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France: Un ex-chiraquien social aux manettes des retraites
Publié dans Le Maghreb le 05 - 09 - 2019

Jean-Paul Delevoye, soutien de la première heure d'Emmanuel Macron, pourra, grâce à son entrée au gouvernement, défendre devant le Parlement la délicate réforme des retraites dont il mène depuis 18 mois les concertations.

Il devrait participer au séminaire gouvernemental qui doit se tenir mercredi et assister, comme prévu, aux rencontres bilatérales de jeudi et vendredi entre les partenaires sociaux et le Premier ministre pour la mise en place d'un régime universel en points, remplaçant les 42 régimes existants.
La nomination de cet ancien ministre de Jacques Chirac ajoute à l'image d'ouverture qu'entend donner un gouvernement échaudé par la crise des "Gilets jaunes", dont Emmanuel Macron a mis plus de six mois à apaiser, du moins temporairement.
Médiateur de la République (aujourd'hui devenu Défenseur des droits) de 2004 à 2011, puis président du Conseil économique social et environnemental (CESE) de 2010 à 2015, Jean-Paul Delevoye est considéré dans le milieu social comme "un homme de dialogue" qui "recherche le consensus".
"C'est lui qui connaît le mieux le sujet. Ça fait 18 mois qu'il concerte avec les organisations syndicales. Moi je préfère discuter avec les gens qui connaissent très très bien le sujet", a dit le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, sur RMC.
Pour le secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO), Philippe Pihet, il va falloir qu'il fasse preuve de "beaucoup de pédagogie et de souplesse".
Même si le Haut-commissaire à la réforme des retraites s'est montré à l'écoute, il n'a jamais abordé les "sujets qui fâchent", dit-il à Reuters, ce qui explique que le syndicat ait quitté la table des concertations en avril dernier.
Maire de Bapaume (Pas-de-Calais) de 1982 à 2014, avec une interruption de deux ans, député du Pas-de-Calais de 1986 à 1988 puis sénateur de ce même département de 1992 à 2002, cet ancien négociant en aliments pour bétails est nommé ministre de 2002 à 2004 pour porter la réforme de l'ENA et celle de la retraite des fonctionnaires.

L'aile gauche des marcheurs conquise
Il s'était auparavant fait connaître du grand public en disputant en 1999 sans succès la présidence du RPR à une candidate plus libérale, Michèle Alliot-Marie.
Peu attaché aux étiquettes, il soutient un candidat socialiste pour lui succéder aux élections municipales de 2014, ce qui lui vaut une exclusion de l'UMP.
Il rallie Emmanuel Macron en 2016 lorsque qu'Alain Juppé perd les primaires de la droite et prend la présidence de la Commission nationale d'investiture (CNI) chargée de sélectionner les candidats du parti En marche aux élections législatives. "Cette nomination est une très bonne nouvelle pour la majorité", a dit à Reuters le député La République en marche (LaRem) Aurélien Taché. "Beaucoup d'entre nous savent quelque part que nous lui devons notre investiture. Comment voulez-vous ne pas faire confiance à quelqu'un qui lui-même vous a fait confiance?" Cette nomination permet également de rassurer l'aile gauche de la majorité présidentielle, à laquelle appartient le député, peu enthousiaste à l'idée de décaler l'âge légal de départ à la retraite, aujourd'hui fixé à 62 ans. Jean-Paul Delevoye a menacé en avril dernier de démissionner lorsque certains ministres ont ouvert la porte à une modification de cette borne symbolique, ce qui aurait représenté une rupture par rapport à une promesse de campagne d'Emmanuel Macron.
"Jean-Paul Delevoye a défendu (l'option) qui, pour une large part de la majorité, était la seule possible", a dit Aurélien Taché.
Le Haut-commissaire doit maintenant convaincre sur le long terme. Ses propositions dévoilées à la mi-juillet, ont reçu un accueil favorable du Medef, mais mitigé de la CFDT et hostile de la CGT et de FO. Une concertation citoyenne qui pourrait s'étaler sur un an doit encore s'ouvrir. Emmanuel Macron a ainsi semblé désavouer fin août un volet central de ses propositions, l'instauration d'un âge pivot à 64 ans pour le départ à la retraite sans décote, le président disant lui préférer la piste de la durée de cotisation.

Le "Monsieur retraites"
Le Haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a fait son entrée mardi au gouvernement au côté de la ministre des Solidarités Agnès Buzyn, à deux jours de la reprise des négociations entre exécutif et partenaires sociaux sur ce dossier potentiellement explosif.
Un communiqué de l'Elysée a officialisé cette nomination, annoncée plus tôt dans la journée par l'intéressé dans un entretien à la Voix du Nord.
"Il était logique qu'ayant commencé comme Haut-commissaire, je poursuive mon travail comme tel", déclare l'ancien président du Conseil économique, social et environnemental (Cese). "Je garde la même équipe, le même lieu, pour être l'interlocuteur privilégié des partenaires et écrire la future loi".
La présidence a également annoncé la nomination du député La République en marche (LaRem) Jean-Baptiste Djebbari au poste de secrétaire d'État chargé des Transports au sein de l'équipe dirigée par la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne.
Ce remaniement "technique" intervient à la veille du conseil des ministres et du séminaire gouvernemental à l'Elysée.
Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, le projet de loi sur la réforme des retraites vise à créer un système universel par points "plus lisible et plus équitable" en 2025 dans lequel "un euro cotisé donne les mêmes droits".
Signe de la sensibilité du sujet - les différentes tentatives de réforme ont donné lieu à d'importants mouvements sociaux et manifestations massives en France notamment en 1995 et en 2003 -, l'exécutif s'est engagé à une longue concertation pour en définir les paramètres.
Encore récemment, l'exécutif espérait mettre rapidement la dernière main à son texte, afin de le présenter en conseil des ministres à la fin de l'année et de le faire voter en 2020.
Mais ce calendrier pourrait être chamboulé par la "concertation citoyenne" qui pourrait s'étaler sur un an et qui doit servir à recueillir l'avis des Français sur les pistes avancées en juillet par Jean-Paul Delevoye au terme d'un premier travail de concertation de 18 mois avec les partenaires sociaux.

"La loi s'écrit en marchant"
Une nouvelle série de consultations est prévue jeudi et vendredi à Matignon entre les partenaires sociaux et un exécutif qui avance à pas mesurés pour s'épargner une nouvelle crise sociale après le mouvement des "Gilets jaunes".
Promettant une "grande négociation" et un "grand débat", Emmanuel Macron a créé la surprise la semaine dernière en marquant sa préférence pour un compromis sur la durée de cotisation plutôt que l'âge.
Cette position, à rebours des préconisations de Jean-Paul Delevoye, entérinées par Matignon, n'enterre nullement l'idée d'un âge pivot, a précisé toutefois par la suite la porte-parole du gouvernement.
"La position d'Emmanuel Macron fait partie du débat", estime Jean-Paul Delevoye dans les colonnes de La Voix du Nord. "La loi s'écrit en marchant. Il faut considérer que la solution est à trouver entre deux".
"La confiance que me montre le président par ma nomination montre en réalité qu'il nous faut réapprendre en France la culture de la controverse", poursuit-il. "Le président n'est pas lié par mon rapport. Il apporte sa clarification".

Remaniement avant les municipales ?
Figure remarquée du parti présidentiel depuis son entrée à l'Assemblée nationale au printemps 2017, Jean Baptiste Djebbari s'occupera des Transports au sein de l'équipe d'Elisabeth Borne, qui compte aussi Emmanuelle Wargon et Brune Poirson.
A 37 ans, l'élu de la Haute-Vienne, ancien pilote de ligne, a notamment été le rapporteur du projet de loi sur le "nouveau pacte ferroviaire" en 2018 et était porte-parole du groupe LaRem à l'Assemblée nationale.
Le 21 août, Emmanuel Macron avait exprimé le souhait, lors d'une rencontre avec l'Association de la presse présidentielle à Paris, de changer de méthode afin d'être mieux compris des Français, sans forcément modifier son gouvernement.
"Si je pensais qu'il fallait réorganiser le gouvernement pour porter cet agenda, je l'aurais fait au mois d'avril" au moment du lancement de "l'acte II" de son quinquennat, avait-il dit. "On a souvent pensé dans notre pays qu'on réglait le fond des problèmes en apportant une réponse avec des noms en quelque sorte ou des changements de case. Non".
Selon une source parlementaire, "un grand remaniement" pourrait toutefois être décidé "avant les élections municipales" de mars prochain. "C'est pour envoyer un signe, là il est trop tôt", estime cette source. Quant à un changement de Premier ministre, "ce n'est pas un sujet et ce n'est pas nécessaire".


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