Les pays membres de l'Union européenne ont finalement trouvé un terrain d'entente, notamment avec les Pays-Bas. Aucune décision n'a en revanche été prise sur les "coronabonds". Après une première réunion infructueuse mardi, puis des échanges tendus, les ministres européens des Finances sont finalement parvenus à s'entendre jeudi sur une réponse économique commune face au coronavirus, trouvant un terrain d'entente avec les Pays-Bas, longtemps inflexibles. "La réunion s'est achevée sous les applaudissements des ministres", a annoncé sur Twitter le porte-parole du président de l'Euro groupe aux alentours de 22H00 (20H00 GMT). Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a lui salué un "excellent accord", incluant "500 milliards d'euros disponibles immédiatement" et "un fonds de relance à venir". Ce consensus constitue un soulagement pour les Européens qui parviennent à afficher une unité face aux conséquences économiques désastreuses du virus, après des semaines d'atermoiements mettant en évidence une fracture béante entre les pays du Nord et ceux du Sud.
La question des "coronabonds" pas tranchée Face à la pandémie, la réponse européenne doit s'orienter sur trois axes principaux : jusqu'à 240 milliards d'euros de prêts du fonds de secours de la zone euro, un fonds de garantie de 200 milliards d'euros pour les entreprises et jusqu'à 100 milliards pour soutenir le chômage partiel. La brûlante question des "coronabonds", destinés à soutenir l'économie à plus long terme après la crise, considérée comme moins urgente, n'a pas été tranchée jeudi. Les chefs d'Etat et de gouvernement, qui n'étaient eux-mêmes pas parvenus à s'entendre lors d'un sommet le 26 mars, devront encore valider ces propositions. Une réponse unitaire était d'autant plus indispensable que l'économie européenne se dirige en 2020 vers une profonde récession, le Fonds monétaire international estimant même que le coronavirus pourrait engendrer au niveau mondial "les pires conséquences économiques depuis la Grande Dépression" de 1929. Les contacts bilatéraux s'étaient multipliés depuis deux jours, avec la "volonté d'aboutir à un compromis avant la réunion" par visioconférence, initialement programmée à 17H00 (15H00 GMT), mais qui n'a débuté qu'à 21H30 (19H30).
Les Pays-Bas pointés du doigt Mercredi matin, après seize heures d'échanges stériles, La Haye avait été unanimement critiquée pour son inflexibilité, un blocage qualifié de "contreproductif" et "incompréhensible" par la présidence française. Les Etats membres reprochaient aux Pays-Bas --soutenus, selon une source européenne, par l'Autriche, la Suède et le Danemark-- de bloquer l'activation du Mécanisme européen de stabilité (MES) en conditionnant strictement les prêts que pourrait octroyer ce fonds de secours de la zone euro à des réformes économiques. Une telle "conditionnalité", qui renverrait à l'époque où la Grèce a été contrainte de mettre en œuvre des réformes parfois douloureuses en échange d'argent frais, aurait été vécue comme une humiliation par Rome et Madrid, les deux pays européens pour l'instant les plus touchés par l'épidémie. Créé en 2012 lors de la crise de la dette et financé par les Etats membres, le MES pourrait prêter aux Etats jusqu'à 2% de leur PIB, soit jusqu'à 240 milliards d'euros pour l'ensemble de la zone euro. L'ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, s'est invité jeudi dans le débat, jugeant "irresponsable" l'attitude des Pays-Bas, dans le quotidien Libération
La mutualisation des dettes, une ligne rouge pour Berlin Les pays les plus affectés par le virus, en particulier l'Italie, réclament la création d'un "fonds" de relance qui puisse être financé par de la dette commune, sous la forme d'euro-obligations parfois appelées "coronabonds" ou "eurobonds". Parmi ces pays figurent aussi l'Espagne et la France, ainsi que la Grèce, Malte, le Luxembourg ou l'Irlande, selon des sources concordantes. Or, la mutualisation des dettes constitue une ligne rouge pour Berlin et La Haye, qui refusent de s'inscrire dans une démarche commune avec les Etats très endettés du Sud, jugés laxistes dans leur gestion. Le texte final évoque un "fonds de relance" dont "les aspects juridiques et pratiques", notamment le "financement" devra encore être défini. Les deux autres axes de réponse des Européens face au virus étaient plus consensuels: un fonds de garantie de la Banque européenne d'investissement (BEI) permettant de mobiliser jusqu'à 200 milliards d'euros pour les entreprises et une garantie de 100 milliards d'euros maximum de la Commission européenne pour soutenir les plans nationaux de chômage partiel.