L'aristocrate italien qui s'est tardivement mis à la littérature dans les années cinquante n'a jamais pu finaliser ce projet. Sa mort en 1957 a éteint l'un des plus grands talents du siècle. L'aristocrate italien qui s'est tardivement mis à la littérature dans les années cinquante n'a jamais pu finaliser ce projet. Sa mort en 1957 a éteint l'un des plus grands talents du siècle. L'écrivain italien Giuseppe Tomasi di Lampedusa (1896/1957), dont le nom est également celui d'une île ensoleillée plus proche de Gabès que de la Sicile, a, une année après sa mort, ébloui le monde par sa première œuvre «Il Gattopardo : Le Guépard». Portée à l'écran par Luchino Visconti en 1963 avec le succès que l'on sait, cette œuvre qui dépeint les mœurs de l'aristocratie sicilienne décadente prévoyait une suite. Le second roman qui devait s'intituler «Les Chatons aveugles» n'a jamais dépassé le stade de la nouvelle. En effet, l'aristocrate italien qui s'est tardivement mis à la littérature dans les années cinquante n'a jamais pu finaliser ce projet. Sa mort en 1957 a éteint l'un des plus grands talents du siècle. Du roman projeté subsiste néanmoins une nouvelle intitulée «La Matinée du métayer». Ce récit fait partie du précieux recueil publié à titre posthume, une année après «Le Guépard», en 1959. La Sicile encore et toujours, observée, décrite, épiée sous tous ses angles, est le sujet du recueil qui porte l'intitulé de sa plus célèbre nouvelle : «Le Professeur et la sirène». L'adage populaire algérien qui dit «Echghal lemlih iabta : L'excellence demande du temps» n'a jamais autant été vérifié que par la prose prodigieuse de cette plume tardive. L'écrivain qui fut un esthète et un passionné de littérature européenne semble appliquer à la lettre les recommandations de Jean Cocteau concernant le style. Il ne faut surtout pas essayer d'en avoir un, il faut écrire comme tout le monde, conseillait l'homme de lettres français dans ses mémoires «La difficulté d'être». Le prince di Lampedusa, qui a grandi dans un univers de palais et de jardins, a su éviter esthétisme et mièvres ornements qui auraient pu inévitablement être siens. C'est au contraire par son dépouillement et son humour continu que sa prose touche et fait rêver. Comme Tahar Djaout, quelques décennies plus tard, le romancier semble plonger sa plume dans le soleil. Les oursins, les vagues, les embruns, les siestes et la cuisine à l'huile d'olive, oui. Mais également, la grossièreté et l'avidité féroce des nouveaux riches face à l'inconsistance d'une aristocratie en voie de disparition. Mais le rêve et l'imagination déchaînée de ses rejetons qui, ayant rompu avec leurs amarres terriennes dorées, se sont réfugiés dans la recherche scientifique et le culte de la nature dans sa sauvagerie première. «Nous évoquâmes donc l'éternelle Sicile, celle des choses de la nature : l'odeur du romarin sur les Nebrodi, la saveur du miel de Mellili, la houle des moissons sous le vent d'un jour de mai comme on peut la voir d'Enna, les lieux de la solitude qui entourent Syracuse, les rafales de parfums qu'orangers et citronniers déversent, dit-on, sur Palerme lors de certains couchants, au mois de Juin. Nous parlâmes des ensorcelantes nuits d'été face au golfe de Castellemmare, quand les étoiles se reflètent sur la mer qui dort, quand l'esprit de celui qui est couché à la renverse au milieu des lentisques se perd dans le gouffre du ciel, tandis que son corps redoute, tendu et aux aguets, l'approche des démons.» Ces souvenirs pleins de saveur sont partagés par un tout jeune journaliste et un octogénaire, sommité mondiale en langues de l'Antiquité. Originaires du même coin, ils se rencontrent régulièrement dans un café de la Via Po de Turin. Le jeune homme qui pratique la polygamie buissonnière s'y console d'avoir été plaqué par le numéro un de sa série de « poupées ». Le vieil homme, sénateur à la retraite, se prend peu à peu d'amitié pour le journaliste. Il ne dissimule pas le mépris profond que lui inspirent les relations de son jeune ami avec les médiocres créatures en jupon. Il finit par l'éclairer sur les raisons réelles de sa propre chasteté. Il lui confie qu'à sa dernière année d'études, alors que menacé de surmenage et de folie caniculaire, il n'arrête pas de baragouiner des vers grecs, un ami le sauve en lui prêtant une bicoque au bord de la mer dans la petite ville sicilienne d'Augusta. C'est au cours d'une partie de pêche qu'il rencontre Lighéa, fille de Calliope, une sirène dévoreuse d'oursins et de poissons vivants. Il partage avec l'immortelle beauté 20 jours d'un bonheur surhumain. Il préfère cependant revenir à ses recherches scientifiques plutôt que de rejoindre le paradis sous-marin que lui propose la merveilleuse créature. Il finit cependant par la rejoindre un jour qu'il se déplace pour donner une conférence. Sa disparition en mer fait la Une des journaux qui sont loin de se douter de son choix. Cette nouvelle, véritable hymne à la nature, révèle l'imagination débridée de l'auteur qui dans les autres récits s'en tient à une description minutieuse du quotidien des gens de sa région. «Les lieux de ma première enfance», premier récit du recueil est essentiellement autobiographique. Les lieux et les êtres parmi lesquels le prince italien a grandi sont évoqués avec une verve noyée de lumière. Dans «La matinée d'un métayer» le lecteur retrouve l'écriture et les personnages du «Guépard». «Le Bonheur et la loi», est la narration émouvante du choix implacable que fait l'épouse d'un pauvre employé le jour de Noël. Comme il a de la peine à joindre les deux bouts, l'administration où il travaille décide de lui offrir le pannetone de sept kilos dont est récompensé chaque année le meilleur employé. Le pauvre homme est aux anges en pensant à la fête que vont faire ses enfants. Arrivé à la maison, son inflexible épouse, qui est fille de notaire, l'oblige à l'offrir à Maître Risma, un riche avocat auquel ils «doivent» une invitation à dîner. Ses propres enfants n'auront droit qu'à une petite brioche, et le colis envoyé à l'avocat arrive en retard. Mais « l'honneur est sauf »… Dans ce recueil, le lecteur découvrira bien des situations familières qui le feront se sentir chez ses cousins de Sicile comme chez lui. L'écrivain italien Giuseppe Tomasi di Lampedusa (1896/1957), dont le nom est également celui d'une île ensoleillée plus proche de Gabès que de la Sicile, a, une année après sa mort, ébloui le monde par sa première œuvre «Il Gattopardo : Le Guépard». Portée à l'écran par Luchino Visconti en 1963 avec le succès que l'on sait, cette œuvre qui dépeint les mœurs de l'aristocratie sicilienne décadente prévoyait une suite. Le second roman qui devait s'intituler «Les Chatons aveugles» n'a jamais dépassé le stade de la nouvelle. En effet, l'aristocrate italien qui s'est tardivement mis à la littérature dans les années cinquante n'a jamais pu finaliser ce projet. Sa mort en 1957 a éteint l'un des plus grands talents du siècle. Du roman projeté subsiste néanmoins une nouvelle intitulée «La Matinée du métayer». Ce récit fait partie du précieux recueil publié à titre posthume, une année après «Le Guépard», en 1959. La Sicile encore et toujours, observée, décrite, épiée sous tous ses angles, est le sujet du recueil qui porte l'intitulé de sa plus célèbre nouvelle : «Le Professeur et la sirène». L'adage populaire algérien qui dit «Echghal lemlih iabta : L'excellence demande du temps» n'a jamais autant été vérifié que par la prose prodigieuse de cette plume tardive. L'écrivain qui fut un esthète et un passionné de littérature européenne semble appliquer à la lettre les recommandations de Jean Cocteau concernant le style. Il ne faut surtout pas essayer d'en avoir un, il faut écrire comme tout le monde, conseillait l'homme de lettres français dans ses mémoires «La difficulté d'être». Le prince di Lampedusa, qui a grandi dans un univers de palais et de jardins, a su éviter esthétisme et mièvres ornements qui auraient pu inévitablement être siens. C'est au contraire par son dépouillement et son humour continu que sa prose touche et fait rêver. Comme Tahar Djaout, quelques décennies plus tard, le romancier semble plonger sa plume dans le soleil. Les oursins, les vagues, les embruns, les siestes et la cuisine à l'huile d'olive, oui. Mais également, la grossièreté et l'avidité féroce des nouveaux riches face à l'inconsistance d'une aristocratie en voie de disparition. Mais le rêve et l'imagination déchaînée de ses rejetons qui, ayant rompu avec leurs amarres terriennes dorées, se sont réfugiés dans la recherche scientifique et le culte de la nature dans sa sauvagerie première. «Nous évoquâmes donc l'éternelle Sicile, celle des choses de la nature : l'odeur du romarin sur les Nebrodi, la saveur du miel de Mellili, la houle des moissons sous le vent d'un jour de mai comme on peut la voir d'Enna, les lieux de la solitude qui entourent Syracuse, les rafales de parfums qu'orangers et citronniers déversent, dit-on, sur Palerme lors de certains couchants, au mois de Juin. Nous parlâmes des ensorcelantes nuits d'été face au golfe de Castellemmare, quand les étoiles se reflètent sur la mer qui dort, quand l'esprit de celui qui est couché à la renverse au milieu des lentisques se perd dans le gouffre du ciel, tandis que son corps redoute, tendu et aux aguets, l'approche des démons.» Ces souvenirs pleins de saveur sont partagés par un tout jeune journaliste et un octogénaire, sommité mondiale en langues de l'Antiquité. Originaires du même coin, ils se rencontrent régulièrement dans un café de la Via Po de Turin. Le jeune homme qui pratique la polygamie buissonnière s'y console d'avoir été plaqué par le numéro un de sa série de « poupées ». Le vieil homme, sénateur à la retraite, se prend peu à peu d'amitié pour le journaliste. Il ne dissimule pas le mépris profond que lui inspirent les relations de son jeune ami avec les médiocres créatures en jupon. Il finit par l'éclairer sur les raisons réelles de sa propre chasteté. Il lui confie qu'à sa dernière année d'études, alors que menacé de surmenage et de folie caniculaire, il n'arrête pas de baragouiner des vers grecs, un ami le sauve en lui prêtant une bicoque au bord de la mer dans la petite ville sicilienne d'Augusta. C'est au cours d'une partie de pêche qu'il rencontre Lighéa, fille de Calliope, une sirène dévoreuse d'oursins et de poissons vivants. Il partage avec l'immortelle beauté 20 jours d'un bonheur surhumain. Il préfère cependant revenir à ses recherches scientifiques plutôt que de rejoindre le paradis sous-marin que lui propose la merveilleuse créature. Il finit cependant par la rejoindre un jour qu'il se déplace pour donner une conférence. Sa disparition en mer fait la Une des journaux qui sont loin de se douter de son choix. Cette nouvelle, véritable hymne à la nature, révèle l'imagination débridée de l'auteur qui dans les autres récits s'en tient à une description minutieuse du quotidien des gens de sa région. «Les lieux de ma première enfance», premier récit du recueil est essentiellement autobiographique. Les lieux et les êtres parmi lesquels le prince italien a grandi sont évoqués avec une verve noyée de lumière. Dans «La matinée d'un métayer» le lecteur retrouve l'écriture et les personnages du «Guépard». «Le Bonheur et la loi», est la narration émouvante du choix implacable que fait l'épouse d'un pauvre employé le jour de Noël. Comme il a de la peine à joindre les deux bouts, l'administration où il travaille décide de lui offrir le pannetone de sept kilos dont est récompensé chaque année le meilleur employé. Le pauvre homme est aux anges en pensant à la fête que vont faire ses enfants. Arrivé à la maison, son inflexible épouse, qui est fille de notaire, l'oblige à l'offrir à Maître Risma, un riche avocat auquel ils «doivent» une invitation à dîner. Ses propres enfants n'auront droit qu'à une petite brioche, et le colis envoyé à l'avocat arrive en retard. Mais « l'honneur est sauf »… Dans ce recueil, le lecteur découvrira bien des situations familières qui le feront se sentir chez ses cousins de Sicile comme chez lui.