Confronté depuis plus d'un mois à un mouvement de contestation qui a fait une vingtaine de morts, le président soudanais, Omar al-Bachir, a démenti avec vigueur les accusations, selon lesquelles les forces de l'ordre ont tué des manifestants et pointé du doigt les protestataires qui ont, de leur côté, reconnu avoir annoncé par "erreur" la mort d'un enfant, créant une situation de confusion. Le bilan officiel des troubles qui ont éclaté le 19 décembre dans le pays en signe de protestation contre la cherté de la vie est de 26 morts dont deux membres des forces de l'ordre soudanaises. Toutefois, des ONG internationales comme Human Rights Watch et Amnesty International ont elles évoqué 40 morts dont des enfants et du personnel médical, accusant les forces de l'ordre d'en être responsables. En réponse à ces accusations, le président al-Bachir assure lors d'un discours devant ses partisans, dans un village de l'Etat du Nil blanc (sud): "les forces de l'ordre soudanaises n'ont pas tué de manifestants lors des rassemblements antigouvernementaux". "Il y a certaines personnes (présentes) parmi les manifestants qui tuent les protestataires", a-t-il accusé citant l'exemple du médecin qui a été tué à Buri (quartier de l'est de Khartoum). D'après le chef de l'Etat, ce médecin "a été tué par une arme qui n'appartenait ni à l'armée, ni au Service national du renseignement et de la sécurité (NISS), ni à la police". Ce médecin, décédé jeudi à Khartoum lors de heurts entre la police et des manifestants, a été assassiné, insiste al-Bachir, par "quelqu'un présent parmi les manifestants". Quasi quotidiennes, les manifestations qui touchent plusieurs villes soudanaises dont la capitale Khartoum se sont vite transformées en mouvement de contestation du pouvoir en place. Dans ce contexte, Omar al-Bachir persiste et signe: "C'est le peuple soudanais qui choisira son président pendant les élections de 2020. Le chef de l'Etat soudanais, au pouvoir depuis 1989, a en outre admis que le pays traversait "une crise économique", en accusant les forces qui s'opposent au Soudan d'en être responsables. "Nous sommes soumis à un état de siège économique, médiatique et diplomatique, à la rébellion et à la guerre, toutes sortes de conspirations ont eu lieu contre nous", a-t-il regretté. Depuis le début des manifestations déclenchées par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, le président soudanais dénonce "une conspiration étrangère" contre son pays. "La conspiration externe se poursuit. Il y a eu un siège économique, et nous avons perdu notre principale ressource, le pétrole", avait dit début janvier le président al-Bachir, ajoutant cependant que "le Soudan reste inébranlable". M. al-Bachir s'était exprimé ainsi lorsqu'il s'est adressé à un rassemblement de syndicats des travailleurs soudanais et d'associations de femmes et de retraités dans le Hall de l'Amitié à Khartoum où il s'était également engagé à "relever le niveau de vie de son peuple en augmentant les salaires des travailleurs, en leur offrant des logements et en améliorant la situation des retraités", dans un geste d'apaisement de la situation dans le pays. Le Soudan est confronté, depuis l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, à une inflation de près de 70% par an et à une grave crise monétaire. Plusieurs villes souffrent de pénuries de pain et de carburant.
Mort de manifestants: "informations erronées" Dans la foulée des manifestations, des protestataires ont annoncé "par erreur" la mort d'un enfant à Khartoum lors des troubles avant de revenir sur leur annonce dimanche. Un comité de médecins organisateur de manifestations antigouvernementales au Soudan s'est excusé d'avoir annoncé par erreur la mort d'un enfant lors de protestations jeudi. "Nous nous excusons pour ce rapport erroné de la mort d'un enfant lors des manifestations de jeudi", a affirmé un comité de médecins membre de cette association en première ligne de la contestation au Soudan. Cette association regroupe également des professeurs et des ingénieurs. "Cette erreur a eu lieu car nous avons fait confiance à une source sure, mais nous enquêtons à présent sur cela", a dit ce comité, tout en confirmant le bilan des autorités faisant état de deux morts jeudi. "Un certain nombre de citoyens et de policiers ont été blessés lors des manifestations de jeudi", avait déclaré le lendemain Hashim Abdel-Rahim, porte-parole de la police soudanaise. Plus tard, une personne est décédée des suites de sa blessure, tandis qu'un autre blessé est décédé vendredi matin", avait-il ajouté. Le porte-parole avait déjà démenti les informations communiquées par certains organes de presse et médias sociaux selon lesquelles un garçon de 14 ans aurait été tué lors des manifestations de jeudi, affirmant que les reportages sur la mort de ce garçon étaient "sans fondement". Les forces de police n'ont pas tiré à balles réelles pour disperser les manifestants sur les lieux de rassemblements ni sur aucun autre site, avait-il réaffirmé.
37 perturbations de l'aide humanitaire signalées Au total, 37 incidents ayant perturbé l'accès à l'aide humanitaire ont été signalés en décembre 2018 au Soudan du Sud, avec une majorité d'incidents dans les régions du Nil Supérieur, de Jonglei et d'Equatoria-Central, a indiqué lundi l'agence humanitaire de l'ONU. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a déclaré dans un rapport publié à Juba que 46 % de ces incidents impliquaient des violences contre le personnel ou le matériel humanitaire. "La vaste majorité des incidents (65 %) se sont produits dans les régions du Nil Supérieur, de Jonglei et d'Equatoria-Central", a précisé l'OCHA. Selon l'agence de l'ONU, dans les trois comtés qui ont enregistré le plus grand nombre d'incidents - Rubkona, Maban et Fangak, les problèmes étaient liés à des obstacles bureaucratiques, ou à des stratégies de menace, d'intimidation ou de harcèlement du personnel. Le Soudan du Sud est resté embourbé pendant cinq ans dans un conflit qui a fait payer un très lourd tribut aux habitants du pays, créant l'une des pires crises de réfugiés au monde. Un accord de paix signé en août 2015 entre les dirigeants rivaux, sous la pression de l'ONU, a conduit à la mise en place d'un gouvernement d'union nationale provisoire en avril 2016. Cet accord a cependant volé en éclat lorsque les combats ont repris en juillet 2016. Les parties en conflit ont signé un accord de paix révisé en septembre dernier à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, et sont depuis soumises à une intense pression internationale pour respecter ce nouvel accord.