Les ministres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole ont décidé, hier, de laisser inchangée leur production, expliquant que si le pétrole est à nouveau à des niveaux sans précédent, cela tient à des éléments sur lesquels ils n'ont aucune prise, comme la faiblesse du dollar et la spéculation, et non à l'insuffisance de l'offre. Lors de leur réunion à Vienne, la majorité des ministres de l'Opep ont souhaité maintenir la production à son niveau actuel et une minorité plaidait même pour une baisse des quotas afin de prévenir un engorgement du marché. L'Opep répète, en effet, depuis plusieurs semaines, que le marché pétrolier est suffisamment approvisionné et que les prix élevés sont dûs à la faiblesse du dollar contre laquelle les investisseurs se couvrent en achetant massivement des contrats à terme pétroliers, ainsi qu'aux troubles géopolitiques et à l'insuffisance des capacités de raffinage dans le monde.Par ailleurs, les stocks pétroliers sont en hausse depuis sept semaines aux Etats-Unis, un argument supplémentaire pour ne pas pomper plus, d'autant que l'organisation craint une baisse de la consommation avec la fin de l'hiver et le ralentissement économique américain. “L'économie mondiale entre dans une période de croissance plus lente (...) ce qui entraîne beaucoup d'incertitudes dans le monde du pétrole, d'autant que beaucoup d'institutions ont commencé à réviser à la baisse leurs prévisions de demande pétrolière”, a dit M. Khelil dans son discours d'ouverture de la réunion. Cette décision n'est pas une surprise puisqu'elle confirme la tendance d'avant-réunion. En effet, plusieurs interventions tout au long de la journée de mardi de dirigeants de l'Opep ont plaidé dans le sens d'un maintien strict des flux du pétrole. Le président en exercice de l'Opep, M. Chakib Khelil, avait affirmé à son arrivée dans la capitale autrichienne que l'Opep allait choisir entre “un maintien ou une baisse” de production. Même si, avec un baril à quelque 100 dollars, une réduction était politiquement difficile, avait admis M. Chakib Khelil. De son côté, le ministre saoudien du Pétrole, chef de file de l'Opep, avait indiqué qu'il ne voyait pas la nécessité de modifier la production du cartel, attribuant la flambée des prix à “une spéculation gigantesque”, dans une interview au quotidien Al-Hayat. Et selon son homologue libyen Choukri Ghanem, il y a un consensus à ce sujet au sein du cartel, ajoutant: “il n'y a rien à faire maintenant”. L'Opep a donc ignoré les appels des pays consommateurs en faveur d'une hausse de production. Le président américain George W. Bush, inquiet des répercussions économiques en raison d'un baril à quelque 100 dollars, avait estimé mardi que l'Opep ferait “une erreur” en n'augmentant pas l'offre de brut. De son côté, le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, avait également appelé l'organisation à agir pour calmer les prix. Les ministres de l'Opep semblent donc partis pour se réunir à nouveau rapidement, selon les ministres koweïtien, équatorien et libyen. Ce dernier a même évoqué la possibilité de deux réunions extraordinaires avant la réunion ordinaire programmée en septembre. Selon l'équatorien Galo Chiriboga, une rencontre aurait sans doute lieu en marge de la conférence des pays producteurs et consommateurs fin avril à Rome. Après l'annonce du statu quo, largement anticipé, de la production de l'Opep, le baril de brut s'échangeait à 100,3 dollars sur le New York Mercantile Exchange, loin des prix record qui avaient été atteints la veille, à près de 104 dollars.