La mondialisation est devenue un facteur d'accélération des prix en diffusant la flambée des matières premières, ont admis banquiers centraux américains et européens vendredi à Paris, confirmant que "le bon temps" était terminé pour l'économie planétaire."A bien des égards, le bon temps est derrière nous", a affirmé Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, qui organisait vendredi à Paris un colloque intitulé "Mondialisation, inflation et politique monétaire". "La mondialisation a sans doute beaucoup aidé les Banques centrales au cours de la dernière décennie. Ce n'est plus, aujourd'hui, aussi évident", a-t-il souligné. La mondialisation tempérait jusqu'à peu l'inflation, grâce aux biens fabriqués dans des pays à bas coût comme la Chine. Mais "la flambée des matières premières, notamment alimentaires", en raison d'un bond de la demande des pays émergents, a transformé l'intégration mondiale en vecteur de transmission des risques inflationnistes, a noté Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE). "En renforçant l'importance des chocs globaux (...), la mondialisation introduit une synchronisation plus poussée des cycles inflationnistes entre les pays, avec (des) risques d'amplification", renchérit M. Noyer. L'inflation est au plus haut depuis des années dans la zone euro à 3,2% sur un an en février, très au-delà de la limite de 2% tolérée par la BCE. Aux Etats-Unis, la hausse des prix atteignait 3,7% sur un an en janvier, son sommet depuis plus de 17 ans. Des chiffres d'autant plus inquiétant que "si l'économie des pays émergents résiste au ralentissement économique actuel, les prix des matières premières devraient rester élevés", remarque le numéro deux du Fonds monétaire international (FMI), John Lipsky.Les prix du pétrole semblent corroborer cette prophétie: depuis le début de la semaine, ils ont successivement franchi les seuils de 102, 103, 104, 105 dollar le baril à New York, frôlant 106 dollars jeudi. Le regain d'inflation en Europe entrave l'action de l'institut monétaire européen en l'empêchant de baisser ses taux d'intérêt pour donner de l'air à l'économie européenne, confrontée à un net ralentissement économique. Aux Etats-Unis aussi, la mondialisation "rend plus difficile" la tâche des banques centrales, a admis Richard Fisher, président de la Banque de réserve fédérale de Dallas.Pour autant, M. Fisher a tenu à "décourager" ceux qui pensent que la Réserve fédérale américaine, face au nouvel accès de faiblesse des marchés boursiers ces derniers jours, va réitérer la baisse de taux rapide de 1,25 point de pourcentage du mois de janvier. "Je ne pense pas qu'on puisse avoir une croissance durable de l'emploi sans inflation sous contrôle, et c'est pour cela que je suis personnellement réticent à l'idée de baisser plus les taux d'intérêt" aux Etats-Unis, a-t-il fait valoir. Déclarant qu'il "admire" la BCE et son président Jean-Claude Trichet, M. Fisher a insisté sur le fait que les banques centrales doivent rechercher "une croissance durable non inflationniste". La présidente de la Banque fédérale de réserve de San Francisco Janet Yellen croit elle que l'inflation va se tasser dans les années qui viennent, et retomber "sous 2%" aux Etats-Unis. Une hypothèse toutefois fondée sur le scénario optimiste d'une croissance "modeste" des salaires et d'une stabilisation du prix des matières premières. Alors que l'inflation accélère même en Chine, le vice-président de la Banque centrale chinoise s'est simplement dit "confiant" dans le fait que hausse des prix se limiterait à un "niveau acceptable" cette année.