Lecture n Le courant islamiste en Tunisie ne doit pas être source d'appréhension, a assuré Mohamed Jouili, sociologue à l'université de Tunis. Intervenant hier, mardi, à Alger lors de la première conférence organisée par le centre des recherches stratégiques et sécuritaires, le conférencier a déclaré : «Bourguiba a modernisé la religion. Même les islamistes ne peuvent reculer devant les acquis.» Il a précisé devant un parterre d'universitaires, de journalistes et de citoyens curieux que «les islamistes tunisiens ont certaines spécificités». «La mouvance islamiste ne saura monopoliser la vie politique dans le pays», a-t-il estimé, avant d'ajouter que la revendication actuelle de ce mouvement est de figurer dans le gouvernement d'Union nationale. «Ben Ali a gouverné avec la répression en brandissant la menace de l'islamisme, surtout par rapport à ce qui s'est passé en Algérie», a-t-il précisé. Le plus grand enjeu pour la Tunisie de l'après-Ben Ali est, selon le sociologue, de se libérer de l'héritage de l'ancien régime, à savoir le régionalisme, la corruption, le clientélisme et autres pratiques. Concernant la révolution qui a ébranlé le régime Ben Ali, M. Jouili l'a qualifiée de différente des autres révolutions classiques de par ses projets et mécanismes. Il met en avant sur ce point le rôle primordial qu'a joué l'Internet, et notamment les réseaux sociaux, à l'image de Facebook, Twitter et Youtube dans la vulgarisation, l'information et le lancement d'un débat public. Aussi est-il important pour la Tunisie de procéder à l'installation d'un régime parlementaire ou bien une république présidentielle, avec un équilibre entre la présidence et le Parlement. Tout en précisant que la Tunisie a tardé par rapport à d'autres pays, tels l'Europe de l'Est, le conférencier a ajouté : «On ne pouvait pas imaginer l'avènement d'une telle révolution en Tunisie. Il y avait un manque de confiance, car la culture sociale s'appuie sur la peur.» Interrogé sur une éventuelle manipulation de certains Etats étrangers, notamment américain, le conférencier a répondu que même s'il y a une réelle implication étrangère, elle ne peut égaler la volonté des jeunes à faire la révolution. Concernant la position du pouvoir tunisien de la cause sahraouie, M. Jouili a indiqué que celui-ci évoquera cette question considérée «parmi les questions diplomatiques importantes dans la région». Révolution du cactus, non du jasmin «A Sidi-Bouzid, il y a des cactus, pas du jasmin», a déclaré M. Jouili avec un ton d'ironie. Il exprime par là son refus de cette appellation française attribuée à la révolution tunisienne. Il ne va pas sans préciser «nous nous sommes débarrassés de la France. Ce pays a beaucoup perdu en Tunisie».