Facétieux et impertinent, ce roman du regretté écrivain marocain Driss Chraïbi, est une synthèse entre la vie de l'auteur et celle de son inénarrable héros, l'inspecteur Ali. Encore une fois, celui qui interpellait son monde par la question angoissée : «Aurons-nous un jour un autre avenir que notre passé ?» fait réfléchir le lecteur en le faisant rire de lui-même. Enormément. Facétieux et impertinent, ce roman du regretté écrivain marocain Driss Chraïbi, est une synthèse entre la vie de l'auteur et celle de son inénarrable héros, l'inspecteur Ali. Encore une fois, celui qui interpellait son monde par la question angoissée : «Aurons-nous un jour un autre avenir que notre passé ?» fait réfléchir le lecteur en le faisant rire de lui-même. Enormément. Si les Algériens ont l'inspecteur Tahar, les Marocains, eux, ont leur inspecteur Ali, flic à la fois surdoué et d'une ignorance pleine de naïveté. Dans son 13e roman, Driss Chraïbi ne fait intervenir l'inspecteur Ali que par intermittence, comme par effraction dans une série de situations familiales d'une haute cocasserie. Brahim, auteur de polars à succès rentre au pays après des années d'absence. Avec son épouse écossaise et ses deux fils Tarik et Yassine, il est le plus heureux des hommes. Retrouvant avec délice sa ville natale, ses ambiances et sa cuisine succulente, l'auteur se prépare à recevoir ses beaux-parents originaires d'Ecosse. Dès leur arrivée, le choc des ignorances mutuelles entre les nouveaux venus et les habitants d'El-Jedida, crée des situations riches en gags désopilants. Il faut dire que la méconnaissance totale du Maroc, ses us et coutumes de la part des deux Occidentaux frise l'autisme. Ainsi, lors du festin de bienvenu, lorsque le beau-père se voit gratifier d'une assiette de couscous personnelle, il proteste, mais est incapable de déguster la boulette de couscous succulent que lui présente l'un des convives entre ses doigts. Finalement, Saâdiya, la gouvernante lui prépare une omelette accompagnée de beurre et de pain brioché. Cependant, Brahim et sa famille sont comme revivifiés par la vie à El-Jedida, dans un quartier traditionnel marocain. Une grande maison, un jardin, un âne noir revêche et rebelle, une future maman écossaise en cafetan et ses enfants pour qui le dialecte marocain n'a plus de secrets, tel est le décor où l'auteur se sentant en vacances peine à trouver l'inspiration qui pousse à écrire.… Ses compatriotes lui font la fête et sa situation d'universitaire ayant réussi semble lui ouvrir toutes les portes et tous les crédits chez les commerçants du coin, sauf auprès de son banquier. Il est sauvé de la banqueroute par la prévoyance de sa femme qui, profitant de la guerre d'Irak, a fait de profitables investissements. Dans la tête de Brahim, la fiction et la réalité se mêlent dans un va-et-vient permanent. Il finit par écrire une nouvelle histoire de l'inspecteur Ali. Le roman fleure la cuisine marocaine traditionnelle, les chants, les danses gnaouies et les foules de toutes les couleurs. Ces éléments exercent une magie à laquelle même son beau-père, l'Ecossais rigide finit par se rendre. Le «fonctionnement» irrationnel où sont plongée les sociétés maghrébines, une poésie de tous les instants , l'humour et la dérision la plus corrosive sont relatées par l'auteur avec sa fraîcheur et son allegro habituels. A la fin du livre, Brahim ne reconnaît sa propre mère qui vient lui rendre visite qu'au moment où il assiste à la venue au monde de son propre enfant. Comment mieux souligner le drame identitaire des sociétés maghrébines? «L'inspecteur Ali» est un ouvrage délectable et amusant qui donne la mesure du regretté romancier marocain. Le célèbre écrivain est né le 15 jullet 1926 à El-Jedida et mort le 1er avril 2007 en France où il était établi depuis 1988. Il est aujourd'hui enterré au cimetière des chouhadas de Casablanca aux côtés de son père, El-Hadj Fatmi Chraïbi, selon ses vœux. Il est l'auteur d'une œuvre foisonnante dont le premier roman, Passé simple, édité chez Gallimard en 1954 a connu un succès retentissant et créé une polémique. Armé d'humour et d'autodérision, l'écriture de Driss Chraïbi interpelle le monde sur les destinées du tiers-monde à travers l'exemple du Maroc. Les questions liées à la colonisation, à l'histoire des peuples, la question de la femme, la place de la religion sont abordés dans ce style original qui sans avoir l'air d'y toucher recèle une dimension philosophique. De 1954 à 2004 il a écrit : ‘'Le Passé simple'', ‘'les Boucs, l'Âne'', ‘'De tous les horizons'', ‘'la Foule'', ‘'Succession ouverte'', ‘'Un Ami viendra vous voir'', ‘'la Civilisation ma mère !'', ‘'Mort au Canada'', ‘'Une enquête au pays'', ‘'la Mère du printemps'', ‘'Naissance à l'aube'', ‘'l'Inspecteur Ali'', ‘'L'Homme du livre'', ‘'L'Inspecteur Ali à Trinity Colle, ‘'l'Inspecteur Ali et la CIA'', ‘'Vu, Lu, et entendu'', ‘'Le Monde à côté'', ‘'L'homme qui venait du passé''. Avant de disparaître, Driss Chraïbi s'était attelé à un nouveau roman. L'écrivain a reçu de nombreuses distinctions au cours d'une carrière égale. Notamment, le prix de l'Afrique méditerranéenne pour l'ensemble de son œuvre en1973, le Prix de l'amitié franco-arabe, en 1981, le prix Mondello pour la traduction de Naissance à l'Aube en Italie. Son œuvre a fait l'objet d'études et d'essais dont : Driss Chraïbi en marges par Jeanne Fouet chez L'Harmattan, 1999.L'œuvre de Driss Chraïbi par Jean Dejeux, Lahcen Benchama et Robert Jouanny chez le même éditeur en 1996 et Contestation et révolte dans l'œuvre de Driss Chraïbi par Hamdane Hadjadji chez Publisud.Il est hors de doute que le turbulent écrivain marocain continuera à faire rire et réfléchir bien des générations. Qu'il repose en paix. Si les Algériens ont l'inspecteur Tahar, les Marocains, eux, ont leur inspecteur Ali, flic à la fois surdoué et d'une ignorance pleine de naïveté. Dans son 13e roman, Driss Chraïbi ne fait intervenir l'inspecteur Ali que par intermittence, comme par effraction dans une série de situations familiales d'une haute cocasserie. Brahim, auteur de polars à succès rentre au pays après des années d'absence. Avec son épouse écossaise et ses deux fils Tarik et Yassine, il est le plus heureux des hommes. Retrouvant avec délice sa ville natale, ses ambiances et sa cuisine succulente, l'auteur se prépare à recevoir ses beaux-parents originaires d'Ecosse. Dès leur arrivée, le choc des ignorances mutuelles entre les nouveaux venus et les habitants d'El-Jedida, crée des situations riches en gags désopilants. Il faut dire que la méconnaissance totale du Maroc, ses us et coutumes de la part des deux Occidentaux frise l'autisme. Ainsi, lors du festin de bienvenu, lorsque le beau-père se voit gratifier d'une assiette de couscous personnelle, il proteste, mais est incapable de déguster la boulette de couscous succulent que lui présente l'un des convives entre ses doigts. Finalement, Saâdiya, la gouvernante lui prépare une omelette accompagnée de beurre et de pain brioché. Cependant, Brahim et sa famille sont comme revivifiés par la vie à El-Jedida, dans un quartier traditionnel marocain. Une grande maison, un jardin, un âne noir revêche et rebelle, une future maman écossaise en cafetan et ses enfants pour qui le dialecte marocain n'a plus de secrets, tel est le décor où l'auteur se sentant en vacances peine à trouver l'inspiration qui pousse à écrire.… Ses compatriotes lui font la fête et sa situation d'universitaire ayant réussi semble lui ouvrir toutes les portes et tous les crédits chez les commerçants du coin, sauf auprès de son banquier. Il est sauvé de la banqueroute par la prévoyance de sa femme qui, profitant de la guerre d'Irak, a fait de profitables investissements. Dans la tête de Brahim, la fiction et la réalité se mêlent dans un va-et-vient permanent. Il finit par écrire une nouvelle histoire de l'inspecteur Ali. Le roman fleure la cuisine marocaine traditionnelle, les chants, les danses gnaouies et les foules de toutes les couleurs. Ces éléments exercent une magie à laquelle même son beau-père, l'Ecossais rigide finit par se rendre. Le «fonctionnement» irrationnel où sont plongée les sociétés maghrébines, une poésie de tous les instants , l'humour et la dérision la plus corrosive sont relatées par l'auteur avec sa fraîcheur et son allegro habituels. A la fin du livre, Brahim ne reconnaît sa propre mère qui vient lui rendre visite qu'au moment où il assiste à la venue au monde de son propre enfant. Comment mieux souligner le drame identitaire des sociétés maghrébines? «L'inspecteur Ali» est un ouvrage délectable et amusant qui donne la mesure du regretté romancier marocain. Le célèbre écrivain est né le 15 jullet 1926 à El-Jedida et mort le 1er avril 2007 en France où il était établi depuis 1988. Il est aujourd'hui enterré au cimetière des chouhadas de Casablanca aux côtés de son père, El-Hadj Fatmi Chraïbi, selon ses vœux. Il est l'auteur d'une œuvre foisonnante dont le premier roman, Passé simple, édité chez Gallimard en 1954 a connu un succès retentissant et créé une polémique. Armé d'humour et d'autodérision, l'écriture de Driss Chraïbi interpelle le monde sur les destinées du tiers-monde à travers l'exemple du Maroc. Les questions liées à la colonisation, à l'histoire des peuples, la question de la femme, la place de la religion sont abordés dans ce style original qui sans avoir l'air d'y toucher recèle une dimension philosophique. De 1954 à 2004 il a écrit : ‘'Le Passé simple'', ‘'les Boucs, l'Âne'', ‘'De tous les horizons'', ‘'la Foule'', ‘'Succession ouverte'', ‘'Un Ami viendra vous voir'', ‘'la Civilisation ma mère !'', ‘'Mort au Canada'', ‘'Une enquête au pays'', ‘'la Mère du printemps'', ‘'Naissance à l'aube'', ‘'l'Inspecteur Ali'', ‘'L'Homme du livre'', ‘'L'Inspecteur Ali à Trinity Colle, ‘'l'Inspecteur Ali et la CIA'', ‘'Vu, Lu, et entendu'', ‘'Le Monde à côté'', ‘'L'homme qui venait du passé''. Avant de disparaître, Driss Chraïbi s'était attelé à un nouveau roman. L'écrivain a reçu de nombreuses distinctions au cours d'une carrière égale. Notamment, le prix de l'Afrique méditerranéenne pour l'ensemble de son œuvre en1973, le Prix de l'amitié franco-arabe, en 1981, le prix Mondello pour la traduction de Naissance à l'Aube en Italie. Son œuvre a fait l'objet d'études et d'essais dont : Driss Chraïbi en marges par Jeanne Fouet chez L'Harmattan, 1999.L'œuvre de Driss Chraïbi par Jean Dejeux, Lahcen Benchama et Robert Jouanny chez le même éditeur en 1996 et Contestation et révolte dans l'œuvre de Driss Chraïbi par Hamdane Hadjadji chez Publisud.Il est hors de doute que le turbulent écrivain marocain continuera à faire rire et réfléchir bien des générations. Qu'il repose en paix.