En désignant Christine Lagarde pour la présidence de la Banque centrale européenne (BCE), les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union ont fait le bon choix face aux défis auxquels est confrontée l'institution, estime JPMorgan Asset Management. L'actuelle directrice générale du Fonds monétaire international devrait succéder en novembre à Mario Draghi à la tête de la BCE dans un contexte marqué par le ralentissement de la croissance et une inflation encore éloignée de l'objectif que s'est fixé la banque centrale. Les chefs d'Etat et de gouvernements de l'UE ont aussi choisi la conservatrice allemande Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne, le libéral belge Charles Michel pour la présidence du Conseil et le socialiste espagnol Josep Borrell pour le poste de Haut représentant aux Affaires étrangères. Un "casting" équilibré et habile pour Vincent Juvyns, stratége de JPMorgan AM. "Que Mme Merkel sauve la face en plaçant finalement une personne de confiance à la Commission est une bonne chose", a-t-il dit lors d'une présentation mercredi à propos d'Ursula von der Leyen. Cette dernière, "bien qu'elle fasse partie du parti conservateur, a quand même des idées relativement progressistes qui satisferont la seconde formation politique au Parlement européen que sont les socialistes", explique-t-il. Quant à Christine Lagarde, qui a "brillé" ces dernières années au FMI selon lui, "elle est plutôt perçue comme quelqu'un qui ne sera pas un pur orthodoxe bancaire". "Elle aura à cœur plus la relance de l'économie que l'orthodoxie historique en terme de politique monétaire", prédit-il. Sur les marchés obligataires de la zone euro, les rendements étaient en nette baisse mercredi au lendemain de l'annonce officielle des choix des dirigeants de l'UE, les investisseurs y voyant un gage de poursuite de la politique monétaire ultra-accommodante conduite sous la présidence Draghi. Un jugement partagé par Vincent Juvyns, pour qui "Christine Lagarde a pour mandat d'accompagner la stabilisation de la dette des Etats et de maintenir un coût de service de la dette suffisamment bas pour, malgré l'endettement élevé, permettre aux Etats de faire de la relance budgétaire". Une relance qui ne serait pas un luxe pour la zone euro dont les résultats ne sont selon lui "guère brillants" malgré une relative résilience. JPMorgan AM reste d'ailleurs prudente sur les actions européennes, un compartiment sur lequel elle est sous-pondérée en raison de la faiblesse de la croissance, de la fragilité relative des banques et des risques politiques. La filiale de la banque américaine est plus largement sous-pondérée en actions et cherche des alternatives, dans l'obligataire d'abord, bien sûr, avec la perspective de baisses de taux de la Réserve fédérale, mais aussi dans des valeurs sûres comme le yen ou encore dans la titrisation immobilière aux Etats-Unis par exemple.
Lagarde plaît aux marchés mais des défis l'attendent Le choix de Christine Lagarde pour succéder à Mario Draghi à la tête de la Banque centrale européenne est salué mercredi par les investisseurs mais de nombreux observateurs font valoir qu'elle aura bien des défis à relever. Les chefs d'Etat et de gouvernement européens se sont entendus mardi pour proposer la candidature de la Française à la présidence de la BCE. La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) s'est dite "honorée" d'être choisie et a annoncé sa mise en retrait de ses fonctions actuelles pendant le processus de confirmation de sa nomination. "L'analyse à l'unanimité du Conseil a été que les capacités, les compétences de Mme Lagarde la qualifient totalement pour ce poste", a souligné Emmanuel Macron. Le président français a appuyé ses propos en faisant état de son expérience en France comme ministre de l'Economie et des Finances, au cours de laquelle elle avait eu à affronter la crise financière globale et la crise des dettes souveraines en zone euro. Les compétences démontrées ensuite par Christine Lagarde à la tête du FMI ont contribué à lui donner toutes les qualités requises pour maîtriser la politique monétaire et être crédible face aux marchés, a fait valoir Emmanuel Macron.
Pas de bouleversement en vue La réaction, mercredi, des marchés est très favorable, avec des Bourses dans le vert en Europe comme aux Etats-Unis. Les investisseurs s'attendent en effet à ce que la Française fasse sienne la posture pragmatique et accommodante qui a rendu si populaire Mario Draghi, dont le mandat s'achèvera fin octobre. L'espoir de mesures de soutien de la part de la BCE comme de la Réserve fédérale se traduit en outre par la poursuite du repli des rendements obligataires. "La nomination de Mme Lagarde ne devrait pas apporter de bouleversements dans la politique de la BCE", commente Andrea Ianelli, directeur des investissements obligataires chez Fidelity International. "Elle devrait suivre la voie tracée par Draghi. Sur le long terme, cependant, il lui faudra travailler dur pour faire en sorte que la crédibilité de la BCE demeure aussi forte que sous son prédécesseur."
Pas d'expérience en politique monétaire Même analyse du côté de Mark Haefele, directeur des investissements d'UBS Global Wealth Management, avec quelques réserves. "Si sa nomination était confirmée, Lagarde serait la première présidente de la BCE sans aucune expérience en matière de politique monétaire", dit-il. "Nous pensons que son expérience du management, notamment à la tête du FMI, l'aidera à diriger la BCE en tant qu'institution. De nombreux défis l'attendent toutefois. Le fait d'être considérée comme une candidate compétente ne fera pas nécessairement de l'Europe un endroit plus attrayant pour les investisseurs". Christine Lagarde n'aura en effet pas la tâche facile puisqu'elle héritera d'une économie de la zone euro à la santé fragile et d'une inflation qui reste inférieure à l'objectif de la banque centrale, à savoir un peu moins de 2%, soulignent plusieurs observateurs. L'accueil favorable des marchés s'explique en outre par le fait qu'ils redoutaient de voir surgir un candidat partisan d'une politique monétaire restrictive, comme par exemple le président de la Bundesbank, Jens Weidmann. Christine Lagarde était rarement citée parmi les favoris pour succéder à Mario Draghi, de nombreux observateurs pariant plutôt sur le Finlandais Erkki Liikanen ou encore le Français François Villeroy de Galhau. "Le choix de Christine Lagarde n'était pas vraiment attendu parce qu'elle n'est pas une banquière centrale et manque de références en tant qu'économiste", juge l'économiste Angel Talavera, spécialiste de la zone euro chez Oxford Economics. "Toutefois, en raison de son expérience en politique, puis à la tête du FMI, elle devrait être capable d'obtenir un consensus auprès du Conseil des gouverneurs. Elle est aussi habile en matière de communication, ce qui est une qualité fondamentale pour ce poste."
Vers un nouveau QE ? La probable nomination de la Française à la tête de la BCE renforce le scénario de la mise en œuvre par l'institution de Francfort d'un nouveau programme d'assouplissement quantitatif, (quantitative easing (QE)) écrivent pour leur part les analystes de Morgan Stanley. Ce point de vue est partagé par Ben Lord, gérant du fonds UK Inflation Linked Corporate, qui va plus loin puisqu'il juge Christine Lagarde plus accommodante encore que son prédécesseur. "L'annonce de la nomination de Christine Lagarde à la présidence de la BCE rend encore plus probable un assouplissement de la politique monétaire de la banque centrale cette année", dit-il. "La nomination d'un président plus 'hawkish' aurait représenté un risque significatif pour le marché, mais Lagarde est probablement plus 'dovish' que le président sortant lui-même", ajoute-t-il. La Française pourrait même, selon lui, être capable de rallier l'Allemagne à la cause de la dépense budgétaire. L'ex-ministre des Finances fait partie d'un quatuor de personnalités de compromis choisies pour diriger les grandes institutions européennes, avec notamment l'Allemande Ursula von der Leyen, promise à la présidence de la Commission européenne. Les analystes de Morgan Stanley se réjouissent de ce dernier choix, susceptible, selon eux, de faire avancer la cause de l'intégration européenne.