Imposer de nouvelles taxes sur l'industrie automobile canadienne, comme menace de le faire le président américain Donald Trump, aurait des conséquences "dévastatrices" au Canada mais aussi aux Etats-Unis où cela entraînerait "beaucoup de licenciements", a estimé mardi le Premier ministre canadien Justin Trudeau. Après un an de négociations infructueuses, Ottawa et Washington essaient depuis deux semaines de s'entendre sur une version modernisée de l'Accord de libre-échange nord-américain (Aléna) qui lie étroitement leurs économies avec celle du Mexique depuis 1994. "Nous avons été vraiment, vraiment fermes sur la nécessité de maintenir des choses comme (...) un mécanisme indépendant de règlement des différends qui protège notre exception culturelle et plusieurs autres choses telles que nos producteurs laitiers et la gestion de l'offre" agricole, a déclaré M. Trudeau sur une radio locale de Winnipeg. "Mais il y a aussi des choses sur lesquelles nous faisons preuve de flexibilité car il est temps d'actualiser cet accord après 25 ans", a noté le dirigeant libéral, sans préciser quels étaient les domaines pour lesquels il était ouvert aux concessions. Donald Trump a maintes fois averti que si aucun terrain d'entente n'était trouvé entre Ottawa et Washington, il n'hésiterait pas à déclencher une nouvelle salve de taxes douanières, à commencer par le secteur automobile canadien, bien que ce dernier soit étroitement intégré avec la production américaine. "Si le président devait imposer ses tarifs punitifs sur l'automobile comme il a menacé (de le faire), cela serait dévastateur pour l'industrie automobile canadienne mais aussi pour l'industrie automobile américaine", a fait valoir M. Trudeau. "Cela causerait des perturbations à grande échelle et entraînerait, je pense, beaucoup de licenciements aux Etats-Unis", a mis en garde le Premier ministre. "Nous devons être attentifs à ce que le président envisage", a-t-il souligné. Les Etats-Unis imposent depuis le mois de juin des taxes de 25% sur l'acier et l'aluminium canadiens, officiellement pour des raisons de "sécurité nationale", ce que M. Trudeau a déjà jugé "insultant". Le Canada a répliqué en imposant depuis début juillet des taxes de 10 à 25% sur des dizaines de produits américains allant du whisky au jus d'orange en passant par les tondeuses à gazon. Avec quelque deux milliards de dollars canadiens d'échanges quotidiens, "la relation commerciale entre le Canada et les Etats-Unis est sans doute la plus aboutie dans le monde", a observé Justin Trudeau quelques heures plus tard, lors d'une conférence de presse dans une usine de Winnipeg. Toutefois, a-t-il remarqué, "les Canadiens attendent de leur gouvernement que celui-ci les défende, défende les travailleurs canadiens et les intérêts canadiens" et, dans ce contexte, "nous préférons ne pas avoir d'accord sur l'Aléna qu'un mauvais accord".
Devoir de s'entraider En ce jour de commémoration des attentats du 11 septembre 2001, le Canada et les Etats-Unis doivent se souvenir qu'en tant que voisins, ils doivent s'entraider, a souligné mardi la ministre canadienne des Affaires étrangères venue à Washington pour renégocier l'accord commercial Aléna. "Je pense que se souvenir aujourd'hui de ce qu'il s'est passé peut probablement tous nous aider à remettre les négociations (sur l'accord de libre-échange nord-américain) en perspective et à remettre dans une perspective historique l'importance et la portée de la relation entre les Etats-Unis et le Canada", a déclaré Chrystia Freeland. "In fine, nous sommes voisins. In fine, les voisins s'entraident quand ils en ont besoin", a-t-elle ajouté. Les négociations pour moderniser l'Aléna, qui lie depuis 1994 les économies des Etats-Unis, du Canada et du Mexique, ont démarré il y a plus d'un an. Si Washington et Mexico sont parvenus à un compromis fin août, les tractations entre les Etats-Unis et le Canada achoppent sur trois points majeurs: un dispositif de règlement des litiges commerciaux (dit chapitre 19), un dispositif protégeant le secteur laitier au Canada et les subventions canadiennes dans le domaine culturel. "Oubliez ce que vous lisez sur les négociations de l'Aléna et les bagarres sur Twitter, cela n'est pas ce que nous sommes", a déclaré de son côté l'ambassadrice américaine au Canada Kelly Craft lors d'un déplacement à Gander, petite ville de Terre-Neuve qui avait accueilli près de 7.000 passagers déroutés le 11 septembre 2001 après la fermeture de l'espace aérien américain. "Gander est entrée dans l'histoire comme lieu personnifiant amitié et humanité", entre le Canada et les Etats-Unis, a-t-elle ajouté. L'Aléna, qui a accru les échanges commerciaux en Amérique du Nord, est important "mais Gander illustre la relation" entre les deux pays, a estimé l'ambassadrice, louant une population ayant l'habitude de secourir les gens dans le besoin. Sur le front des négociations du traité commercial, Chrystia Freeland est en réunions mardi avec le représentant américain au Commerce (USTR) Robert Lighthizer. "Nous avons parlé de beaucoup de choses (...) L'atmosphère continue définitivement d'être bonne, professionnelle avec de la bonne volonté des deux côtés", a-t-elle souligné à l'issue de la première réunion tout en rappelant qu'aucun accord n'est fait tant qu'il n'est pas signé. Elle a une nouvelle fois insisté sur le fait que le gouvernement canadien ne signerait qu'un accord "bon pour le Canada". "Nous négocions tout en même temps. Ce sont des sujets très complexes et il y a encore de la distance" séparant les deux parties, avait reconnu plus tôt une source proche des discussions, laissant entendre qu'un consensus ne semblait pas imminent. Cette source a toutefois souligné qu'"avec un peu de flexibilité, les choses peuvent aller vite". Le chef de la diplomatie canadienne doit rentrer au Canada mardi car elle doit se rendre mercredi à Saskatoon (ouest du Canada) pour assister à la réunion des députés libéraux, qui s'y tient jusqu'à jeudi, avait indiqué lundi son porte-parole Adam Austen. Il n'a pas été en mesure de confirmer que la ministre canadienne pourrait être de retour vendredi dans la capitale américaine pour de nouvelles discussions. Les attentats du 11 septembre 2001 ont fait près de 3.000 morts aux Etats-Unis, dont une immense majorité à New York.