La vieille Gh'nima, comme chaque jour après la prière du D'hor, se rendit dans sa chambre où elle comptait s'offrir une sieste. Mais dès qu'elle eut fermé un œil elle sursauta à cause d'un bruit provoqué par les voisins qui habitaient au-dessus d'elle. La vieille Gh'nima, comme chaque jour après la prière du D'hor, se rendit dans sa chambre où elle comptait s'offrir une sieste. Mais dès qu'elle eut fermé un œil elle sursauta à cause d'un bruit provoqué par les voisins qui habitaient au-dessus d'elle. Elle attendit un moment, dans l'espoir que le bruit cesse mais celui-ci au contraire ne faisait que redoubler d'intensité. On aurait dit quelqu'un qui sautait ou qui jouait à la corde. Elle appela ses petits-fils : - Mahmoud, Ghilas, Djaâfar ! Venez un moment ! Aucun d'entre eux ne répondit à son appel. Saléha, sa belle-fille, arriva. - Tu as besoin de quelque chose, Na Gh'nima ? - Où sont les enfants ? - Ils sont repartis à l'école… mais je suis là si tu as besoin de quelque chose… - Je voulais envoyer l'un d'entre eux chez les voisins d'en haut pour leur demander de cesser leurs bruits. - Ah ! Oui…ces voisins là…ils sont vraiment insupportables…Ce matin, ils ont déversé de l'eau sale sur le linge que je venais d'étendre au balcon… - Et tu es partie te plaindre, j'espère ? - Non… Na Gh'nima. J'ai préféré relaver mon linge et attendre une accalmie pour l'étendre de nouveau… Ce sont des gens difficiles… Quand on se plaint d'eux ils ne se corrigent pas, ils deviennent plus insupportables encore. - Tu veux dire que si je vais les voir pour leur demander de cesser leurs bruits, ils vont au contraire l'amplifier ? - Exactement…. - Et si j'ai bien compris, tu ne veux pas aller les voir pour leur dire que ta belle-mère de 82 ans veut faire une petite sieste ? - Ah ! Non…Je vais encore me chamailler avec cette folle de Baya. Impossible de s'entendre avec elle. Je me demande comment fait son mari pour la supporter…. - Toi aussi tu es insupportable, Saléha. Je te parle d'un bruit qui m'empêche de faire ma sieste et toi tu me parles du mari de ta voisine… Allez, c'est moi qui vais les voir et crois-moi, ils vont m'entendre ! - Non Na Gh'nima, s'il te plaît… N'y va pas. Tu ne feras que te fatiguer pour rien. - Ecarte-toi de mon chemin, Saléha… Toi, tu aimes te laisser faire, c'est ton problème ! Moi, Gh'nima la fille de Hadj Mokrane, je ne mange pas de ce pain-là… - Non, Na Gh'nima, non ; ce soir quand Hamid reviendra du travail, je lui demanderai d'en toucher un mot au mari de Saléha… Lui, c'est un brave type… C'est sa femme qui est une «tajenniwt» (une diablesse) ! Et leurs enfants tiennent beaucoup plus d'elle que de leur père, c'est pourquoi ils sont si bruyants. Saléha finit par s'écarter du chemin parce qu'elle savait que lorsque sa belle-mère décidait de faire quelque chose, il était impossible de lui faire changer d'avis… Elle enfila ses pantoufles, prit sa canne et se dirigea résolument vers la porte. Quelques instants plus tard, Baya lui ouvrit la porte, et sans transition elle se mit à vociférer : - Et alors, il n'y a plus moyen de faire la sieste dans cet immeuble ? C'est quoi ce bruit sourd qui ressemble à des coups de canons ? - C'est mon vieux père qui est en train de faire un peu de sport… Il est venu ce matin du village… - Qu'il soit le bienvenu mais dis-lui qu'un appartement n'est pas un lieu pour pratiquer du sport… - Il ne peut pas non plus aller au stade olympique… Il a 86 ans ! - A cet âge, il n'a qu'à rester dans son village ! Planter des légumes et tailler des figuiers ; c'est du très bon sport ! Et très utile pour ses petits-enfants ! - Je le lui dirai… Baya rentra dans l'appartement. Quelques secondes, après le bruit cessa et la vieille Gh'nima poussa un soupir de satisfaction. Il se dit qu'elle avait finalement eu gain de cause et que cette voisine qu'elle venait de voir n'était pas aussi mauvaise que l'avait affirmé sa belle-fille. C'était elle «tajennniwt» ! Et non pas cette brave Baya ! Elle était même exquise ! Elle allait redescendre quand soudain la porte s'ouvrit de nouveau laissant apparaître un petit vieux tout ratatiné. - Alors, vieille folle ! Toi, tu habites dans un immeuble de la nouvelle ville de Tizi-Ouzou et tu demandes aux gens de retourner à leur village ? - Non…Ce n'est pas pour cela que je suis venue mais pour le bruit ! - Quel bruit ? - Maintenant il n'y a plus de bruit mais tout à l'heure, il y en avait … - Ce n'était pas du bruit mais quelques mouvements de sport… Et je vais continuer à en faire… Je suis libre…Cet appartement c'est moi qui l'ai acheté à ma fille ! Si je veux, j'y élèverai des bœufs ! Personne ne m'en empêchera ! j'ai l'acte de propriété. - Tu as un acte de propriété ? Et alors ? Il n'est pas écrit dessus que tu peux l'utiliser pour empoisonner la vie de tes voisins… Allez retourne dans ton village ! Tu n'es pas fait pour la ville. Le vieil homme se mit à trembler de colère et se rua sur la vieille Gh'nima qu'il roua de coups de poing. Puis, ayant vu la canne qu'elle avait ramenée, il la lui arracha pour l'utiliser contre elle. Il avait fallu l'intervention des voisins, attirés par les cris de la vieille malheureuse pour que cesse le calvaire de celle-ci. Gh'nima une fois qu'elle eut repris ses esprits décida de déposer plainte contre son agresseur. Et c'est avec un visage plein d'ecchymoses et des vêtements tachés de sang qu'elle se rendit au poste de police du quartier. Le 29 novembre dernier, les deux vieux se retrouvèrent au tribunal de Tizi-Ouzou où il a été décidé le versement de 50 millions de centimes de dédommagements pour Gh'nima. Elle attendit un moment, dans l'espoir que le bruit cesse mais celui-ci au contraire ne faisait que redoubler d'intensité. On aurait dit quelqu'un qui sautait ou qui jouait à la corde. Elle appela ses petits-fils : - Mahmoud, Ghilas, Djaâfar ! Venez un moment ! Aucun d'entre eux ne répondit à son appel. Saléha, sa belle-fille, arriva. - Tu as besoin de quelque chose, Na Gh'nima ? - Où sont les enfants ? - Ils sont repartis à l'école… mais je suis là si tu as besoin de quelque chose… - Je voulais envoyer l'un d'entre eux chez les voisins d'en haut pour leur demander de cesser leurs bruits. - Ah ! Oui…ces voisins là…ils sont vraiment insupportables…Ce matin, ils ont déversé de l'eau sale sur le linge que je venais d'étendre au balcon… - Et tu es partie te plaindre, j'espère ? - Non… Na Gh'nima. J'ai préféré relaver mon linge et attendre une accalmie pour l'étendre de nouveau… Ce sont des gens difficiles… Quand on se plaint d'eux ils ne se corrigent pas, ils deviennent plus insupportables encore. - Tu veux dire que si je vais les voir pour leur demander de cesser leurs bruits, ils vont au contraire l'amplifier ? - Exactement…. - Et si j'ai bien compris, tu ne veux pas aller les voir pour leur dire que ta belle-mère de 82 ans veut faire une petite sieste ? - Ah ! Non…Je vais encore me chamailler avec cette folle de Baya. Impossible de s'entendre avec elle. Je me demande comment fait son mari pour la supporter…. - Toi aussi tu es insupportable, Saléha. Je te parle d'un bruit qui m'empêche de faire ma sieste et toi tu me parles du mari de ta voisine… Allez, c'est moi qui vais les voir et crois-moi, ils vont m'entendre ! - Non Na Gh'nima, s'il te plaît… N'y va pas. Tu ne feras que te fatiguer pour rien. - Ecarte-toi de mon chemin, Saléha… Toi, tu aimes te laisser faire, c'est ton problème ! Moi, Gh'nima la fille de Hadj Mokrane, je ne mange pas de ce pain-là… - Non, Na Gh'nima, non ; ce soir quand Hamid reviendra du travail, je lui demanderai d'en toucher un mot au mari de Saléha… Lui, c'est un brave type… C'est sa femme qui est une «tajenniwt» (une diablesse) ! Et leurs enfants tiennent beaucoup plus d'elle que de leur père, c'est pourquoi ils sont si bruyants. Saléha finit par s'écarter du chemin parce qu'elle savait que lorsque sa belle-mère décidait de faire quelque chose, il était impossible de lui faire changer d'avis… Elle enfila ses pantoufles, prit sa canne et se dirigea résolument vers la porte. Quelques instants plus tard, Baya lui ouvrit la porte, et sans transition elle se mit à vociférer : - Et alors, il n'y a plus moyen de faire la sieste dans cet immeuble ? C'est quoi ce bruit sourd qui ressemble à des coups de canons ? - C'est mon vieux père qui est en train de faire un peu de sport… Il est venu ce matin du village… - Qu'il soit le bienvenu mais dis-lui qu'un appartement n'est pas un lieu pour pratiquer du sport… - Il ne peut pas non plus aller au stade olympique… Il a 86 ans ! - A cet âge, il n'a qu'à rester dans son village ! Planter des légumes et tailler des figuiers ; c'est du très bon sport ! Et très utile pour ses petits-enfants ! - Je le lui dirai… Baya rentra dans l'appartement. Quelques secondes, après le bruit cessa et la vieille Gh'nima poussa un soupir de satisfaction. Il se dit qu'elle avait finalement eu gain de cause et que cette voisine qu'elle venait de voir n'était pas aussi mauvaise que l'avait affirmé sa belle-fille. C'était elle «tajennniwt» ! Et non pas cette brave Baya ! Elle était même exquise ! Elle allait redescendre quand soudain la porte s'ouvrit de nouveau laissant apparaître un petit vieux tout ratatiné. - Alors, vieille folle ! Toi, tu habites dans un immeuble de la nouvelle ville de Tizi-Ouzou et tu demandes aux gens de retourner à leur village ? - Non…Ce n'est pas pour cela que je suis venue mais pour le bruit ! - Quel bruit ? - Maintenant il n'y a plus de bruit mais tout à l'heure, il y en avait … - Ce n'était pas du bruit mais quelques mouvements de sport… Et je vais continuer à en faire… Je suis libre…Cet appartement c'est moi qui l'ai acheté à ma fille ! Si je veux, j'y élèverai des bœufs ! Personne ne m'en empêchera ! j'ai l'acte de propriété. - Tu as un acte de propriété ? Et alors ? Il n'est pas écrit dessus que tu peux l'utiliser pour empoisonner la vie de tes voisins… Allez retourne dans ton village ! Tu n'es pas fait pour la ville. Le vieil homme se mit à trembler de colère et se rua sur la vieille Gh'nima qu'il roua de coups de poing. Puis, ayant vu la canne qu'elle avait ramenée, il la lui arracha pour l'utiliser contre elle. Il avait fallu l'intervention des voisins, attirés par les cris de la vieille malheureuse pour que cesse le calvaire de celle-ci. Gh'nima une fois qu'elle eut repris ses esprits décida de déposer plainte contre son agresseur. Et c'est avec un visage plein d'ecchymoses et des vêtements tachés de sang qu'elle se rendit au poste de police du quartier. Le 29 novembre dernier, les deux vieux se retrouvèrent au tribunal de Tizi-Ouzou où il a été décidé le versement de 50 millions de centimes de dédommagements pour Gh'nima.