Angela Merkel, sortie victorieuse mais affaiblie du scrutin législatif en Allemagne, affrontait de nouveau la loi des urnes hier lors d'une élection régionale en forme de test avant de délicates négociations pour former un gouvernement. "La course sera serrée", a reconnu la chancelière de 63 ans lors d'un dernier meeting vendredi soir en Basse-Saxe, région du nord de l'Allemagne où a lieu ce scrutin anticipé. Dans les derniers sondages, son Union chrétienne-démocrate (CDU) est légèrement distancée par le grand rival social-démocrate (SPD). Pourtant, avant les législatives du 24 septembre, la CDU avait de quoi se montrer confiante de ravir aux sociaux-démocrates et aux Verts cette région qui abrite aussi le siège de Volkswagen, le géant mondial de l'automobile discrédité par un scandale de moteurs diesel truqués. Le gouvernement régional avait en effet été contraint au scrutin de ce dimanche après qu'une élue écologiste eut trahi les siens pour rejoindre les chrétiens-démocrates. Et longtemps, ces derniers ont largement mené dans les intentions de vote. "Une victoire en Basse-Saxe est importante pour Merkel car cela la renforcerait et montrerait que son parti peut toujours remporter des élections régionales", estime Oskar Niedermayer, politologue à l'Université libre de Berlin. Le dirigeant du SPD Martin Schulz, qui ne fait pas l'unanimité dans ses rangs, a, lui, cruellement besoin d'un succès après trois défaites lors d'élections régionales plus tôt dans l'année, puis la débâcle des législatives. Le parti a accusé le score le plus bas de son histoire, ce qui l'a décidé à faire une cure d'opposition après quatre années à gouverner avec la chancelière conservatrice.
Peu disposés aux concessions Une victoire en Basse-Saxe permettrait à Mme Merkel d'aborder avec plus d'assurance à partir du 18 octobre les discussions qui s'annoncent longues et compliquées pour former une nouvelle coalition gouvernementale. Celle qui dirige la première économie européenne depuis douze ans va devoir trouver un terrain d'entente entre des partenaires aux opinions parfois diamétralement opposées, faute de quoi de nouvelles élections devront être organisées. En cas de réussite, l'Allemagne sera gouvernée pour la première fois par une coalition composée de la CDU avec son allié bavarois CSU, des libéraux du FDP et des Verts. Une constellation dite "Jamaïque" en raison des couleurs symbolisant ces partis, qui sont les mêmes que celles du drapeau jamaïcain. Les points d'achoppement sont nombreux, à commencer par la politique migratoire, sujet brûlant dans le pays qui a accueilli plus d'un million de réfugiés depuis 2015. La CSU veut nettement durcir la politique d'accueil dans l'espoir de regagner ses électeurs qui ont voté pour le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD). Elle pourrait trouver un allié en Christian Lindner, le jeune leader des Libéraux, qui ont effectué leur grand retour après avoir été expulsés de la chambre des députés il y a quatre ans. "Concernant les réfugiés de guerre, l'objectif n'est pas une intégration en Allemagne, mais un retour dans leur pays après la fin de la guerre afin d'aider à le reconstruire", a-t-il mis au point dans le quotidien Südwest Presse vendredi. Les écologistes se montrent, eux, nettement plus ouverts en termes d'immigration, et ont d'ailleurs rejeté l'objectif fixé récemment entre la CDU et la CSU de ne pas faire entrer plus de 200.000 demandeurs d'asile par an dans le pays. Les Verts sont aussi partisans d'une "solidarité" européenne, tandis que le FDP refuse toute réforme de l'UE financée de près ou de loin par les contribuables. "Je suis très sceptique" sur les chances d'une telle coalition, déclare M. Niedermayer. Tous les acteurs, chacun pour leur propre raison, rechignent à faire des concessions, souligne le politologue: les Verts parce qu'ils doivent ménager leur base écologiste, le FDP en raison du traumatisme résultant de son alliance avec Merkel de 2009 à 2013, et la CSU parce que ce parti veut gagner les élections en Bavière l'an prochain.