Lors d'une table-ronde autour de la problématique de l'eau en Algérie : situation, enjeux et défis de l'exploitation rationnelle et durable des ressources à l'Institut national des études de stratégie globale (Inesg), en présence d'universitaires et de cadres du secteur des ressources en eau, le Professeur Kamel Eddine Bouhidel, a mis l'accent sur les avantages économiques qu'on peut gagner à travers la bonne gestion des eaux utilisées dans les activités industrielles. En effet, des économies appréciables peuvent être faites sur les eaux utilisées dans les activités industrielles représentant des volumes colossaux et ce, pour chaque complexe industriel, a indiqué lundi à Alger, le Professeur Bouhidel, enseignant chercheur à l'Université de Hadj Lakhdar de Batna. Le seul complexe d'El Hadjar engloutit à lui seul 2.000 mètres cube (m3) d'eau par heure, soit l'équivalent de 48.000 m3 par jour, ce qui est considérable, a indiqué le Professeur Bouhidel en ajoutant que des économies appréciables peuvent être faites sur l'eau industrielle. Selon le communiquant, cette eau peut être utilisée dans le processus industriel, que ce soit notamment pour le refroidissement, le réchauffement, le dessoudage, ou encore dans le fonctionnement des réacteurs chimiques. Et d'ajouter qu'il est impératif d'intégrer cette vision d'économie de l'eau dans les installations industrielles, en amont, comme cela est fait dans les pays industrialisés depuis bien des années surtout que l'Algérie s'apprête à produire de l'énergie solaire et donc à la filière industrielle des semi produits, particulièrement vorace en eau extra-pure. Pas d'industrie sans pollution Le chercheur a également indiqué que les rejets polluants et toxiques sont le deuxième volet de la problématique réelle des eaux industrielles qui ne suscite pourtant "malheureusement pas souvent l'intérêt ". Il citera, entre autres, l'exemple de l'usine de l'ENIEM, sise à Tizi-Ouzou qui utilise et rejette des matières extrêmement toxiques et nocives et qui peuvent polluer les eaux des barrages et dont l'impact réel n'est pas mesuré. Certes, " il ne peut y avoir d'industrie sans eau et d'industrie sans pollution", mais il reste qu'à travers le monde des technologies propres sont utilisées dans les industries en vues de recycler l'eau, valoriser les polluants et minimiser leur impact néfaste sur l'environnement. Les rejets en eaux usées et en boue émanant des usines ou notamment des raffineries sont hautement toxiques et peuvent porter atteinte à l'environnement et à la santé humaine et animale soit par contact avec la nappe phréatique (eau souterraine) ou à travers les barrages d'eau (eau superficielle) ou encore après le dessalement d'eau de mer (suite aux déversements à la mer des rejets et boues industriels). " La pollution par l'eau est silencieuse, insidieuse et très dangereuse (...) et c'est pour cela qu'il est impératif d'en faire un bilan", a souligné le Pr. Bouhidel , en notant que "ses impacts désastreux ne sont visibles qu'après bien des années". L'universitaire a insisté sur l'urgence de prendre en compte ces deux volets en vue d'optimiser la gestion de l'eau, la protection de l'environnement et la préservation de la santé publique, sans entraver la dynamique industrielle que connaît le pays, notant que des "sommes colossales ont été investies par les pouvoirs publics dans le système hydrique". En marge de cette table ronde, M. Bouhidel a souligné à la presse que l'Algérie accuse un retard d'une quarantaine d'années en matière d'énergies propres, le recyclage de l'eau, la valorisation des polluants ainsi que dans la protection de l'environnement. "Il y a de nouvelles technologies membranaires aux côtés du concept de l'économie de l'eau industrielle et de nouveaux concepts de l'approche de l'eau qui n'ont pas été en général appliqués en Algérie", a-t-il continué. Concernant les boues toxiques émanant des usines, le chercheur a indiqué que " des centaines de tonnes sont stockées au niveau de BCR Aïn Kebira pour exemple, mais qui sont dans des ateliers non-exposés aux pluies et qui ne risquent donc pas de se retrouver dans des barrages". Par contre, des centaines de tonnes sont ailleurs produites dans les usines de batteries et autres d'électroménagers, bien que celles-ci fassent de gros efforts pour maîtriser ce problème, des difficultés subsistent. Et d'ajouter, " même si nous lançons des appels d'offres pour la valorisation de ces déchets, il y aura très peu d'entreprises qui en seront intéressées vu que cela leur coûtera trop cher". Ainsi, selon le chercheur, la solution à cette problématique serait d'"arrêter la pollution à sa source de sorte que ces produits polluants soient récupérés et réutilisés", et cela ne peut se faire qu'avec la recherche et les technologies nouvelles, ce qui est réalisable en Algérie.
Développer la demande en eau d'une manière rationnelle Présent à cette rencontre, le directeur de la mobilisation des ressources en eau auprès du ministère, M. Abdelwahab Smati a indiqué, que le ministère des Ressources en eau s'attèle actuellement à l'instauration d'une gestion durable de la demande en eau, sachant que notre potentiel est limité. "Nous essayons de développer la demande en eau d'une manière rationnelle, notamment, par la réhabilitation des réseaux d'alimentation en eau potable et des réseaux d'irrigation ainsi que l'élimination des fuites et le développement de matériels économiseurs d'eau", a-t-il précisé. La stratégie de l'offre a consisté en le développement des infrastructures hydriques, tels les barrages, et les infrastructures de dessalement, de captage des eaux sous-terraines et le transfert de l'eau d'une région riche vers une région moins riche en ressources hydriques. En ce qui concerne les eaux superficielles, l'Algérie a atteint actuellement un potentiel d'emmagasinement d'eau de 8,4 milliards de m3 par an, sur un potentiel de ressources en eau de 10,5 milliards de m3, approchant ainsi d'une efficacité de l'ordre de 70% de stockage des eaux ruisselantes. " Nous avons fait un saut qualitatif extraordinaire puisque nous sommes passés de 44 à 76 barrages, et bientôt à 84 barrages (à l'horizon 2019 ) qui auront une capacité globale d'environ 9 milliards de m3", note le même responsable. En matière de ressources en eau sous-terraines, "nous avons un potentiel de 2,5 milliards de m3 que nous exploitons, tout en continuant à améliorer les capacités", a-t-il poursuivi. Et d'ajouter qu'au Sud, il existe un potentiel de près de 5 milliards de m3 alors qu'uniquement 2,5 milliards de m3 sont aujourd'hui utilisés, mentionnant qu'il reste une marge supplémentaire d'utilisation que le pays peut développer en vue de valoriser les eaux du Sud vers la région des Hauts-Plateaux. Selon M. Smati, actuellement le pays produit 3,6 milliards de m3 par an d'eau potable à partir des barrages, soit 30%, alors que 50% sont produits à partir des eaux sous-terraines et 15% à partir des eaux de dessalement d'eau de mer. "Nous avons donc une capacité de 2,1 millions de m3 par jour pour les 11 stations de dessalement en production", a-t-il conclu ajoutant que le secteur agricole qui demeure un grand consommateur d'eau, utilise pour environ 6,4 milliards de m3 par an de cette ressource vitale.