Rattrapé par les polémiques à répétition, Facebook a littéralement sonné les investisseurs mercredi en prévenant d'un fort ralentissement de sa croissance à venir et en publiant des résultats trimestriels jugés particulièrement décevants, suscitant des interrogations sur sa capacité à se dépêtrer des scandales. Vers 00H15 GMT (jeudi), le titre dégringolait de plus de 20% à 173,50 dollars dans les échanges électroniques suivant la clôture de Wall Street alors qu'il avait été au plus haut en cours de séance. Reste à savoir si ce coup de tabac se confirmera à l'ouverture de la Bourse jeudi. Une baisse de 20% du titre correspond à quelque 130 milliards de dollars de valorisation boursière. Tentant d'expliquer les performances jugées décevantes du groupe, ses responsables ont expliqué avoir subi les conséquences de plusieurs facteurs, parmi lesquels les scandales à répétition, qui lui coûtent très cher en investissements, ou encore, dans une moindre mesure, le Règlement européen des données personnelles (RGPD) entré en vigueur dans l'Union européenne fin mai pour mieux encadrer l'utilisation des données personnelles. "C'est une année cruciale" pour Facebook, a commenté son patron Mark Zuckerberg lors d'une conférence téléphonique avec des analystes. "Nous investissons tellement dans nos systèmes de sécurité que cela va commencer à avoir un effet sur notre rentabilité, nous commençons à le voir ce trimestre", a-t-il continué, après des mois à tenter de redorer le blason du plus gros réseau social du monde. Les données personnelles des utilisateurs --au centre du scandale planétaire Cambridge Analytica (CA) qui a éclaté mi-mars-- sont la base du modèle économique de Facebook, dont la quasi-totalité des revenus provient des ventes d'espaces publicitaires. Mauvaises pour son image, ces controverses ont pu refroidir public et annonceurs.
"Ampleur inédite" D'où la volonté de Facebook d'investir massivement (embauches, technologies, Recherche et Développement ...) pour regagner leur confiance. Dans un souci de "transparence", le groupe a aussi décidé de fournir aux usagers plus d'informations sur les annonceurs qui mettent des publicités sur le réseau, au risque de les échauder. Pis encore aux yeux des investisseurs, le groupe a également prévenu que le ralentissement de la croissance et la hausse des dépenses allaient se poursuivre nettement dans les mois qui viennent. En outre, "nous prévoyons que la hausse des dépenses sera supérieure à celle du chiffre d'affaires" en 2019, a aussi asséné Dave Wehner, directeur financier de Facebook. Preuve de l'effet catastrophique de ces annonces, l'analyste Brent Thill (Jefferies & Co.) a relevé au cours de la conférence téléphonique que "beaucoup d'investisseurs ont du mal à comprendre le ralentissement (...). On dirait que son ampleur est inédite". Ross Gerber, analyste chez Gerber Kawasaki, voit dans ces chiffres la preuve que le vent tourne pour les réseaux sociaux. "Ils ont atteint leur pic", a-t-il dit sur ... Twitter. Avant même le coup de massue des prévisions, les investisseurs avaient déjà très mal réagi au chiffre d'affaires, pourtant en hausse de 42% à 13,2 milliards mais en-dessous des attentes des analystes. Surtout, le rythme annuel de croissance était de 49% à la fin du premier trimestre. Le groupe a également déçu avec ses 2,23 milliards d'usagers actifs mensuels --soit à peine plus que fin mars et moins qu'attendu par les marchés. Déception aussi pour les utilisateurs actifs quotidiens, qui étaient 1,47 milliard fin juin, moins qu'espéré. Le nombre d'utilisateurs en Europe a même "baissé légèrement (...) en raison de la mise en œuvre du RGPD", a souligné M. Zuckerberg. Pour la première fois, Facebook a indiqué que 2,5 milliards de personnes utilisaient au moins une des applications du groupe chaque mois, que ce soit Facebook, WhatsApp, Instagram ou Messenger. Les annonces de mercredi ont d'autant plus fait l'effet d'une douche froide que le groupe n'avait jusque-là pas vraiment pâti financièrement des scandales, notamment autour de la prolifération des "fake news" pendant la campagne présidentielle américaine en 2016. Et même si son titre avait été malmené au moment de Cambridge Analytica, le groupe avait plus que rattrapé ses pertes. De façon plus générale, Facebook pâtit aussi d'une désaffection croissante de la part des plus jeunes, qui se tournent notamment vers sa plateforme de partages de photos Instagram, qui vient de passer le milliard d'utilisateurs et dont la croissance a aidé le chiffre d'affaires de sa maison-mère, limitant donc la casse pour l'ensemble du groupe. Les investisseurs ont complètement négligé le bénéfice net, qui a pourtant bondi de 31% à 5,1 milliards de dollars. Facebook fait l'objet de nombreuses plaintes et enquêtes dans le monde suite aux derniers scandales retentissants de ces derniers mois.