L'ancien président tunisien Moncef Marzouki a mis en garde vendredi contre la détérioration de la situation économique et sociale dans son pays et "l'échec" du pouvoir actuel, alors que la Tunisie est de nouveau confrontée à des troubles sociaux. "Les indicateurs (sociaux et économiques) font peur et il y a un état de confusion (...). Ce qui m'inquiète, c'est que le pouvoir, après plus de deux ans, n'a rien fait", a déclaré M. Marzouki lors d'une conférence de presse, sa première en 2017. "Nous entendons beaucoup de bruit mais nous ne voyons rien de concret", a ajouté le chef du nouveau parti Al Irada ("la volonté"), en évoquant un "échec" des autorités. "Aujourd'hui, cet homme (Béji Caïd) Essebsi nous dit que l'année 2017 sera l'année du décollage. Ce décollage devait être en 2015", a encore clamé Moncef Marzouki à propos de l'actuel chef de l'Etat, dont il fut le rival malheureux en 2014. Pour le premier président élu de l'après-révolution, la preuve de cet échec est la reprise de troubles dans les régions, qui démontre "le ras-le-bol des gens". Un an après avoir connu sa plus importante contestation sociale depuis la révolution de 2011, la Tunisie connaît depuis plusieurs jours des troubles sociaux dans les régions de Ben Guerdane (sud-est) et de Sidi Bouzid (centre), berceau du soulèvement contre la dictature de Zine El Abidine Ben Ali. A Meknassi, près de Sidi Bouzid, où une grève générale a été observée jeudi, des heurts ont eu lieu. Des manifestants ont jeté des pierres sur les forces de l'ordre qui ont riposté par des tirs de gaz lacrymogène. De nouvelles échauffourées ont aussi éclaté mercredi dans la région de Ben Guerdane, où les protestataires réclament le libre passage au poste-frontière avec la Libye voisine. Devant la presse, Moncef Marzouki a déploré ces violences. "Les mouvements de protestation doivent être traités (...) de manière pacifique. Et c'est aussi aux manifestants de protéger cette atmosphère démocratique", a-t-il dit. Jeudi, lors d'une rencontre avec des étudiants étrangers, le président Béji Caïd Essebsi a évoqué les tensions sociales, en particulier chez les jeunes confrontés au chômage, admettant que la crise économique n'avait pas encore été "maîtrisée". Marginalisées depuis des décennies, "les régions de l'intérieur sont celles qui pèsent le plus dans l'équilibre politique et économique", a-t-il relevé. Il a confirmé qu'il allait se rendre samedi dans le bassin minier de Gafsa pour "fêter le changement", à l'occasion du 6e anniversaire de la chute de Ben Ali, une première. Les jeunes de ces régions "ont fait cette révolution pas pour des raisons idéologiques mais parce qu'il y a une situation sociale et économique très difficile. Il faut tenir compte de cela et nous allons y répondre graduellement", a-t-il promis.