Avec une part de marché de plus de 35% en 2016, le SP95-E10 est bien positionné pour devenir l'essence préférée des Français. Principalement pour des motivations économiques mais aussi en raison des dispositifs d'incitation fiscale et environnementale, particuliers et professionnels se tournent de plus en plus vers les biocarburants de 1 ère génération, et la filière bioéthanol qui les porte s'en félicite. Le sans plomb 95 vit-il ses dernières heures? De plus en plus plébiscité à la pompe, avec 35,5% des parts du marché de l'essence en 2016 (+ 2,3 points par rapport à 2015), le SP95-E10 constitué d'essence sans plomb classique à laquelle sont ajoutés jusqu'à 10% de bioéthanol pourrait bien lui voler la première place. Vendu moins cher à la pompe et compatible avec 97% du parc en circulation, le carburant "plus écologique" que l'essence sans plomb classique est en nette croissance depuis 2010 (+ 12,5 points), tandis que le SP98 stagne autour de 20% de parts de marché et le SP95 dégringole bien en-dessous des 50% (42,3% ; - 24,7 points sur 6 ans).. De quoi donner le sourire à toute une filière qui produit et commercialise du biocarburant de 1èregénération - ou agrocarburant - dont le procédé issu de l'alcool de sucre, amidon, cellulose ou lignine hydrolysées crée du bioéthanol (vs. le biodiesel issu de l'huile et ses dérivés). Présentant ses résultats annuels lors d'une conférence de presse jeudi 26 janvier, la Collective du bioéthanol qui regroupe des producteurs agricoles et industriels du bioéthanol, dresse un bilan positif des activités de la filière pour 2016 et expose les freins et les accélérateurs possibles pour 2017.
Le E10 surfe sur le regain d'intérêt pour l'essence La Collective, bien décidée à mettre en avant son produit, a lancé en fin d'année dernière l'initiative de la Charte E10. Se sont ainsi regroupés 29 signataires, dont 3 ministères (Ecologie et Environnement, Agriculture, Economie et Industrie) ainsi que des acteurs du secteur automobile et des carburants, dans une démarche de meilleure information du grand public sur la compatibilité des véhicules avec le SP95-E10 avec, notamment, la mise en place d'autocollants identiques sur les volucompteurs et sur les trappes à carburant. L'objectif est de faire du SP95-E10 "la première essence de France en 2017", a expliqué Nicolas Kurtsoglou, responsable carburants du SNPAA (Syndicat national des producteurs d'alcool agricole). Un but d'autant plus atteignable que, comme l'a rappelé Sylvain Demoures, le secrétaire général du SNPAA, le SP95-E10 représente 3,5 milliards de litres consommés, 5 500 stations-service équipées, une économie pour l'utilisateur de 4 à 5 centimes par litre, et surtout une forte hausse de la consommation de l'essence par rapport au gazole (cf. ci-dessous). Ce mouvement s'explique notamment par la fiscalité plus favorable de l'essence sans plomb au bioéthanol avec des taxes carburant et une TVA moins élevées que pour le SP95 classique.
Augmentation des volumes pour le superéthanol-E85 Dans la catégorie des essences "écologiques" vient le E85, contenant de 65% à 85% de bioéthanol. Ce carburant s'est écoulé à près de 100 millions de litres en 2016 et est désormais distribué dans 872 stations-service dans tout le territoire. En un an, les volumes de ce biocarburant ont augmenté de 11%, soit près de deux fois la croissance de 2015. Son principal atout, outre son impact moins néfaste en termes d'émissions de gaz à effet de serre, est son prix. "Il redonne du pouvoir d'achat aux automobilistes", a expliqué Nicolas Kurtsoglou. Le E85 s'affiche en moyenne à 69 centimes d'euros par litre à la pompe, et représente 500 euros nets d'économie par an (pour 13 000 km parcourus). En revanche, tous les véhicules ne peuvent pas l'utiliser. Seules les voitures dites "flex-fuel" vendues en 2016 peuvent s'approvisionner en E85: la 844 Golf MultiFuel de Volkswagen et le 215 Grand Cherokee de Jeep. Ce qui représente un parc de 31 000 véhicules en France au 1er janvier 2017. Pour le reste, la filière bioéthanol espère une homologation rapide des boîtiers essence/Superéthanol-E85 qui doit permettre à un véhicule essence de fonctionner à toutes les essences et au E85 dans un même réservoir, a détaillé Nicolas Rialland, responsable éthanol de la CGB (Confédération générale des planteurs de betteraves). Il faudra compter 1 000 euros en moyenne, installation comprise, pour équiper un véhicule avec ce dispositif.
Décarboner le transport de marchandises et de personnes Selon le même procédé tautologique, le carburant ED95 est composé à 95% de bioéthanol et 5% d'additif non pétrolier. Destiné à des moteurs spécifiques qui acceptent exclusivement ce type de carburant, le ED95 cible les autobus et autocars, ainsi que le secteur du transport de marchandises. Cette nouvelle solution est autorisée à la consommation depuis janvier 2016 et a connu une première utilisation symbolique lors de la COP21, pour transporter des élus du monde entier dans le "bus pour le climat" construit par Scania. Accompagné par un régime fiscal favorable (suramortissement fiscal de 40% pour les bus et les poids lourds fonctionnant à l'ED95 achetés en 2017) et une reconnaissance par la loi de transition énergétique en tant que carburant permet de réduire de 50% à 90% les émissions de CO2 et de plus de 70% celles de particules. "Cela offre une nouvelle solution de carburant renouvelable et durable aux collectivités qui l'utiliseraient pour leur réseau de transport en commun", a souligné Nicolas Rialland.
Des directives européennes qui pourraient assombrir les perspectives Le filière s'attend à une poursuite de la croissance des carburants au bioéthanol en 2017. Particulièrement avec l'augmentation de 7% à 7,5% de l'objectif d'énergies renouvelables dans l'essence votée par le parlement en fin d'année dernière, qui devrait inciter à consommer davantage ce type de carburant. De plus, le début de la mise en place de la déductibilité de la TVA de l'essence à 80%, prévue pour s'étaler sur 5 ans, devrait inciter les entreprises à utiliser de l'essence, a relaté Sylvain Demoures. Le point noir reste la politique européenne en matière d'énergie et de climat. En effet, le projet de nouvelle directive énergies renouvelables pour l'après-2020 présenté par la Commission européenne fin novembre 2016 "a suscité un vif mécontentement de la filière biocarburant", a déploré Nicolas Riolland (Bruxelles souhaite réduire la part des biocarburants de première génération de 7% en 2020 à 3,8% en 2030, ndlr). Il constitue un bond en arrière avec plus de fossile au détriment des ENR dans le mix carburant. Mais les représentants de la Collective bioéthanol se veulent optimistes, et souhaite qu'un objectif ENR dans les carburants soit maintenu et que les biocarburants y prennent toute leur place, au-delà des 7%. Ils entendent également faire porter leur message auprès du Parlement et du Conseil européens afin que le projet de directive soit révisé en profondeur. Que les objectifs européens en matière d'énergie et de climat soit préservés, que l'engagement dans une véritable transition énergétique confirmé.