Qui se souvient du 5 Octobre 1988 ? Des centaines et des centaines de jeunes déferlaient dans les rues d'Alger pour crier leur ras le bol . Trois jours durant la capitale était à feu et à sang . Retour sur les faits. Qui se souvient du 5 Octobre 1988 ? Des centaines et des centaines de jeunes déferlaient dans les rues d'Alger pour crier leur ras le bol . Trois jours durant la capitale était à feu et à sang . Retour sur les faits. Trois octobre 1988, l'atmosphère était lourde de par la chaleur d'une part, et de par la rumeur qui circulait de bouches à oreilles que les «choses allaient bouger», d'autre part. Quelques jours auparavant, le président Chadli Bendjedid, alors en exercice, avait prononcé un discours des plus ambigus. Sur toutes les bouches on ne commentait que ses propos. Que voulait-il insinuer ? Quel message voulait-il faire passer ? La réponse nous l'avons eu au matin du 5 octobre deux jours après. Bien qu'à Bab El Oued les émeutes ont commencé le 4 au soir au niveau des Trois horloges, et de la rue Malakoff. Elles se sont propagées le lendemain et Alger a connu des journées sanglantes. Dans l'un des quartiers populaires de la capitale, Bach Djerrah en l'occurrence, très tôt les jeunes et très jeunes s'affrontaient avec les forces de l'ordre. La rue grondait au fur et à mesure que les manifestants venaient grossir les rangs. Les policiers, fait étrange, il faut le souligner, ne possédaient pas d'arme pour se défendre. Certains d'entre eux avaient même été délestés de leurs tenues. Il était impossible de descendre en ville. Les bus de la RSTA étaient systématiquement pris d'assaut et incendiés. Il ne faisait pas bon circuler en voiture de service, celles-ci subissaient le même sort. La population s'était révoltée contre une forme de hogra qu'elle vivait au quotidien. Alors commença le pillage des magasins de l'Etat comme les Souk El Fellahs et les Galeries algériennes. Ces dernières avaient le monopole des appareils électroménagers et électroniques, des articles inaccessibles pour ces pauvres bougres bien décidés à ramener dans leur modeste logis un précieux frigidaire ENIEM ou Zanussi ou encore un de ces téléviseurs Sonacat de type CT3 ou CT5, que seuls les cadres obtenaient sur bons signés de la main du DG. Idem pour les fameuses Stan Smith que l'on obtenaient que si l'on montrait patte blanche au DG de la Sonipec qui les commercialisait. Toutes ces rancoeurs sont remontées à la face de ces miséreux qui se sont déchaînés sur tout ce qui était étatique et qui se trouvait sur leur passage. Même les tribunaux et commissariats ont été mis à sac. Le mobilier avec tout ce qu'il contenait comme paperasse est brûlé, comme pour effacer toute trace. Avec toute cette horde en furie, il était bien difficile de se frayer un chemin pour se rendre sur le lieu du travail. Un lieu du reste, placé sous haute sécurité puisque durant deux jours ceux qui travaillaient au Palais du Gouvernement, qui était à l'époque le siège du FLN, durent, rester enfermés durant deux jours pour tenter d'échapper à la folie de ceux qui vomissaient un système ayant fait d'eux, des laissés pour compte. C'est alors qu'une nouvelle donne intervient. Les islamiste, avec à leur tête Abbas Madani, décident d'un front commun, font dans la récupération et occupent le terrain avec un discours religieux , prônant le retour aux valeurs de l'Islam. Les prêches, sous la houlette de Ali Benhadj , un orateur propagandiste, à partir de la mosquée Sunna de Bab El Oued, s'enflamment contre le pouvoir en place. Il se fait le porte- parole des opprimés en citant les scandales des fils Chadli. Le relais se fait dans les autres mosquées par des imams comme Zebda à Kouba, Cherati au quartier de la Montagne. Le discours séduit. Les intégristes ratissent large et l'adhésion est massive. Pour preuve, les marches qui se sont tenues dans la capitale et les villes de l'intérieur du pays. A Alger Rue Bab Azzoun une marche est organisée. En tête de file, on peut reconnaître l'homme à la toque pakistanaise; la marche paraît silencieuse tous les participants sont munis du Livre saint et soudin, le crépitement d'une rafale à quelques mètres de la Place des Martyrs. C'est la panique, on court dans tous les sens, c'est l'accrochage, l'armée étant postée au niveau du centre des chèques postaux. Des morts il y en aura. Notre confrère de l'APS Sid Ali Bennemiche tombera sous les balles perdues dans l'exercice de ses fonctions. La jeunesse, composée en partie d'exclus du système scolaire, les « hittistes » mot à la mode, signe des temps, viennent grossir les rangs, embrigadés par des aînés qui leur promettent un monde meilleur. Ils activent notamment sur le terrain du social, véritable corde sensible. Ils innoveront dans les marchés islamistes où ils casseront les prix, on les verra venir en aide aux familles sinistrées du séisme de Nador qui a touché les vieilles bâtisses de la Casbah et autres quartiers d'Alger. Aux familles qui sont dans le désarroi, ils font des donations, prennent en charge les trousseaux scolaires et les livres. Que demande le peuple ? C'est ce qui expliquera le raz de marée du FIS qui, entre temps, à la faveur de l'ouverture du multipartisme, gagnera les élections communales en 90. Un parti qui selon la Constitution algérienne n'aurait jamais dû être agréé; mais là est une autre histoire. L. T. Trois octobre 1988, l'atmosphère était lourde de par la chaleur d'une part, et de par la rumeur qui circulait de bouches à oreilles que les «choses allaient bouger», d'autre part. Quelques jours auparavant, le président Chadli Bendjedid, alors en exercice, avait prononcé un discours des plus ambigus. Sur toutes les bouches on ne commentait que ses propos. Que voulait-il insinuer ? Quel message voulait-il faire passer ? La réponse nous l'avons eu au matin du 5 octobre deux jours après. Bien qu'à Bab El Oued les émeutes ont commencé le 4 au soir au niveau des Trois horloges, et de la rue Malakoff. Elles se sont propagées le lendemain et Alger a connu des journées sanglantes. Dans l'un des quartiers populaires de la capitale, Bach Djerrah en l'occurrence, très tôt les jeunes et très jeunes s'affrontaient avec les forces de l'ordre. La rue grondait au fur et à mesure que les manifestants venaient grossir les rangs. Les policiers, fait étrange, il faut le souligner, ne possédaient pas d'arme pour se défendre. Certains d'entre eux avaient même été délestés de leurs tenues. Il était impossible de descendre en ville. Les bus de la RSTA étaient systématiquement pris d'assaut et incendiés. Il ne faisait pas bon circuler en voiture de service, celles-ci subissaient le même sort. La population s'était révoltée contre une forme de hogra qu'elle vivait au quotidien. Alors commença le pillage des magasins de l'Etat comme les Souk El Fellahs et les Galeries algériennes. Ces dernières avaient le monopole des appareils électroménagers et électroniques, des articles inaccessibles pour ces pauvres bougres bien décidés à ramener dans leur modeste logis un précieux frigidaire ENIEM ou Zanussi ou encore un de ces téléviseurs Sonacat de type CT3 ou CT5, que seuls les cadres obtenaient sur bons signés de la main du DG. Idem pour les fameuses Stan Smith que l'on obtenaient que si l'on montrait patte blanche au DG de la Sonipec qui les commercialisait. Toutes ces rancoeurs sont remontées à la face de ces miséreux qui se sont déchaînés sur tout ce qui était étatique et qui se trouvait sur leur passage. Même les tribunaux et commissariats ont été mis à sac. Le mobilier avec tout ce qu'il contenait comme paperasse est brûlé, comme pour effacer toute trace. Avec toute cette horde en furie, il était bien difficile de se frayer un chemin pour se rendre sur le lieu du travail. Un lieu du reste, placé sous haute sécurité puisque durant deux jours ceux qui travaillaient au Palais du Gouvernement, qui était à l'époque le siège du FLN, durent, rester enfermés durant deux jours pour tenter d'échapper à la folie de ceux qui vomissaient un système ayant fait d'eux, des laissés pour compte. C'est alors qu'une nouvelle donne intervient. Les islamiste, avec à leur tête Abbas Madani, décident d'un front commun, font dans la récupération et occupent le terrain avec un discours religieux , prônant le retour aux valeurs de l'Islam. Les prêches, sous la houlette de Ali Benhadj , un orateur propagandiste, à partir de la mosquée Sunna de Bab El Oued, s'enflamment contre le pouvoir en place. Il se fait le porte- parole des opprimés en citant les scandales des fils Chadli. Le relais se fait dans les autres mosquées par des imams comme Zebda à Kouba, Cherati au quartier de la Montagne. Le discours séduit. Les intégristes ratissent large et l'adhésion est massive. Pour preuve, les marches qui se sont tenues dans la capitale et les villes de l'intérieur du pays. A Alger Rue Bab Azzoun une marche est organisée. En tête de file, on peut reconnaître l'homme à la toque pakistanaise; la marche paraît silencieuse tous les participants sont munis du Livre saint et soudin, le crépitement d'une rafale à quelques mètres de la Place des Martyrs. C'est la panique, on court dans tous les sens, c'est l'accrochage, l'armée étant postée au niveau du centre des chèques postaux. Des morts il y en aura. Notre confrère de l'APS Sid Ali Bennemiche tombera sous les balles perdues dans l'exercice de ses fonctions. La jeunesse, composée en partie d'exclus du système scolaire, les « hittistes » mot à la mode, signe des temps, viennent grossir les rangs, embrigadés par des aînés qui leur promettent un monde meilleur. Ils activent notamment sur le terrain du social, véritable corde sensible. Ils innoveront dans les marchés islamistes où ils casseront les prix, on les verra venir en aide aux familles sinistrées du séisme de Nador qui a touché les vieilles bâtisses de la Casbah et autres quartiers d'Alger. Aux familles qui sont dans le désarroi, ils font des donations, prennent en charge les trousseaux scolaires et les livres. Que demande le peuple ? C'est ce qui expliquera le raz de marée du FIS qui, entre temps, à la faveur de l'ouverture du multipartisme, gagnera les élections communales en 90. Un parti qui selon la Constitution algérienne n'aurait jamais dû être agréé; mais là est une autre histoire. L. T.