François Hollande souhaite que le mouvement des "gilets jaunes" "ne dure pas trop longtemps, parce qu'il pèse pour ceux qui le mènent et pour l'économie française", a déclaré vendredi l'ancien président après avoir rencontré une délégation de manifestants à Montauban. "Il est très important que l'esprit de dialogue et de compromis puisse l'emporter", a ajouté M. Hollande, qui doit discuter avec d'autres "gilets jaunes" samedi dans le Tarn, après en avoir rencontré en Ardèche. "Dans l'esprit de responsabilité, nous avons tous intérêt que ce mouvement trouve son issue. Il y a bientôt les fêtes de Noël, il y a des consommateurs, des entreprises qui ont besoin d'avoir des clients, un pays pacifié. Plus tôt on trouvera une issue et mieux cela sera", a-t-il dit à la presse, à l'issue de sa rencontre d'une demi-heure avec une délégation de six "gilets jaunes" à la fédération PS du Tarn-et-Garonne. Rappelant avoir lui-même "affronté les bonnets rouges ou d'autres mouvements sociaux", l'ancien chef de l'Etat a souligné avoir "toujours fait en sorte de chercher le compromis et le dialogue. Lorsqu'une mesure ne peut pas obtenir l'adhésion, il n'est pas utile de la prolonger ou de la maintenir. Il faut chercher le compromis en gardant l'objectif. Il ne peut pas y avoir d'adhésion à une politique si elle n'est pas juste." "Chacun doit lutter contre le réchauffement climatique mais cela doit se faire dans la justice fiscale et sociale", a ajouté M. Hollande. L'ancien président de la République a aussi répondu à Emmanuel Macron, qui l'avait à mots couverts accusé de "cynisme", et d'être "sans doute plus à l'origine de la situation que nous vivons que le gouvernement qui n'est aux affaires que depuis 18 mois", jeudi à Buenos Aires. "Ce qui s'est fait depuis dix-huit mois ne relève pas de ma responsabilité. C'est un gouvernement, un président, qui ont choisi et c'est leur droit de supprimer l'Impôt sur la fortune et d'augmenter des impôts sur tous les Français. Aujourd'hui ils doivent réfléchir aux conséquences de cette politique", a-t-il dit. "Il faut continuer à prendre la parole et faire que ça puisse déboucher, parce qu'il faut que ça débouche", avait également déclaré M. Hollande à des "gilets jaunes" à Antraigues (Ardèche), selon un tweet de France Bleu Drôme Ardèche.
La rencontre Philippe - "gilets jaunes" tourne au fiasco La rencontre prévue entre l'exécutif et les "gilets jaunes" vendredi, veille de l'acte III de leur mobilisation, a tourné au fiasco, le Premier ministre Edouard Philippe assurant toutefois que "la porte de Matignon [serait] toujours ouverte" aux représentants de ce mouvement. "J'ai demandé à plusieurs reprises à ce que cet entretien soit filmé et retransmis en direct à la télévision, cela a été refusé", a déclaré à la presse Jason Herbert, l'un des huit membres de la délégation qui avait émergé en début de semaine, avant de repartir après quelques minutes d'un dialogue de sourds. Ni M. Herbert, ni Matignon n'ont révélé l'identité du "gilet jaune" resté ensuite plus d'une heure avec Edouard Philippe et le ministre de la Transition écologique François de Rugy. "Cet échange a eu lieu, avec moins de représentants que j'espérais, mais il a eu lieu et je pense que c'était important qu'il ait lieu", a déclaré le Premier ministre après la discussion. "Il aurait été incompréhensible", a-t-il ajouté, qu'il n'y ait "pas ce moment d'échanges avec les représentants des gilets jaunes" après avoir reçu "tous les représentants des associations, des syndicats, des élus locaux, des corps intermédiaires" dans le cadre de trois mois de concertation voulus par le président Emmanuel Macron. Jason Herbert, chargé de communication dans une médiathèque d'Angoulême, est l'une des figures du mouvement en Charente. Il était arrivé à Matignon vers 14H30, une demi-heure après l'horaire prévu.
"Enormes pressions" "Aujourd'hui nous ne sommes que deux, nous avons tous reçu d'énormes pressions" émanant "à 99%" d'autres "gilets jaunes", a-t-il affirmé, avant de réitérer que la délégation avait été dissoute il y a 48 heures, après avoir rempli sa mission consistant à lancer le dialogue avec le gouvernement. Le dirigeant de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a accusé après le fiasco l'exécutif de choisir le "pourrissement" à l'égard des "gilets jaunes". Matignon n'est "pas un self-service" et quand "on est convié, on s'y rend", a estimé pour sa part la secrétaire d'État à l'Égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, pour qui la rencontre avortée "affaiblit" le mouvement. Ce nouveau couac survient alors que politiques et syndicalistes multiplient les appels à l'exécutif pour qu'il fasse un geste en direction des manifestants. "À un moment, on ne peut pas gouverner contre le peuple" et il ne faut pas "ajouter des charges aux charges" des Français, a averti vendredi matin François Bayrou, un allié de poids du président Emmanuel Macron. Les syndicats reçus dans la matinée par le Premier ministre ont demandé à l'exécutif de nouvelles mesures "immédiates" ou du moins "concrètes" pour répondre à la crise des "gilets jaunes", allant d'une prime transport à la hausse des salaires, en passant par un moratoire sur la taxe carburant. Le dirigeant de la CFDT Laurent Berger a notamment poussé, comme Force Ouvrière, en faveur d'une prime transport pour les salariés se rendant au travail en voiture. La quasi-totalité des élus locaux reçus à Matignon jeudi avaient déjà réclamé un nouveau "geste" de l'exécutif, et au-delà de François Bayrou, l'idée d'un moratoire à la hausse des taxes fait débat au sein même de LREM, le parti présidentiel. Un million de signatures Un peu moins de 11.000 "gilets jaunes" étaient décomptés vendredi en fin de journée sur quelque 600 "actions de voie publique", selon une source policière. Le mouvement se prépare pour l'acte III samedi partout en France. Toujours insaisissable pour le monde politique, il avance galvanisé par le soutien des deux tiers des Français et une pétition "pour une baisse des prix du carburant à la pompe" qui a dépassé jeudi le million de signatures. L'épicentre de la mobilisation devrait se situer sur les Champs-Elysées, théâtre de troubles la semaine dernière. Trois collectifs de banlieue appellent à rallier le rassemblement parisien pour défendre les "quartiers populaires". Les "gilets jaunes" regroupent une population hétérogène, qui a en commun de subir des "fins de mois difficiles" et de souffrir du "mépris des puissants", selon le portrait dressé ces derniers jours par plusieurs experts. "La fronde dépasse le monde rural et touche l'ensemble des catégories modestes", observe le géographe Christophe Guilluy dans un récent entretien au Figaro, tandis que la Fondation Jean-Jaurès évoque "un très net clivage de classe". Dans un geste d'apaisement après deux semaines de crise, le gouvernement a annoncé que les Champs-Élysées seront ouverts aux piétons samedi, comme le demandaient les "gilets jaunes". Un filtrage et des fouilles seront "systématiquement" organisés, a précisé vendredi le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, pour éviter les échauffourées qui ont émaillé la précédente journée d'actions du 24 novembre sur l'une des avenues les plus touristiques au monde.