Le président de l'Amicale des Algériens en Tunisie est un témoin de la révolution du Jasmin. Il nous parle dans cet entretien de la situation des milliers d'Algériens sous le régime déchu de Ben Ali, les contraintes qu'ils subissaient et les aspirations qu'ils nourrissent à la lumière de la Révolution historique des Tunisiens. Un passé sombre et un avenir prometteur pour la plus grande communauté étrangère au pays de Bourguiba. Suivons le récit détaillé de Chakib Djouhri... Le président de l'Amicale des Algériens en Tunisie est un témoin de la révolution du Jasmin. Il nous parle dans cet entretien de la situation des milliers d'Algériens sous le régime déchu de Ben Ali, les contraintes qu'ils subissaient et les aspirations qu'ils nourrissent à la lumière de la Révolution historique des Tunisiens. Un passé sombre et un avenir prometteur pour la plus grande communauté étrangère au pays de Bourguiba. Suivons le récit détaillé de Chakib Djouhri... Midi Libre : Comment présenteriez-vous l'Amicale auxlecteurs? Chakib Djouhri : Je veux d'abord parler de l'historique de la communauté algérienne en Tunisie. Elle s'est formée au cours du siècle dernier, au fil des révoltes et des mouvements d'exode qu'effectuaient certaines tribus algériennes vers la Tunisie voisine, durant les premiers mois de l'invasion française en 1830, le temps des révoltes de l'émir Abdelkader et de Bouaâmama. C'est une communauté qui remonte au moins à plus d'un siècle. Il y a eu certaines vagues qui ont suivi pendant la Révolution, notamment les réfugiés des frontières algéro-tunisiennes, mais la plupart ont regagné le pays en 1962 au lendemain du recouvrement de l'indépendance. Cependant, cette communauté qui s'est formée au fil des années n'a pas renié ses origines algériennes. Pour revenir à l'Amicale, c'est la seule association algérienne existant dans les pays arabes. Elle a été créée à l'initiative de certains citoyens, auxquels nous rendons honneur aujourd'hui. C'est des citoyens qui ont eu le souhait de faire connaître la culture et l'identité algériennes et tisser des liens avec leurs frères tunisiens. C'est une association à caractère culturel agréée par l'Etat tunisien en 1997. Le contexte algérien des années 90, lié à la violence terroriste, a fait que l'Amicale a joué un rôle important de solidarité envers les Algériens de Tunisie. Elle a effectué des actions d'aide et de secours, la scolarisation des enfants, la prise en charge de certaines catégories sociales défavorisées. Il faut néanmoins préciser que notre association, bénéficiait, lors des premières années de sa création, du soutien de certaines entreprises mixtes algéro-tunisiennes. Deux entreprises et une banque installées en Tunisie contribuaient au financement de notre association. En 2006 et 2007, ces soutiens ont cessé après la liquidation de ces entreprises sur décision commune des Etats algérien et tunisien. A présent, nous fonctionnons uniquement sur la base des cotisations des adhérents. Nous avons soumis des demandes aux deux Etats pour le financemant au moins de l'entretien du siège qui est un bien historique algérien, abritant le siège du ministère de la Communication assuré par M'hamed Yazid du temps du GPRA. C'est également le siège du premier consulat algérien en Tunisie. Quelles sont les préoccupations de la communauté algérienne en Tunisie ? C'est un très grand dossier. Tout le monde le sait, la Tunisie a de très gros problèmes d'emploi. Il y a des problèmes aussi liés à la nature même de l'ancien régime tunisien. En 2003, en tant que député représentant les ressortissants algériens dans les pays arabes et en Afrique, j'ai rédigé un rapport détaillé sur les problèmes auxquels est confrontée notre communauté, notamment en Tunisie. Il faut distinguer les problèmes internes liés à l'administration algérienne et d'autres liés au pays hôte. Enormément d'avancées ont été cependant réalisées depuis la visite du président de la République Abdelaziz Bouteflika en Tunisie. Des avancées notables ont été réalisées depuis. Toujours est-il que nous avons soulevé à l'époque des problèmes juridiques liés à la nationalité des Algériens nés de mère algérienne et de père étranger, problème réglé en 2006 suite aux amendements introduits sur la loi relative à la nationalité, car nous avons une communauté notamment aux frontières avec le Maroc, à Oujda précisément, essentiellement constituée de femmes mariées à des Marocains. C'est une injustice réparée, puisqu'il y avait risque de perdre notre progéniture qui n'avait pas le droit d'embrasser la nationalité algérienne. Déjà, nous avons un traité de droit d'établissement signé en 1963 entre l'Algérie et la Tunisie. Certains textes qui découlaient directement de ce traité n'ont pas été respectés par la partie tunisienne. Une principale contrainte ? Le régime tunisien de l'époque avait une approche purement sécuritaire vis-à-vis de la communauté algérienne. Pour illustrer cela, le dossier de la communauté algérienne ne relevait jamais du ministère des AE tunisien. Nous avons même remarqué lors des commissions mixtes, que l'interlocuteur tunisien dans le dossier de la communauté était le ministère de l'Intérieur et des cadres chargés de la question sécuritaire. L'ancien régime pensait peut-être que le vent de la révolte viendrait de l'Algérie. Ils ont fait erreur, puisque ce qui s'est passé est purement interne. Cette approche a fait que la communauté algérienne a été constamment mise sous pression. Une pression qui a fini par donner ses fruits, puisque beaucoup d'Algériens ont fini par perdre leurs emplois et fermé boutiques, alors que nous avons des agriculteurs, des propriétaires terriens et des commerçants partout sur le sol tunisien. Ils se sont faits spolier de leurs biens et de leurs terrains, vu qu'on n'avait le droit ni à la propriété ni au travail, en contradiction avec les accords bilatéraux et vis-à-vis même de la législation tunisienne. L'Administration transgressait sa propre législation quand il s'agissait d'Algériens. Elle refusait ostensiblement d'appliquer certaines décisions judiciaires au profit des Algériens. Les étudiants ne pouvaient pas poursuivre leurs études au-delà du premier cycle parce qu'il n'étaient pas tunisiens. Cependant, la Tunisie a également une forte communauté en Algérie, et qui connaît les mêmes problèmes, vu que notre pays applique la réciprocité. Quelles solutions préconisez-vous dans le cadre de l'Amicale? C'est l'ouverture des voies de coopération et un dialogue serein entre concernés. La haute commission mixte algéro-tunisienne se tient régulièrement. Elle devrait se tenir incessamment cette année. Nous souhaitons que les dossiers liés au volet communautaire, propriété et cartes de séjour, entre autres, soient réglés au plus vite. Je suis sûr que les autorités algériennes veillent sur l'intégrité morale et physique de ses ressortissants où qu'ils soient. C'est la ligne directrice de notre diplomatie. Néanmoins, l'Amicale n'a pas la prétention de représenter tous les Algériens vivant en Tunisie. Notre association, à caractère culturel je le réitère, a pour mission de lier des relations entre la communauté algérienne et les Tunisiens. A cet effet, et malgré nos moyens qui sont très réduits, nous avons effectué plusieurs rencontres lors des célébrations historiques et religieuses. Nous avons rencontré les ministères de tutelle et organisé des séminaires et des universités d'été au profit de notre communauté. C'est l'Amicale qui représente la communauté lors de certaines célébrations. Nous tenons toujours à être présents lors de la Semaine culturelle algérienne en Tunisie. Nous avons des membres sur tout le territoire tunisien et même des binationaux qui nous servent un peu de relais avec nos frères tunisiens. Il y a eu même une thèse qui a été déposée à l'université de Tunis qui porte sur la communauté algérienne en Tunisie, présentée par un Algérien qui a la double nationalité et qui a fait une recherche poussée sur la constitution de notre communauté au fil de l'histoire. Comment les Algériens vivent-ils la transition en Tunisie ? Il y a eu un seul Algérien tué, mais il n'avait pas été ciblé en tant qu'Algérien. Il est issu d'une famille qu'on connaît bien et qui vit dans un quartier populaire chaud, où l'on déplore plusieurs décès d'ailleurs, tellement la répression a été terrible. Cet Algérie a trouvé la mort devant la porte de sa maison. Sinon, aucune victime parmi les Algériens lors de la révolte. Au début, on avait peur que notre communauté ne soit visée, car une simple manipulation pourrait retourner la population contre nos ressortissants, d'autant que les régions d'où avait commencé la révolte renferment beaucoup d'Algériens. Néanmoins, cette phase est dépassée. Il y a eu beaucoup de changement. Il y a une réelle volonté de rupture avec l'ancien régime. Je suis sûr que la Tunisie se dirige vers un Etat de droit. Un dernier mot ? Je l'adresserai à notre communauté pour dire qu'une nouvelle ère s'ouvre pour elle. J'espère que cette ère s'inscrive sous le signe de la confiance, en continuité de la conviction de notre Etat de sauvegarder l'intégrité de notre communauté où qu'elle soit et veiller à son bien-être. Midi Libre : Comment présenteriez-vous l'Amicale auxlecteurs? Chakib Djouhri : Je veux d'abord parler de l'historique de la communauté algérienne en Tunisie. Elle s'est formée au cours du siècle dernier, au fil des révoltes et des mouvements d'exode qu'effectuaient certaines tribus algériennes vers la Tunisie voisine, durant les premiers mois de l'invasion française en 1830, le temps des révoltes de l'émir Abdelkader et de Bouaâmama. C'est une communauté qui remonte au moins à plus d'un siècle. Il y a eu certaines vagues qui ont suivi pendant la Révolution, notamment les réfugiés des frontières algéro-tunisiennes, mais la plupart ont regagné le pays en 1962 au lendemain du recouvrement de l'indépendance. Cependant, cette communauté qui s'est formée au fil des années n'a pas renié ses origines algériennes. Pour revenir à l'Amicale, c'est la seule association algérienne existant dans les pays arabes. Elle a été créée à l'initiative de certains citoyens, auxquels nous rendons honneur aujourd'hui. C'est des citoyens qui ont eu le souhait de faire connaître la culture et l'identité algériennes et tisser des liens avec leurs frères tunisiens. C'est une association à caractère culturel agréée par l'Etat tunisien en 1997. Le contexte algérien des années 90, lié à la violence terroriste, a fait que l'Amicale a joué un rôle important de solidarité envers les Algériens de Tunisie. Elle a effectué des actions d'aide et de secours, la scolarisation des enfants, la prise en charge de certaines catégories sociales défavorisées. Il faut néanmoins préciser que notre association, bénéficiait, lors des premières années de sa création, du soutien de certaines entreprises mixtes algéro-tunisiennes. Deux entreprises et une banque installées en Tunisie contribuaient au financement de notre association. En 2006 et 2007, ces soutiens ont cessé après la liquidation de ces entreprises sur décision commune des Etats algérien et tunisien. A présent, nous fonctionnons uniquement sur la base des cotisations des adhérents. Nous avons soumis des demandes aux deux Etats pour le financemant au moins de l'entretien du siège qui est un bien historique algérien, abritant le siège du ministère de la Communication assuré par M'hamed Yazid du temps du GPRA. C'est également le siège du premier consulat algérien en Tunisie. Quelles sont les préoccupations de la communauté algérienne en Tunisie ? C'est un très grand dossier. Tout le monde le sait, la Tunisie a de très gros problèmes d'emploi. Il y a des problèmes aussi liés à la nature même de l'ancien régime tunisien. En 2003, en tant que député représentant les ressortissants algériens dans les pays arabes et en Afrique, j'ai rédigé un rapport détaillé sur les problèmes auxquels est confrontée notre communauté, notamment en Tunisie. Il faut distinguer les problèmes internes liés à l'administration algérienne et d'autres liés au pays hôte. Enormément d'avancées ont été cependant réalisées depuis la visite du président de la République Abdelaziz Bouteflika en Tunisie. Des avancées notables ont été réalisées depuis. Toujours est-il que nous avons soulevé à l'époque des problèmes juridiques liés à la nationalité des Algériens nés de mère algérienne et de père étranger, problème réglé en 2006 suite aux amendements introduits sur la loi relative à la nationalité, car nous avons une communauté notamment aux frontières avec le Maroc, à Oujda précisément, essentiellement constituée de femmes mariées à des Marocains. C'est une injustice réparée, puisqu'il y avait risque de perdre notre progéniture qui n'avait pas le droit d'embrasser la nationalité algérienne. Déjà, nous avons un traité de droit d'établissement signé en 1963 entre l'Algérie et la Tunisie. Certains textes qui découlaient directement de ce traité n'ont pas été respectés par la partie tunisienne. Une principale contrainte ? Le régime tunisien de l'époque avait une approche purement sécuritaire vis-à-vis de la communauté algérienne. Pour illustrer cela, le dossier de la communauté algérienne ne relevait jamais du ministère des AE tunisien. Nous avons même remarqué lors des commissions mixtes, que l'interlocuteur tunisien dans le dossier de la communauté était le ministère de l'Intérieur et des cadres chargés de la question sécuritaire. L'ancien régime pensait peut-être que le vent de la révolte viendrait de l'Algérie. Ils ont fait erreur, puisque ce qui s'est passé est purement interne. Cette approche a fait que la communauté algérienne a été constamment mise sous pression. Une pression qui a fini par donner ses fruits, puisque beaucoup d'Algériens ont fini par perdre leurs emplois et fermé boutiques, alors que nous avons des agriculteurs, des propriétaires terriens et des commerçants partout sur le sol tunisien. Ils se sont faits spolier de leurs biens et de leurs terrains, vu qu'on n'avait le droit ni à la propriété ni au travail, en contradiction avec les accords bilatéraux et vis-à-vis même de la législation tunisienne. L'Administration transgressait sa propre législation quand il s'agissait d'Algériens. Elle refusait ostensiblement d'appliquer certaines décisions judiciaires au profit des Algériens. Les étudiants ne pouvaient pas poursuivre leurs études au-delà du premier cycle parce qu'il n'étaient pas tunisiens. Cependant, la Tunisie a également une forte communauté en Algérie, et qui connaît les mêmes problèmes, vu que notre pays applique la réciprocité. Quelles solutions préconisez-vous dans le cadre de l'Amicale? C'est l'ouverture des voies de coopération et un dialogue serein entre concernés. La haute commission mixte algéro-tunisienne se tient régulièrement. Elle devrait se tenir incessamment cette année. Nous souhaitons que les dossiers liés au volet communautaire, propriété et cartes de séjour, entre autres, soient réglés au plus vite. Je suis sûr que les autorités algériennes veillent sur l'intégrité morale et physique de ses ressortissants où qu'ils soient. C'est la ligne directrice de notre diplomatie. Néanmoins, l'Amicale n'a pas la prétention de représenter tous les Algériens vivant en Tunisie. Notre association, à caractère culturel je le réitère, a pour mission de lier des relations entre la communauté algérienne et les Tunisiens. A cet effet, et malgré nos moyens qui sont très réduits, nous avons effectué plusieurs rencontres lors des célébrations historiques et religieuses. Nous avons rencontré les ministères de tutelle et organisé des séminaires et des universités d'été au profit de notre communauté. C'est l'Amicale qui représente la communauté lors de certaines célébrations. Nous tenons toujours à être présents lors de la Semaine culturelle algérienne en Tunisie. Nous avons des membres sur tout le territoire tunisien et même des binationaux qui nous servent un peu de relais avec nos frères tunisiens. Il y a eu même une thèse qui a été déposée à l'université de Tunis qui porte sur la communauté algérienne en Tunisie, présentée par un Algérien qui a la double nationalité et qui a fait une recherche poussée sur la constitution de notre communauté au fil de l'histoire. Comment les Algériens vivent-ils la transition en Tunisie ? Il y a eu un seul Algérien tué, mais il n'avait pas été ciblé en tant qu'Algérien. Il est issu d'une famille qu'on connaît bien et qui vit dans un quartier populaire chaud, où l'on déplore plusieurs décès d'ailleurs, tellement la répression a été terrible. Cet Algérie a trouvé la mort devant la porte de sa maison. Sinon, aucune victime parmi les Algériens lors de la révolte. Au début, on avait peur que notre communauté ne soit visée, car une simple manipulation pourrait retourner la population contre nos ressortissants, d'autant que les régions d'où avait commencé la révolte renferment beaucoup d'Algériens. Néanmoins, cette phase est dépassée. Il y a eu beaucoup de changement. Il y a une réelle volonté de rupture avec l'ancien régime. Je suis sûr que la Tunisie se dirige vers un Etat de droit. Un dernier mot ? Je l'adresserai à notre communauté pour dire qu'une nouvelle ère s'ouvre pour elle. J'espère que cette ère s'inscrive sous le signe de la confiance, en continuité de la conviction de notre Etat de sauvegarder l'intégrité de notre communauté où qu'elle soit et veiller à son bien-être.