et par les craintes de voir une éventuelle récession de l'économie américaine se propager dans le monde entier. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mars a touché dans la matinée 85 dollars, un niveau qui n'avait pas été vu depuis le 25 octobre. Des fonds spéculatifs ont commencé à vendre leurs positions sur les marchés pétroliers, ainsi que sur d'autres matières premières afin de réajuster leurs portefeuilles, ont souligné des analystes. Les ventes massives ont fait sortir le pétrole de la bande de 90-100 dollars le baril dans lequel il évoluait depuis la fin octobre. Finalement, le spectre d'une récession économique mondiale va vraisemblablement peser sur la décision de l'Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep), lors de sa réunion à Vienne le 1er février.