Quelque 136.000 manifestants samedi, un nombre record d'interpellations à Paris, des dégâts matériels dans la capitale et en régions mais moins de blessés: après une quatrième journée de mobilisation des "gilets jaunes", Emmanuel Macron va annoncer de nouvelles mesures en réponse à cette crise qui met son quinquennat à l'épreuve. De nombreux ministres étaient déjà présents sur le front médiatique dimanche matin, à l'image de Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, selon lequel ces troubles représentent "une catastrophe pour notre économie". "A l'évidence, nous avons sous-estimé le besoin de nos concitoyens de prendre la parole, de dire les difficultés qui sont les leurs et d'être associés à la construction des solutions", a reconnu de son côté le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux. Emmanuel Macron doit prendre la parole "en tout début de semaine" et des mesures sociales fortes et concrètes sont attendues. "Le temps du dialogue est là" et "il faut désormais retisser l'unité nationale", mise à mal par cette fronde populaire inédite, née sur les réseaux sociaux, avait déclaré samedi soir le Premier ministre Edouard Philippe. Pour cette quatrième grande journée de mobilisation, les autorités ont réussi à enrayer l'escalade de la violence tant redoutée notamment grâce à un recours massif aux interpellations: pour l'ensemble de la France, le ministère de l'Intérieur a fait état de 1.723 personnes interpellées, dont 1.220 ont été placées en garde à vue. La grande majorité concernait Paris avec 1.082 interpellations contre 412 le samedi précédent, avec notamment des personnes arrêtées avec sur eux des masses, des marteaux, des boules de pétanque... Sur les 900 gardes à vue, 500 étaient toujours en cours dimanche matin, a précisé le Parquet de Paris et 108 individus ont été déférés. Toutefois de nouvelles scènes de violence ont été observées dans plusieurs endroits en France. Tirs de gaz lacrymogènes en nombre dans Paris, vitrines brisées sous les lumières de Noël et pillages, voitures brûlées à Paris, à Bordeaux, Toulouse et toujours des blocages sur les routes: les images de samedi ont une nouvelle fois marqué les esprits en France comme à l'étranger. "De nombreux Français, notamment commerçants, ont connu un nouveau samedi noir", selon Laurent Wauquiez (LR).
Un coût économique Dans la capitale, ces scènes de violences, concentrées aux abords de la place de l'Etoile et de l'Arc de Triomphe la semaine précédente, se sont produites cette fois dans plusieurs quartiers: les avenues près de l'Etoile mais aussi vers la place de la République, dans l'Est. La mairie de Paris estime même que la journée du 8 décembre a occasionné plus de dégâts matériels que huit jours auparavant et juge plus important le coût économique, car de nombreux magasins étaient fermés. Les heurts ont toutefois causé moins de blessés que le 1er décembre, même si un homme a eu une main arrachée à Bordeaux. L'Intérieur a fait état dimanche matin d'un total de 264 blessés dont 39 chez les forces de l'ordre. Un dispositif "exceptionnel" avait été prévu, avec 89.000 membres des forces de l'ordre déployés sur l'ensemble du territoire, dont 8.000 à Paris appuyés par 14 véhicules blindés à roue, déployés pour la première fois de leur histoire dans la capitale. La Tour Eiffel, le Louvre et de nombreux commerces étaient restés fermés. Samedi soir, le ministre de l'Intérieur s'est félicité qu'"un point d'arrêt (ait) été mis à l'escalade de la violence" et que la "dynamique des casseurs" ait été "brisée". Un millier de "gilets jaunes" ont aussi défilé à Bruxelles, où 400 personnes ont été arrêtées et un policier blessé. Depuis la Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan a dénoncé la "violence" des autorités françaises. "Triste jour", pour le président américain Donald Trump, qui a estimé que le mouvement des "gilets jaunes" était la preuve que l'accord de Paris sur le climat "ne marche pas".
Des concessions en vain En parallèle et très majoritairement dans le calme, des milliers de personnes ont participé à des marches pour le climat dans plusieurs villes, dont une partie portant des gilets jaunes, avec des slogans appelant à lutter dans un même élan contre "l'urgence climatique" et l'urgence sociale. Cible récurrente des manifestants, à coup de "Macron démission", le chef de l'Etat a laissé jusqu'alors Edouard Philippe monter au front, devant le Parlement et les médias. Les concessions de l'exécutif, notamment l'annulation de l'augmentation de la taxe sur les carburants, semblent avoir eu pour principal effet d'avoir fragilisé le Premier ministre qui défendait une simple suspension de la hausse, avant d'être brutalement désavoué par l'Elysée. Faut-il annoncer un tournant social ou "garder le cap" des réformes comme jusqu'alors? Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a de nouveau évoqué samedi "la dissolution" de l'Assemblée nationale. "Les trois quarts des revendications des gilets jaunes sont dans notre programme", a-t-il aussi assuré, alors que le mouvement est rétif à toute classification politique. Députés LFI, communistes et socialistes doivent déposer lundi une motion de censure contre le gouvernement, qui devrait être débattue mercredi ou jeudi mais n'a aucune chance d'être adoptée. Depuis la Belgique, la présidente du RN Marine Le Pen, qui souhaite aussi une dissolution, a demandé à Emmanuel Macron des "réponses fortes" à la "souffrance" des "gilets jaunes". Une concertation de trois mois et demi doit démarrer samedi prochain dans toute la France, avec syndicats, élus locaux et "gilets jaunes". Le gouvernement s'y est engagé afin de dégager des "mesures d'accompagnement justes et efficaces".