L'ancien ministre des Affaires étrangères algérien, Ramtane Lamamra, a fait part, jeudi 16 avril, au secrétaire général des Nations unies du "retrait de son acceptation de principe" de sa nomination en qualité de représentant spécial en Libye. Alger dénonce la récupération de l'affaire Lamamra par certains pays pour attaquer sa diplomatie. Ramtane Lamamra, diplomate de carrière, ancien ministre des Affaires étrangères de 2013 à 2017 et vice-premier ministre durant les quelques semaines qui ont précédé la chute du Président Abdelaziz Bouteflika, a fait part de sa décision de refuser la proposition du secrétaire général des Nations unies, António Guterres, de le nommer représentant spécial et chef de la Mission d'appui des Nations unies en Libye. Ce jeudi 16 avril, dans une lettre publiée par l'agence officielle algérienne APS, Lamamra a indiqué que l'initiative de cette désignation avait été prise par "le secrétaire général des Nations unies, le 7 mars 2020", à laquelle il a donné son accord de principe dans un esprit d'engagement en faveur du peuple libyen frère ainsi qu'envers les organisations universelle et régionales concernées par la résolution de la crise libyenne. "Les consultations d'usage auxquelles procède M. Guterres depuis lors ne semblent pas susceptibles d'aboutir à l'unanimité du Conseil de sécurité et d'autres acteurs qui est indispensable à l'accomplissement de la mission de paix et de réconciliation nationale en Libye. En conséquence, je compte, au cours d'un entretien téléphonique dans les prochaines heures avec le secrétaire général des Nations unies, réitérer mes remerciements à M. Guterres pour le choix qu'il a porté sur ma personne et lui exprimer mon regret de devoir lui notifier le retrait de mon acceptation de principe de sa proposition que je lui avais donnée le 7 mars dernier", indique le diplomate algérien.
"Campagne anti-Algérie" En évoquant "l'unanimité du Conseil de sécurité", Lamamra fait référence aux États-Unis d'Amérique, seul État membre de l'organe exécutif de l'ONU à s'être opposé à sa nomination. Quant aux "autres acteurs", il s'agit des puissances étrangères engagées en Libye. Dans ce cas précis, Lamamra fait essentiellement allusion aux Émirats arabes unis, à l'Égypte et au Maroc qui ont "influencé" le choix de Washington. Une source diplomatique algérienne qui a requis l'anonymat estime qu'à la suite de "ces interférences", une campagne contre l'Algérie a été déclenchée afin de "saboter le plan de sortie de crise en Libye" proposé par le gouvernement d'Abdelmadjid Tebboune. "C'est sur l'insistance des Émirats arabes unis, de l'Égypte et du Maroc -pays qui a été écarté du dossier libyen- que les Américains ont rejeté la candidature de Lamamra. Les Émiratis et les Égyptiens ont dit qu'ils ne voulaient pas que le successeur du Libanais Ghassan Salamé soit de la région du Maghreb. Ils tentent d'imposer l'ancien ministre jordanien de l'Intérieur Samir Habachna. Mais le souci, c'est que cette affaire a été l'occasion pour certaines parties de mener une attaque en règle contre l'Algérie et sa diplomatie et contre le plan de sortie de crise algérien qui prône une solution pacifique et politique de la crise libyenne en dehors de toute intervention étrangère dans ce pays", indique notre interlocuteur.
La colère d'Alger L'élément apparent de cette campagne qui a provoqué l'ire d'Alger est sans nul doute cet article du quotidien Le Monde publié le 14 avril. Plusieurs passages ont fait grincer des dents en haut lieu, notamment celui-ci : "Des pays ont émis des réserves non pas sur la personne de Lamamra mais sur sa nationalité, observe une source française. Ils estiment que ce serait rajouter à la complexité du dossier que de nommer un médiateur représentant un pays contigu à la Libye." Ou encore cette insinuation relative au Président Denis Sassou-Nguesso, qui dirige le Comité de haut niveau pour la Libye de l'Union africaine, lequel aurait vu d'un mauvais œil la candidature de Lamamra. "C'est totalement faux, le Président Sassou-Nguesso fait partie des personnalités qui ont encouragé Lamamra à accepter ce poste", insiste la source diplomatique algérienne. Journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de l'Algérie, Farid Alillat estime que la lettre rendue publique est une réponse officielle à cet article. "Dans cette lettre de retrait, qui intervient 48h après la publication du quotidien Le Monde, Lamamra confirme qu'il n'était pas demandeur de ce poste. Ce qui prouve également qu'il jouit du soutien du gouvernement algérien puisqu'elle a été diffusée par la très officielle agence APS. Il est certain que la publication du Monde n'a pas du tout été appréciée par les Algériens", explique Farid Allilat. Pendant ce temps, la Libye connaît depuis quelques jours une intensification des combats dans le cadre de l'offensive lancée depuis une année par les forces du maréchal Khalifa Haftar contre la capitale Tripoli où siège le gouvernement d'union nationale (GNA) dirigé par Fayez el-Sarraj. En plus de cette escalade, le pays fait face à une crise sanitaire due à la propagation du Covid-19. Mercredi 15 avril, le GNA a annoncé l'entrée en vigueur d'un confinement de dix jours à Tripoli et dans les zones qu'il contrôle à l'ouest du pays. La Libye enregistre jusqu'à présent 48 cas de coronavirus et un décès.