Les prix du pétrole, soutenus par la persistance de tensions au Moyen-Orient et la baisse des réserves d'or noir dans le monde, ont terminé vendredi à leur plus haut niveau depuis décembre 2014. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin a clôturé en hausse de 56 cents à 72,58 sur l'Intercontinental Exchange (ICE). Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" (WTI) pour le contrat de mai a gagné 32 cents à 67,39 dollars. Sur la semaine le prix du Brent a augmenté de 8,2% et celui du WTI de 8,6%. Comme ces derniers jours, le marché pétrolier avait vendredi les yeux rivés sur la Syrie et le risque de frappes militaires pouvant par ricochet perturber la production et les exportations d'or noir dans le monde. Les Occidentaux passaient encore en revue leurs options militaires pour punir le régime syrien qu'ils accusent d'avoir perpétré l'attaque chimique présumée de Douma, malgré les mises en garde répétées de Moscou et du patron de l'ONU. La Syrie a de son côté averti qu'elle n'aurait "d'autre choix" que de se défendre si elle était attaquée. "A l'approche du week-end les investisseurs ont fait grimper les prix car ils s'inquiètent de ce qui pourrait se passer au cours des prochains jours et de toutes les conséquences qui pourraient en découler", a commenté Andy Lipow de Lipow Oil Associates. "La Syrie en tant que telle n'est qu'un tout petit pays producteur de pétrole", a rappelé M. Lipow. "Mais les Etats-Unis pourraient décider de prendre des sanctions contre la Russie ou l'Iran", deux acteurs majeurs sur le marché mondial de l'or noir, a-t-il ajouté. Vendredi les prix étaient aussi tirés "par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui a déclaré que l'Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) est en passe de régler le sujet d'une offre mondiale surabondante", a estimé Lukman Otunuga, analyste pour FXTM. Le cartel, associé à d'autres producteurs non membres du cartel dont la Russie, a décidé fin 2016 de limiter sa production afin de résorber les stocks excédentaires et tenter ainsi de redresser le prix. Résultat: les réserves commerciales des pays de l'OCDE ont encore reculé en février, de 26 millions de barils à 2,8 milliards de barils, soit leur "plus bas niveau depuis avril 2015". Elles pourraient selon l'AIE atteindre, voire être en-dessous du niveau moyen sur cinq ans, au mois de mai. L'Opep avait jeudi dans son propre rapport mensuel évoqué aussi une réduction des stocks de brut dans le monde, en raison notamment d'une baisse de la production en Angola, au Venezuela, en Algérie et en Arabie Saoudite. Les réserves mondiales diminuent alors même que les Etats-Unis continuent sans relâche leurs extractions. Dernier signe en date: selon le rapport hebdomadaire de la société américaine Baker Hughes publié vendredi, le nombre de puits de pétrole actifs aux Etats-Unis a augmenté de 7 puits à 815 unités. Ce chiffre donne une indication de la production américaine de brut à venir.
Baisse en Asie Les cours du pétrole étaient orientés à la baisse, vendredi en Asie, après avoir atteint leur plus haut niveau en trois ans en raison des risques d'instabilité au Proche-Orient liée aux tensions entre Washington et Moscou sur la Syrie. Vers 04h15 GMT, le baril de light sweet crude (WTI), référence américaine du brut, pour livraison en mai reculait de 18 cents à 66,89 dollars dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne, pour livraison en juin, cédait 19 cents à 71,83 dollars. Le président américain Donald Trump, qui a réuni jeudi son équipe de sécurité nationale sur le dossier syrien, n'a pas encore tranché sur de possibles frappes aériennes après l'attaque chimique présumée dans l'enclave rebelle de Douma. "La montée des tensions en Syrie a été le principal facteur d'évolution des prix, avant la hausse des réserves et de la production américaine", a observé Benjamin Lu, spécialiste des matières premières chez Phillip Futures à Singapour. "Mais nous anticipons une correction dans les prix du pétrole, nous pensons que les marchés vont écarter les considérations géopolitiques pour se concentrer sur l'action des producteurs américains de schistes." Les experts s'accordent sur le fait que la hausse de la production américaine sape les efforts de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et de ses partenaires comme la Russie pour faire baisser les prix en réduisant la production.
L'AIE voit le rééquilibrage du marché se poursuivre L'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui a maintenu vendredi sa prévision de demande de pétrole en 2018 malgré quelques facteurs d'incertitudes, voit le rééquilibrage du marché se poursuivre. L'organisme s'attend à ce que la demande mondiale de pétrole progresse de 1,5 million de barils par jour (mbj) cette année, comme annoncé le mois dernier. Toutefois, les tensions commerciales actuelles entre les Etats-Unis et la Chine représentent un "risque" pour ces prévisions, relève l'AIE. En ce qui concerne le premier trimestre, une "plus forte croissance" de la demande aux Etats-Unis, qui s'explique notamment par une météo fraîche et le démarrage d'un nouveau projet pétrochimique, a été "partiellement compensée" par une croissance de la demande plus faible en Chine. L'AIE a relevé une progression des prix, soutenue notamment par l'instabilité politique au Moyen-Orient. L'incertitude concernant la situation en Syrie et au Yémen "a aidé a propulser le prix du baril de Brent au-dessus des 70 dollars". "Il reste à voir si les récents tarifs élevés se maintiennent et si c'est le cas, quelles seront les implications sur la dynamique du marché", s'interroge l'AIE. Les cours du pétrole avaient chuté à la mi-2014 mais sont depuis remontés, s'établissant fermement au-dessus des 60 dollars le baril dernièrement. Ils ont été soutenus par la décision fin 2016 des pays producteurs de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), associés à d'autres producteurs non membres du cartel dont la Russie, de limiter leur production. En mars, la production de pétrole a atteint 97,8 millions de barils par jour, les pays producteurs ayant réduit leur production de 800.000 barils supplémentaires par rapport à ce que prévoyait leurs engagements, selon le rapport. Toutefois, "un peu plus d'un tiers" de la réduction de mars est due à un recul "non intentionnel" de la production du Venezuela et du Mexique, précise l'AIE. "Jusqu'à présent, rien n'indique que l'Opep augmente sa production en réponse aux récents prix plus élevés ou pour compenser la chute de l'offre vénézuélienne", indique le rapport, ce qui devrait permettre la poursuite du rééquilibrage du marché. Les réserves commerciales des pays de l'OCDE ont reculé en février de 26 millions de barils à 2,8 milliards de barils, leur "plus bas niveau depuis avril 2015". A la fin de ce mois, elles n'étaient plus "que de 30 millions de barils au-dessus de la moyenne de cinq ans". Elles pourraient atteindre, voire être en-dessous du niveau moyen sur cinq ans, au mois de mai, selon l'AIE, accomplissant ainsi l'objectif prévu par l'accord des pays producteurs. Alors que cet accord court actuellement jusqu'à fin 2018, l'Opep envisagerait de modifier son objectif pour le fixer à leur moyenne sur sept ans. La prochaine réunion des ministres de l'Opep et de leurs partenaires aura lieu le 22 juin à Vienne.