De la supérette à l'hypermarché, les salariés de la distribution ont exprimé vendredi dans toute la France leur “colère” concernant leur pouvoir d'achat et leurs conditions de travail, à l'appel de la CGT, la CFDT et FO, une “mobilisation unitaire” inédite dans le secteur. Ce mouvement “historique” selon les syndicats, “une première” même aux yeux du patronat, est un prélude à une “multiplication des mobilisations sur la question des salaires”, a indiqué le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, qui, avec la CFDT, appelle aussi à des actions dans la métallurgie le 7 février. Il a souligné “l'inadéquation du slogan politique” du président Nicolas Sarkozy, “travailler plus pour gagner plus”, dans la grande distribution, en évoquant la situation de très nombreuses caissières de supermarchés qui, travaillant à temps partiel, voudraient un temps plein que leurs directions leur refusent. Selon la CGT, plus de 80% des magasins de toutes les enseignes ainsi que les entrepôts, ont été touchés par le mouvement qui s'est souvent décliné en débrayages de plusieurs heures, ponctués de distributions de tracts, de rassemblements et de manifestations. Le patronat de la branche, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) a fait état d'un taux de grévistes de 4,5%, mais avec 40% des 1.400 hypermarchés touchés, et 8,5% de l'ensemble des 11.000 magasins. Le fonctionnement d'une vingtaine a été bloqué. “C'est la première fois qu'il y a une manifestation de cette ampleur”, a reconnu le président de la FCD, Jérôme Bédier. La direction de Carrefour a comptabilisé des grévistes dans 100 hypermarchés sur 226, celle d'Auchan dans 60 sites sur 150, celle de Champion dans 17 supermarchés sur 1.030 et celle de Monoprix, dans dix magasins sur 300. De sources syndicales, les débrayages ont parfois été suivis par 100% du personnel comme au Casino de Boé, dans la banlieue d'Agen (Lot-et-Garonne). Dans les Vosges, le Géant Casino d'Epinal a été paralysé toute la matinée. “En 34 ans de carrière, mon salaire n'a jamais bougé. Je gagne 971 euros pour 32 heures de travail hebdomadaire (...) avec des horaires coupés et qui changent tous les jours”, a témoigné Nicole Rousselin, responsable commerciale dans ce magasin et élue CFDT. Même lorsque le nombre de grévistes est peu élevé, comme au Carrefour de Gennevilliers en banlieue parisienne, les syndicats se sont félicités. “C'est la première fois qu'il y a une mobilisation” dans ce magasin et “c'est énorme”, a estimé une déléguée CGT. M. Thibault a invité “les directions des enseignes à accepter de se remettre à la table des discussions”. La CFDT a également lancé un appel aux pouvoirs publics pour qu'”ils posent des actes forts vis-à-vis d'une branche (...) qui ne respecte pas le SMIC pour ses salariés”. Les dernières propositions faites jeudi par le patronat n'ont pas satisfait les syndicats malgré des avancées, notamment sur le paiement des pauses relevé à 5% de la rémunération salariale. Le président de la FCD a défendu vendredi les conditions d'emploi dans la grande distribution qui emploie au total plus de 636.000 personnes. “Notre secteur n'est pas un secteur d'emploi précaire. 90% des salariés chez nous sont à contrat à durée indéterminée”, a-t-il souligné, estimant que le secteur était doté de la “meilleure convention collective en France sur l'organisation du temps partiel”.