Les cartographies produites par la NASA permettent de se rendre compte de la diminution du dioxyde d'azote en Chine suite à l'épidémie de COVID-19. Par Carole Deniel, Centre national d'études spatiales (CNES). Les images de la diminution de la pollution atmosphérique suite à la crise sanitaire liée au nouveau coronavirus en Chine sont frappantes car elles illustrent à quel point les activités humaines ont un impact sur la qualité de l'air que nous respirons. Sur les cartographies produites par la NASA, issues des données de satellites européens et américains, que voit-on ? Un " nuage " orange représente la quantité en dioxyde d'azote (NO2) contenu dans l'air au-dessus de la Chine en janvier 2020. Le dioxyde d'azote est relâché dans l'air principalement par les véhicules et les installations industrielles, et peut causer des problèmes respiratoires. Un mois plus tard, le " nuage " a quasiment disparu de la même zone... En cause ? Une forte baisse de l'activité du pays, liée à l'épidémie de Covid-19 et au confinement d'une partie de la population chinoise. Des équipes du CNRS ont également mis évidence la diminution de la quantité de monoxyde de carbone (CO) dans l'air au-dessus de la Chine et du nord de l'Italie en février 2020 comparé aux années précédentes, grâce aux données d'un autre satellite Monoxyde de carbone mesuré par la mission satellite IASI en Chine (à gauche) et en Italie (à droite). Comme ce gaz persiste plusieurs semaines dans l'atmosphère, l'impact ne se limite pas aux zones confinées mais s'étend aussi aux alentours. Maya George (LATMOS/CNRS), Authorprovided Les satellites sont régulièrement témoins d'évènements soudains ou extrêmes : ce fut le cas récemment avec le suivi des panaches atmosphériques émis par les feux intenses d'Australie. Ce peut-être également le cas lors de fortes éruptions volcaniques (on se souvient l'éruption de l'Eyjafjöll en 2010 qui avait paralysé une partie du trafic aérien) ou de pics de pollution (ozone, méthane, ammoniac) au-dessus de mégapoles ou de sites industriels.
Les satellites scrutent la composition de l'atmosphère Acquises grâce à des instruments placés en orbite autour de la Terre à plus de 800 kilomètres au-dessus de nos têtes, ces observations sont précieuses pour surveiller l'équilibre physico-chimique de notre atmosphère sur chaque point du globe et en quasi temps réel. Toutes les altérations de l'équilibre atmosphérique ont des impacts majeurs sur notre environnement et bien sûr, notre santé et nos modes de vie. Dès les années 1980, les observations ont permis de détecter et comprendre la détérioration de la couche d'ozone, cette partie de la stratosphère qui nous protège des ultraviolets du Soleil. Les pratiques industrielles responsables de ce phénomène ont pu être modifiées pour que l'anomalie - qui aurait pu être fatale à terme à toute vie sur Terre - soit " corrigée ". La tendance a été inversée et on attend un retour à la normale sur la couche d'ozone d'ici 2050. Aujourd'hui, les émissions dans l'atmosphère de gaz à effets de serre additionnels (principalement le dioxyde de carbone et le méthane), liées notamment aux industries utilisant les énergies fossiles et à la déforestation, provoquent l'augmentation de la température, bouleversant ainsi l'équilibre fragile de notre système Terre tout entier. Également, les émissions de polluants ou de particules plus ou moins fines sont responsables de la dégradation de la qualité de l'air dont les conséquences sur la santé humaine (ou plus généralement animale) et les écosystèmes sont avérées. Pourtant, les solutions pour inverser ces tendances néfastes n'ont pas encore été mises en œuvre et l'apport d'observations pour comprendre toujours plus et quantifier précisément doit servir nos décideurs à trouver les bons compromis entre les mesures environnementales, économiques et politiques.
Faire l'inventaire des émissions grâce aux observations satellitaires L'Union européenne a mis en place un vaste programme de surveillance de l'environnement baptisé Copernicus. Celui-ci comprend une forte composante spatiale pilotée par l'Agence spatiale européenne (ESA), " les sentinelles " chargées d'observer en continu les variables climatiques essentielles de notre planète. Pour l'atmosphère, il s'agit notamment d'une série de spectromètres embarqués soit en orbite basse (autour de 800 km d'altitude) ce qui permet une observation de tous les points du globe au moins 2 fois par jour, soit en orbite géostationnaire (à 36 000 km d'altitude) pour un suivi en continu d'une zone fixée, en l'occurrence l'Europe. Un spectromètre permet de mesurer différents éléments dans l'atmosphère. Les mesures obtenues depuis l'espace viennent ainsi compléter les mesures faites au sol qui présentent l'avantage de fournir des données souvent plus précises de manière très locale, tandis que les mesures satellites apportent une meilleure couverture spatiale temporelle, utiles par exemple pour suivre le transport des panaches de pollution. L'autre avantage des observations satellitaires est leur capacité à nous renseigner sur la composition atmosphérique dans des régions isolées et très peu couvertes par des réseaux de mesures sol. Ces observations satellitaires sont donc importantes et servent notamment à contraindre les inventaires d'émissions, valider nos connaissances sur les processus physico-chimiques de l'atmosphère en étant comparées aux simulations des modèles, et à améliorer la prévision et le suivi des pics de pollution en étant assimilées dans les modèles dédiés.