Cela ressemble à une bonne nouvelle et il n'y en a pas tant que cela sur le front de la biodiversité : l'algue tueuse, l'envahisseur qui asphyxiait la Méditerranée sous une épaisse moquette vert fluo, la Caulerpa taxifolia, qui a tant fait couler d'encre dans les années 90, est en régression. Cela ressemble à une bonne nouvelle et il n'y en a pas tant que cela sur le front de la biodiversité : l'algue tueuse, l'envahisseur qui asphyxiait la Méditerranée sous une épaisse moquette vert fluo, la Caulerpa taxifolia, qui a tant fait couler d'encre dans les années 90, est en régression. «80% des zones envahies ne sont plus colonisées aujourd'hui», se réjouit Alexandre Meinesz, professeur de biologie marine, directeur du laboratoire EcoMer à l'université de Sofia-Antipolis. Spécialiste de Caulerpa taxifolia - il lui a consacré une thèse en 1980, un livre en 1997 et dédié un laboratoire de recherche -, c'est lui qui, en 1991, a alerté la communauté internationale sur cette invasion biologique. L'algue est repérée pour la première fois en 1984 sous les fenêtres du Musée océanographique de Monaco, où elle occupe alors 1 m2. C'est probablement par le système de rejet des eaux que l'algue s'est retrouvée en pleine mer. En 1989, lorsqu'Alexandre Meinesz plonge pour l'identifier, l'algue a déjà colonisé 1 hectare. Il est atterré. «Je n'avais jamais vu ça. En mer tropicale, elle se présente en échantillons épars. Là, j'en ai découvert une énorme quantité, un tapis dense. Surtout, cette caulerpe tropicale avait résisté à l'hiver.» «Moquette». L'algue se présente sous la forme d'axes rampants (d'où Caulerpa) qui ressemblent à des stolons de fraisiers et elle développe des frondes vert fluo évoquant des feuilles d'if (taxifolia). Elle prolifère à une vitesse éclair, de 2 à 3 cm par jour en été. «Les pêcheurs en ramassaient plein leurs filets, les plongeurs ne voyaient plus que des sols verts, tapissés de cette épaisse moquette. Les algues méditerranéennes étaient éliminées et on observait une chute vertigineuse des stocks de poissons. A l'époque, on connaissait le phénomène des espèces invasives terrestres mais on n'avait jamais vu ça en mer», rappelle le biologiste. Il sonne l'alerte et obtient des crédits pour monter un réseau de surveillance. Les plongeurs repèrent 152 zones concernées, de Menton (Alpes-Maritimes) à Six-Fours (Var), soit 15.000 hectares au début des années 2000. Elle prospère aussi au large de rivages italiens, croates, tunisiens et des Baléares. L'homme est seul responsable de cette invasion, insiste Alexandre Meinesz. Les analyses génétiques ont, en effet, établi que tous les plants sont issus d'une même souche venue d'Australie. Une fois en pleine mer, l'algue a été disséminée via les eaux de ballast de bateaux, les ancres ou les filets des pêcheurs. Les tentatives pour l'éradiquer en Méditerranée, où elle n'a aucun prédateur, ont échoué. A partir de 2004, néanmoins, les plongeurs observent une raréfaction. La tendance se confirme d'année en année. «On constate une régression dans 80% des zones et parfois, comme au cap Martin, l'algue a totalement disparu et la vie retrouve ses droits.» Comme en Ligurie, en Croatie ou dans les Baléares. «Farfelu». Pour expliquer cette régression, les chercheurs ont émis plusieurs hypothèses. «L'algue aurait pu mourir de froid à cause d'hivers trop longs et rigoureux. Mais les données météorologiques n'ont pas montré de corrélation.» Deuxième hypothèse : «La caulerpe, qui se nourrit de substances issues du sol marin, serait morte de faim, une fois ce sol épuisé.» Idée balayée car l'algue aurait pu coloniser d'autres espaces. Dégénérescence génétique ? Taxifolia se reproduit par bouturage, les plants méditerranéens sont des clones, identiques génétiquement, ce qui les prédispose à un affaiblissement. «Mais ça et là, on trouve encore des sites où l'algue se porte très bien», réfute le biologiste. Enfin, dernière hypothèse, une infection qui se serait développée à la faveur de la forme singulière de l'algue, ce long siphon unicellulaire où se mêlent bactéries et virus. «Farfelu.» La cause du retrait reste donc inconnue mais «rien ne dit qu'elle ne reviendra pas, prévient, prudent, le biologiste. Chez les Caulerpes, on a déjà vu des phénomènes de flux et reflux. Ce sont des algues mystérieuses». De toute façon, Alexandre Meinesz n'a pas le temps de souffler : deux autres Caulerpes, originaires elles aussi d'Australie, colonisent à leur tour les fonds méditerranéens à une vitesse fulgurante : la racemosa, capable de former des réseaux inextricables, et la distichophylla, déjà observée au large de la Sicile, de Chypre ou de la Syrie. Deux algues tropicales très menaçantes pour la biodiversité en Méditerranée car bien armées : elles se reproduisent de manière sexuée et ne craignent pas l'eau froide. La mondialisation des espèces va bon train. «80% des zones envahies ne sont plus colonisées aujourd'hui», se réjouit Alexandre Meinesz, professeur de biologie marine, directeur du laboratoire EcoMer à l'université de Sofia-Antipolis. Spécialiste de Caulerpa taxifolia - il lui a consacré une thèse en 1980, un livre en 1997 et dédié un laboratoire de recherche -, c'est lui qui, en 1991, a alerté la communauté internationale sur cette invasion biologique. L'algue est repérée pour la première fois en 1984 sous les fenêtres du Musée océanographique de Monaco, où elle occupe alors 1 m2. C'est probablement par le système de rejet des eaux que l'algue s'est retrouvée en pleine mer. En 1989, lorsqu'Alexandre Meinesz plonge pour l'identifier, l'algue a déjà colonisé 1 hectare. Il est atterré. «Je n'avais jamais vu ça. En mer tropicale, elle se présente en échantillons épars. Là, j'en ai découvert une énorme quantité, un tapis dense. Surtout, cette caulerpe tropicale avait résisté à l'hiver.» «Moquette». L'algue se présente sous la forme d'axes rampants (d'où Caulerpa) qui ressemblent à des stolons de fraisiers et elle développe des frondes vert fluo évoquant des feuilles d'if (taxifolia). Elle prolifère à une vitesse éclair, de 2 à 3 cm par jour en été. «Les pêcheurs en ramassaient plein leurs filets, les plongeurs ne voyaient plus que des sols verts, tapissés de cette épaisse moquette. Les algues méditerranéennes étaient éliminées et on observait une chute vertigineuse des stocks de poissons. A l'époque, on connaissait le phénomène des espèces invasives terrestres mais on n'avait jamais vu ça en mer», rappelle le biologiste. Il sonne l'alerte et obtient des crédits pour monter un réseau de surveillance. Les plongeurs repèrent 152 zones concernées, de Menton (Alpes-Maritimes) à Six-Fours (Var), soit 15.000 hectares au début des années 2000. Elle prospère aussi au large de rivages italiens, croates, tunisiens et des Baléares. L'homme est seul responsable de cette invasion, insiste Alexandre Meinesz. Les analyses génétiques ont, en effet, établi que tous les plants sont issus d'une même souche venue d'Australie. Une fois en pleine mer, l'algue a été disséminée via les eaux de ballast de bateaux, les ancres ou les filets des pêcheurs. Les tentatives pour l'éradiquer en Méditerranée, où elle n'a aucun prédateur, ont échoué. A partir de 2004, néanmoins, les plongeurs observent une raréfaction. La tendance se confirme d'année en année. «On constate une régression dans 80% des zones et parfois, comme au cap Martin, l'algue a totalement disparu et la vie retrouve ses droits.» Comme en Ligurie, en Croatie ou dans les Baléares. «Farfelu». Pour expliquer cette régression, les chercheurs ont émis plusieurs hypothèses. «L'algue aurait pu mourir de froid à cause d'hivers trop longs et rigoureux. Mais les données météorologiques n'ont pas montré de corrélation.» Deuxième hypothèse : «La caulerpe, qui se nourrit de substances issues du sol marin, serait morte de faim, une fois ce sol épuisé.» Idée balayée car l'algue aurait pu coloniser d'autres espaces. Dégénérescence génétique ? Taxifolia se reproduit par bouturage, les plants méditerranéens sont des clones, identiques génétiquement, ce qui les prédispose à un affaiblissement. «Mais ça et là, on trouve encore des sites où l'algue se porte très bien», réfute le biologiste. Enfin, dernière hypothèse, une infection qui se serait développée à la faveur de la forme singulière de l'algue, ce long siphon unicellulaire où se mêlent bactéries et virus. «Farfelu.» La cause du retrait reste donc inconnue mais «rien ne dit qu'elle ne reviendra pas, prévient, prudent, le biologiste. Chez les Caulerpes, on a déjà vu des phénomènes de flux et reflux. Ce sont des algues mystérieuses». De toute façon, Alexandre Meinesz n'a pas le temps de souffler : deux autres Caulerpes, originaires elles aussi d'Australie, colonisent à leur tour les fonds méditerranéens à une vitesse fulgurante : la racemosa, capable de former des réseaux inextricables, et la distichophylla, déjà observée au large de la Sicile, de Chypre ou de la Syrie. Deux algues tropicales très menaçantes pour la biodiversité en Méditerranée car bien armées : elles se reproduisent de manière sexuée et ne craignent pas l'eau froide. La mondialisation des espèces va bon train.