Le Qatar a annoncé lundi qu'il quitterait le mois prochain l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), afin de se concentrer sur sa production de gaz, dont il est un des principaux exportateurs au monde. Le petit émirat est membre depuis 1961 de l'Opep, organisation fondée un an plus tôt notamment sous l'impulsion de l'Arabie saoudite, qui domine ce cartel de 15 membres à ce jour. "Le Qatar a décidé de se retirer comme membre de l'Opep avec effet en janvier 2019", a déclaré Saad Al-Kaabi lors d'une conférence de presse à Doha, ajoutant que l'organisation en avait été informée préalablement. Cette décision, "technique et stratégique", n'a aucun rapport avec l'embargo imposé à Doha depuis la rupture des relations diplomatiques en 2017 avec l'Arabie saoudite et ses alliés, a argué M. Kaabi. L'ex-Premier ministre du Qatar, cheikh Hamad ben Jassem al-Thani, a toutefois, été très direct en affirmant sur Twitter que l'Opep était "devenue inutile" et n'apportait "plus rien" à son pays. "Elle est seulement utilisée à des fins qui nuisent à nos intérêts nationaux". L'émirat continuera à produire du pétrole et à nouer des partenariats avec notamment le Brésil --premier producteur de pétrole en Amérique du sud-- mais se focalisera sur le gaz, a relevé M. Kaabi. Des analystes ont décrit une décision éminemment "politique" dans le contexte régional. Cela revient à "s'opposer à l'Arabie Saoudite à un moment où (le royaume) est un peu faible", a jugé Thierry Bros, chercheur à l'Oxford Institute for Energy Studies, en allusion notamment au scandale lié au meurtre début octobre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Le Qatar est actuellement le premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié, un statut qu'il pourrait toutefois perdre l'an prochain au profit de l'Australie, selon M. Bros.
"Potentiel" "Nous n'avons pas beaucoup de potentiel (dans le pétrole), nous sommes très réalistes. Notre potentiel, c'est le gaz", a encore souligné M. Kaabi, par ailleurs à la tête de Qatar Petroleum. "Se concentrer sur quelque chose qui ne fait pas partie de votre coeur de métier et qui ne va vous rapporter aucun bénéfice à long terme n'est pas efficace", a-t-il fait valoir. En septembre, le Qatar a annoncé son intention d'augmenter sa production de gaz à hauteur de 110 millions de tonnes par an d'ici 2024, grâce notamment à l'exploitation d'un champ gazier qu'il partage avec l'Iran. Le pays construira par ailleurs le plus grand craqueur d'éthane de tout le Moyen-Orient, "ce qui fera sensation dans le secteur énergétique", selon le ministre qatari. Doha n'est, à l'inverse, que le 17e producteur mondial de pétrole brut, avec 600.000 barils par jour, selon le site spécialisé world data.info. Le petit pays du Golfe ne dispose en outre que de 2% des réserves mondiales d'or noir, d'après une publication officielle de la CIA, le World Factbook. M. Kaabi a toutefois précisé qu'il se rendrait à la prochaine réunion de l'Opep prévue cette semaine à Vienne. "Sa première et dernière réunion" depuis qu'il est ministre de l'Energie du Qatar doit être axée sur la stratégie du cartel pour 2019. La décision du Qatar de sortir de l'Opep devrait avoir peu de répercussions sur le marché, ont souligné des experts. "Sortir de l'Opep est surtout symbolique", a noté Amrita Sen, analyste à Energy Aspects consultants. Lundi, les prix du baril de brut sont montés en flèche après que la Russie et l'Arabie saoudite ont annoncé, en marge du sommet du G20, leur intention de renouveler leur accord sur une baisse de production, exemple parmi d'autres du fait que des décisions majeures intervenaient de plus en plus hors sommets de l'Opep. Le départ de Doha va contribuer à affaiblir le cartel, a renchéri Thierry Bros. "Cela montre que ça va être de plus en plus compliqué à gérer (pour l'Opep), (car) ceux qui restent ne sont pas non plus de grands amis, comme l'Iran et l'Arabie saoudite". L'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar en juin 2017 en l'accusant de ne pas prendre assez de distance avec l'Iran, puissance régionale chiite rivale de Ryad, et de soutenir des groupes islamistes radicaux, dont les Frères musulmans. Le Qatar nie soutenir des groupes extrémistes, accusant en retour ses voisins de vouloir provoquer un changement de régime à Doha.